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Quand les multinationales promettent de se soucier d’environnement

Le Vif

Ne plus se soucier des seuls actionnaires et donc du profit à court terme, faire preuve aussi de responsabilité sociétale et environnementale: dans le monde entier, de grandes multinationales font désormais de telles promesses, sans caractère contraignant. Cette semaine, pas moins de trois initiatives en ce sens ont été rendues publiques.

La plus spectaculaire, au moins en termes de communication: dans une « Déclaration sur la raison d’être des sociétés », 181 dirigeants des plus grandes entreprises américaines réunies au sein de la Business Roundtable, dont ceux d’Apple, Amazon ou encore Goldman Sachs, « s’engagent à diriger leurs sociétés pour le bien de toutes les parties prenantes – clients, employés, fournisseurs, communautés et actionnaires ».

Sur le papier, c’est un tournant idéologique pour cette organisation, qui représente 15 millions de salariés et 7.000 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Depuis 1978, elle estimait que les entreprises « existent d’abord pour servir les actionnaires », conformément à la doctrine de l’économiste libéral Milton Friedman.

Un discours inaudible, en pleine campagne pour les présidentielles aux Etats-Unis marquée par de vifs débats sur les conditions de travail, les salaires, l’impact des entreprises sur l’environnement.

« Les grands employeurs investissent dans leurs salariés et leurs communautés parce qu’ils savent que c’est la seule façon de réussir sur le long terme », déclare Jamie Dimon, PDG de la banque JPMorgan Chase et président du puissant lobby.

Parallèlement, 34 grands groupes se sont fédérés avant le G7 de Biarritz autour du PDG de Danone Emmanuel Faber pour « pour faire progresser les droits humains à tous les stades de leurs chaînes de valeur ».

Pour M. Faber, « dans beaucoup des pays du G7, l’effritement des classes moyennes, qui sont la fondation de l’économie de marché, doit être une alerte car il est démontré qu’au delà d’un certain seuil, les inégalités pèsent sur l’économie ».

Prendre des engagements n’est donc pas « une question d’idéologie », mais « de réalisme », selon lui.

« La théorie de Milton Friedman selon laquelle une entreprise n’est là que pour délivrer des profits trimestriels a conduit à des dérives et ne répond plus aux préoccupations de nos concitoyens », a dit à l’AFP Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, principale organisation patronale française.

– Des jeunes plus engagés –

En France, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) a été officiellement reconnue par la loi Pacte, votée en avril. Le texte reste toutefois incitatif.

En Allemagne, l’idée que l’entreprise n’appartient pas qu’aux actionnaires est l’un des piliers de l’économie sociale de marché depuis la reconstruction du pays après 1945.

Le fabricant de logiciels SAP, le chimiste BASF, l’équipementier Bosch et la Deutsche Bank ont annoncé cette semaine oeuvrer à une nouvelle norme comptable reflétant la contribution d’une entreprise à la société.

« Nous voudrions prendre en compte dans notre comptabilité l’impact sur l’environnement, la société et l’économie », a déclaré Saori Dubourg, membre du conseil d’administration de BASF, citée dans le quotidien Handelsblatt.

Au Royaume-Uni, la priorité à l’actionnaire est écrasante mais un code de bonne gouvernance a été mis en place début 2019.

Aux Etats-Unis, le pouvoir des actionnaires est déjà limité dans le secteur technologique où les fondateurs gardent souvent le contrôle, comme Facebook avec Mark Zuckerberg et Amazon avec Jeff Bezos.

Leur toute-puissance est parfois contrebalancée, toutefois, par des mobilisations des employés: ceux de Google ont forcé l’entreprise à renoncer à renouveler un contrat avec l’armée américaine.

« Les salariés, mais en particulier la jeune génération, posent beaucoup plus de questions sur le sens des décisions business et sur leur impact », explique M. Roux de Bézieux.

Si elles affichent les meilleures intentions, toutes ces grandes entreprises entendent garder le contrôle de leurs engagements, et se sont montrées dans le passé hostiles aux régulations contraignantes.

La plupart des multinationales rejettent par exemple l’idée de plafonner les rémunérations des dirigeants – Jamie Dimon, président de la Business Roundtable, est aussi l’un des patrons américains les mieux payés avec 31 millions de dollars en 2018.

D’autres entreprises renâclent face à l’imposition de salaires minima ou de normes environnementales contraignantes. Quand elles ne sont pas, comme les grands noms de la tech, critiquées pour leur pratique de l’optimisation fiscale.

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