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Plantation de 4 000 kilomètres de haies: une idée saugrenue ?

Muriel Lefevre

En voulant planter « 4 000 kilomètres de haies », le nouveau gouvernement wallon a placé la barre très haut. Une mesure qui aura fait hausser quelques sourcils, surtout en Flandre. Beaucoup se sont demandé quelle était l’utilité réelle de cette mesure.

Le paragraphe de l’accord de coalition wallon concernant la plantation de 4.000 kilomètres de haies a particulièrement fait parler de lui en Flandre. Il y est stipulé que celles-ci seront principalement plantées dans le paysage ouvert de Wallonie, afin d’améliorer la biodiversité. Si elle peut laisser certain perplexe, l’idée n’a pourtant rien d’incongru et répond à un véritable besoin. Tous les rapports sur la biodiversité s’accordent pour dire que cette dernière s’étiole dangereusement, même en Belgique. Le dernier en date stipule que 57 % des reptiles, 52 % des fourmis et 43 % des amphibiens seraient ainsi menacé. Les araignées et les libellules ne s’en sortent guère mieux et 30% des oiseaux et 28 % des mammifères risquent eux aussi, à terme, de disparaître.

Des autoroutes à animaux

Plus de haies faciliteront la vie des animaux en leur offrant une source de nourriture et refuge ou en reliant leur différents habitats entre eux. Ces haies sont de véritables autoroutes pour, par exemple, les hérissons ou les souris. Le long d’une haie, deux populations peuvent facilement se rencontrer. On évite ainsi la consanguinité au sein des différentes populations et on augmente le patrimoine génétique. Les racines des haies permettent de lutter contre l’érosion des sols. Enfin, les haies permettent également de contrer les phénomènes telles que les inondation et les coulées de boues, réduisent l’exposition au vent et diversifient le paysage.

Pourtant, dans beaucoup d’endroits, elles ont disparu. Avec pour résultat un paysage fragmenté et des espaces « nature » limités à autant de poches distinctes.

Plantation de 4 000 kilomètres de haies: une idée saugrenue ?
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L’histoire fascinante des haies

La haie symbolise à elle seule le besoin de contrôle qui caractérise la race humaine. Autrefois présente sur des dizaines de milliers de kilomètres en Belgique, l’éradication de la haie a été entamée dès le Moyen-âge, époque où elles ont été arrachées en masse pour faciliter les déplacements précise De Standaard. Le carnage s’est poursuivi à l’époque industrielle où la rationalisation et la mécanisation de l’agriculture ont poussé vers une augmentation d’échelle des champs et des pâturages. Les haies compliquaient l’accès, diminuaient l’ensoleillement des terres et occupaient du terrain qu’on ne pouvait dès lors plus cultiver. Pourtant, sur le long terme, cette idée de perte de production s’est révélée fausse puisque les haies, en bloquant le vent et en améliorant la rétention du sol, se révèlent bénéfiques à la production totale par hectare.

Huit siècles plus tard, on se rend donc compte que ces barrières naturelles avaient tout de même de nombreuses utilités et on souhaite faire marche arrière. Sauf qu’augmenter le nombre de kilomètres de haies, c’est plus vite dit que fait. Et c’est en cela que les autorités se doivent de jouer un rôle, tant la replantation des haies ne se fait que rarement à partir d’initiatives personnelles. En effet, la difficulté de planter des haies n’est pas forcément le prix de revient, mais plutôt de convaincre les gens de planter et surtout d’entretenir une telle haie. Pour être d’une quelconque utilité, elles doivent être suffisamment larges et régulièrement élaguées. Un entretien qui n’est que rarement une priorité chez les agriculteurs puisque c’est trop cher et représente beaucoup de travail. Malgré l’effet esthétique qu’apportent ces murs végétaux et l’ombre bien venue qu’ils peuvent fournir aux animaux, on lui préfère encore souvent le fil barbelé. Il faut donc avoir du personnel capable d’aller démarcher les personnes concernées et de les convaincre de l’utilité d’une telle initiative.

Trop beau pour être vrai ?

Enfin, si l’idée est bonne et est certainement un pas dans la bonne direction, elle n’est pas non plus la panacée.

En effet, les véritables bénéfices écologiques ne devraient se faire ressentir que d’ici quelques décennies. C’est en effet le temps qu’il faut pour que les haies « murissent » suffisamment. Ensuite, on notera que René Collin, alors ministre wallon de l’Agriculture, a créé dès 2016 des subventions pour les agriculteurs et les particuliers pour les inciter à planter des haies. Selon un rapport datant de juillet dernier et cité par la RTBF, en trois ans elles auraient permis de planter près de 103 kilomètres de haies sur un objectif affiché de 110 kilomètres. Il faudra donc un plan extrêmement ambitieux pour espérer pouvoir atteindre les 4000 kilomètres promis. De quoi faire craindre, dit le Standaard, que cela ne reste qu’une promesse à l’image des milliers d’hectares supplémentaires d’arbres et de nature promis dans les précédents accords de coalition.

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