Carte blanche

Plaidoyer pour un rail européen sans frontière

En cette période de mobilisation intense et continue pour sauver le climat, l’attention se porte régulièrement sur les déplacements moyennes et longues distances. L’aviation est à juste titre pointée du doigt et le rail plébiscité. Encore faut-il qu’il ait les moyens de ses ambitions, comme ce fut le cas pour la voiture et ses réseaux transeuropéens largement subsidiés par l’Europe. Un réseau ferroviaire européen unifié et librement accessible doit rapidement voir le jour.

Le service public SNCB vous transporte toutes les heures pour un prix raisonnable à Essen, Hamont, Welkenraedt, Quiévrain ou La Panne, terminus des trains IC juste avant la frontière. Puis les soucis commencent. Pourtant, l’évidence voudrait qu’ils continuent sans heurt vers Roosendaal, Weert, Aix-la-Chapelle, Valenciennes ou Dunkerque grâce à une offre transfrontalière. Non ?

Imagine-t-on une autoroute qui s’arrêterait brusquement à la frontière ? Cette carence dans l’offre transfrontalière n’est pas l’apanage de la seule Belgique. Elle existe également entre l’Allemagne et la France, l’Allemagne et la Pologne ou encore entre l’Espagne et le Portugal. Les transports publics devraient jouer un rôle plus important non seulement à l’intérieur du pays, mais aussi dans le trafic entre États membres, comme c’est le cas dans le secteur des télécommunications. Les frontières entre les réseaux de transports publics doivent être « transparentes » et il est temps de mettre un terme aux tarifs élevés de l’ « itinérance » pour ceux qui voyagent en transports publics vers un autre État membre.

Un certain nombre de lignes à grande vitesse importantes ont été construites au cours des dernières décennies. Tous les contribuables les ont payées, mais l’exploitation du train sur ces lignes a été entièrement laissée au marché par la suite. Les Français, en particulier, considèrent le TGV comme un avion sur rails avec les mêmes règles d’utilisation : réservation obligatoire et tarifs élevés si vous ne réservez pas longtemps à l’avance. En raison de la division en plusieurs sociétés distinctes (Thalys, Eurostar, TGV, ICE, …), il est désormais beaucoup plus difficile qu’à l’époque des frontières intérieures de réserver des billets avec la garantie d’une correspondance. Pour réserver un voyage avec différents transferts, il faut vraiment être motivé et ne pas regarder aux dépenses. Vous ne payez pas la TVA sur les billets d’avion, mais payez-vous la TVA sur les billets de train ? Une concurrence loyale n’était-elle pas l’un des piliers du projet européen ?

Un service public européen

La Belgique dispose d’une offre de TGV bien étoffée vers nos pays voisins, mais les trains classiques de longue distance et les trains de nuit, par exemple vers Vienne, Milan, Berlin ou le sud de la France, ont délibérément été saignés à mort. Le train à grande vitesse a rapproché de nombreuses villes de nos pays voisins, mais à titre d’exemple, ceux qui veulent se rendre à Luxembourg ou à mi-chemin entre Bruxelles et Paris, voyagent aujourd’hui plus longtemps qu’auparavant en train international traditionnel. Cela a créé un réseau ferroviaire à deux vitesses.

Voyager à l’étranger en train devrait être aussi facile que de se rendre dans un pays voisin en voiture.

Pourquoi, en plus de ce réseau à grande vitesse, l’Europe ne peut-elle pas mettre en place un réseau de base utilisant des trains classiques, accessibles à tous, sans surtaxe ni obligation de réservation et à des prix raisonnables ? Voyager à l’étranger en train devrait être aussi facile que de se rendre dans un pays voisin en voiture. Afin de faire bénéficier tous les Européens de ce réseau et de renforcer la cohésion sociale et géographique au sein de l’Union, les recettes des relations rentables peuvent être utilisées pour financer les relations entre régions ou pays avec une plus faible densité de population. La concurrence ne doit plus être une fin en soi, mais un levier pour promouvoir un service public européen.

De cette manière, l’UE et les États membres peuvent en même temps offrir une alternative à la croissance climaticide de l’aviation et mieux maitriser les émissions de CO2 liées aux transports. Autoriser la croissance du secteur aérien n’est plus acceptable si l’on veut répondre à l’enjeu climatique. Le rail doit, lui, prendre de l’ampleur et l’aérien complétera l’offre de transport là où l’alternative ferroviaire serait difficile.

Stefan Stynen, TreinTramBus

Miguel Vertriest, Netwerk Duurzame Mobiliteit

Willy Smeulders, European Passenger Federation

Steven Clays, Trage Wegen

Joeri Thijs, Greenpeace

Gery Baele, Navetteurs.be

Simon November, Test-Aankoop

Juliette Walckiers, Inter-Environnement Wallonie

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