Charlotte Flechet

Négociations climatiques: les états doivent s’accorder sur des objectifs à court terme

Charlotte Flechet Jeune professionnelle dans le domaine des politiques environnementales.

A moins de 100 jours de la conférence de Paris sur le climat, une note de Climate Action Tracker a révélé que les contributions des états ayant soumis leurs engagements d’émissions de gaz à effet de serre sont insuffisantes pour rester sous la barre des 2°C de réchauffement considérée comme la limite ultime à ne pas franchir.

Sur base de l’analyse des engagements annoncés par des états représentant ensemble près de 65% des émissions de gaz à effet de serre – y compris l’UE, la Chine et les USA – le collectif, composé de quatre institutions de recherche , affirme que le réchauffement climatique est en voie d’atteindre 3°C d’ici à 2100.

Réunis à Bonn au début du mois pour l’avant dernière session officielle des discussions, les négociateurs n’ont malheureusement réalisé que quelques lents progrès en vue d’un accord sur le climat. Deux questions essentielles doivent encore être réglées pour que l’accord de Paris soit véritablement durable et efficace: la nécessite d’objectifs de réduction d’émissions à court terme ainsi que l’épineuse question des pertes et dommages liés au changement climatique.

Premièrement, il est crucial que les nations renforcent leurs engagements de réduction d’émissions pour la période 2020-2025 afin de maintenir le réchauffement sous les 2°C. Des objectifs limités à l’horizon 2030, comme c’est le cas actuellement, risquent d’encourager une inertie dangereuse et de retarder une action immédiate en faveur de la lutte contre le changement climatique. Selon la note du Climate Action Tracker (CAT), les états doivent absolument réduire de 12 à 15 gigatonnes leurs émissions de dioxyde de carbone d’ici à 2025, et de 17 à 21 gigatonnes d’ici à 2030 afin de rester dans la limite des 2°C.

Malheureusement, l’analyse de CAT souligne également que la plupart des états ayant soumis leur contribution n’ont pas encore de politiques en place pour réduire leurs émissions d’ici à 2025 afin de correspondre à leurs engagements officiels, à l’exception de la Chine et de l’UE.

Etant donné le décalage entre les engagements officiels qui visent l’horizon 2030 et la nécessité de réduire les émissions avant 2025, il est essentiel que l’accord de Paris établisse un mécanisme permettant aux états de réévaluer périodiquement leurs objectifs afin de les aligner avec la réalité concrète du changement climatique et de la trajectoire de leurs émissions.

Selon Bill Hare de Climate Analytics, « Il est clair que si la Conférence de Paris fige les engagements climatiques à l’horizon 2030, maintenir le réchauffement en dessous de la barre des 2°c deviendrait essentiellement impossible, et 1,5°C hors de portée. »

L’Union Européenne qui n’a pas pris d’engagement sur le court terme et s’est limitée à annoncer un objectif à 10 ans sans cibles intermédiaires s’est montrée plutôt décevante à cet égard.

Deuxièmement, étant donné la trajectoire actuelle mondiale des émissions et la faible probabilité de limiter le changement climatique à 1,5°C, la question des pertes et dommages, telle qu’on l’appelle en jargon onusien, est devenue inévitable.

Ce débat houleux soulève la question des compensations liées aux pertes et dommages associés aux impacts inévitables du changement climatique, un sujet particulièrement important aux yeux des nations en développement les plus vulnérables.

Les négociations de Bonn ont montré un élan positif dans cette direction, puisque l’idée d’inclure les pertes et dommages dans l’accord de Paris a été acceptée par une large partie des pays dits industrialisés, habituellement peu réceptifs à cette question. Toutes les nations sortiraient en effet gagnantes d’une solution qui embrasse une approche basée sur la réduction des risques. Cependant, il n’existe pas encore d’accord sur la définition du concept et aucune information n’a encore été dévoilée sur les notions de responsabilité, de compensation ainsi que sur les modalités pratiques de mise en oeuvre.

Cette problématique est malheureusement au coeur de l’actualité puisque le changement climatique risque de renforcer certains flux migratoires dans le futur comme l’a reconnu Jean-Claude Juncker, président de la commission européenne, dans son discours sur l’état de l’Union Européenne le 9 septembre dernier. Une opinion qui est également partagée par le président français François Hollande.

Une étude publiée dans la revue « Proceedings of the National Academy of Sciences » a en effet souligné, entre autres facteurs, l’effet catalyseur de la grave sécheresse de 2006 -2009 qui aurait contribué au déplacement de près de 2 millions de Syriens et favorisé l’émergence du conflit dans le pays.

En 2008 déjà, le président de l’Assemblée Générale des Nations Unies, Srgjan Kerim, avait tiré la sonnette d’alarme en avançant le chiffre de 200 millions de réfugiés climatiques potentiels par an.

Aujourd’hui, les pays en développement demandent que leur requête pour une migration organisée soit inclue dans l’accord contraignant de Paris, tout comme les provisions concernant les pertes et dommages.

Il ne reste que cinq jours officiels de négociation avant la Conférence de Paris et les négociateurs ont encore énormément de pain sur la planche. Le spectre de la conférence de Copenhague de 2009, largement considérée comme un échec cinglant des discussions climatiques, rôde autour des discussions. Mais six ans plus tard, l’échec n’est plus une option. Une entente sur les éléments essentiels et intimement liés que sont la nécessité d’objectifs à court terme et la question des pertes et dommages doit être trouvée afin que l’accord attendu à Paris soit réellement durable, efficace et humain.

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