Carte blanche

« Les ours polaires, des armes politiques dans le débat sur le changement climatique! »

Réponse à Pairi Daiza, par Catherine Khalil, experte en faune sauvage et conservation de la faune sauvage DierAnimal.

Le parti DierAnimal n’est pas surpris que Pairi Daiza, dans sa réponse à notre article du 21/1/2019, fasse référence au Dr. Steven Amstrup, directeur scientifique de Polar Bear International et également membre du Polar Bear Specialist Group (PBSG) qui, avec l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), valide la population des ours blancs. D’une part, le Dr. Amstrup valide donc les valeurs utilisées pour déterminer le statut de l’ours polaire, d’autre part, il conseille une association qui collecte des fonds en annonçant la fin de l’espèce, ce qui ressemble fortement à un conflit d’intérêts. Par conséquent, l’objectivité de ses recherches a été de plus en plus remise en question ces dernières années.

Comme je l’écrivais dans mon premier article d’opinion, le nombre exact d’ours polaires n’est pas connu précisément, parce qu’ils vivent dans des régions difficiles d’accès et que les comptages sont basés sur des modèles de données. En 2014, le rapport d’Amstrup et al., qui a servi à inscrire l’ours polaire sur la liste des espèces en voie de disparition sur la liste rouge de l’UICN, a fait l’objet de fortes critiques. Ce rapport prédisait qu’avec la fonte des glaces de mer, la population totale d’ours polaires estimée à 16 400 individus aurait dû être morte à l’heure actuelle. Le groupe de spécialistes des ours polaires a alors admis que ce chiffre n’était qu’une « estimation pour répondre à la demande du public ». Ces données peu fiables sont une preuve que les données scientifiques disponibles n’ont pas été utilisées pour évaluer l’état de conservation des ours blancs en vertu de la Loi sur les espèces en péril (ESA). Par ailleurs, plusieurs scientifiques, dont le Dr. Mitchell Taylor, affirment depuis des années que les ours polaires sont loin d’être en danger. Selon lui, ces animaux sont utilisés comme armes politiques dans le débat sur le changement climatique, et que les zoos les utilisent à leur tour.

Le Dr. Mitchell Taylor lui-même a été membre du Groupe de spécialistes de l’ours polaire (PBSG). Pendant 30 ans, il n’a cessé de faire des recherches sur l’état et la gestion des populations d’ours polaires au Canada et dans le cercle polaire arctique. Le PSBG la cependant rapidement mis de côté, parce que ses recherches ne correspondaient pas au message du PBSG, qui annonce que les ours polaires sont en danger.

Selon Dr. Mitchell Taylor, les populations d’ours polaires ne sont donc pas en déclin et leur nombre est beaucoup plus élevé qu’il y a environ 30 ans. Sur les 19 différentes populations d’ours, presque toutes sont en croissance ou à un niveau optimal, seulement deux populations ont connu un léger déclin. À notre connaissance, aucun des modèles du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur le Climat) ne suggère que la glace de mer va disparaître. Entre les années ’60 et ’80, il y a eu un déclin des populations d’ours polaires et de phoques dans l’est de la mer de Beaufort et dans le golfe d’Amundsen en raison des conditions météorologiques difficiles. Par après, les populations de phoques et d’ours blancs se sont reconstituées naturellement.

Les ours polaires existent depuis le Pliocène, de sorte qu’ils ont non seulement survécu aux cycles glaciaires, mais aussi à tous les cycles climatiques naturels durant les périodes glaciaires et interglaciaires.

Plongeons un instant dans l’histoire de l’UICN, afin que chacun puisse comprendre les relations institutionnelles qui continuent à structurer les politiques et les pratiques de l’UICN aujourd’hui. L’UICN a été créée pour deux raisons, dont l’une était la nécessité de protéger les espèces en raison de la pression de la chasse « indigène » et l’autre celle de protéger les espèces pour que puisse se maintenir la chasse par les « européens ». Je tiens à préciser ici que l’UICN a toujours existé dans un contexte institutionnel plus large, mais que ce contexte consistait dans une certaine mesure en un continuum d’intérêts communs et d’objectifs communs. Aujourd’hui encore, l’organisation est de plus en plus soumise aux agendas institutionnels d’acteurs puissants. Mais L’UICN compte sur le soutien de ses partenaires pour continuer à financer ses activités. Qui sont ces partenaires? Les zoos ou les organisations de forage arctiques telles que Shell International Petroleum, Mij Bv – Holland, … pour continuer à financer ses activités.

Il y a donc clairement deux façons de présenter les choses. La première consiste à présenter les données et l’analyse d’une manière si convaincante que tout le monde en est convaincu. L’autre façon est d’exclure quiconque qui n’est pas d’accord. La science s’est subordonnée aux gouvernements, aux ONG, aux revues et aux scientifiques qui croient que la fin justifie les moyens.

Selon Pairi Daiza, le bien-être des animaux est l’une de leurs priorités. Nous pouvons à juste titre nous poser la question de savoir de quel bien-être animal il s’agit réellement. Les principales causes du déclin des espèces sont la perte et la fragmentation des habitats, l’expansion des infrastructures humaines… et c’est précisément ce dont Pairi Daiza est aussi coupable en construisant leur « Monde du Froid ». La question est donc de savoir dans quelle mesure ils se soucient de nos espèces indigènes, qui doivent faire face à la construction de nouvelles routes (de plus de 10 km) et à l’expansion du parc (de plus de 5000 m2). Cela aura certainement un impact sur la biodiversité de l’environnement et sur nos espèces indigènes qui luttent déjà dans un pays fragmenté comme la Belgique. Sans parler des installations de refroidissement qui seront utilisées pour ce « Monde du Froid ».

Pairi Daiza tente de justifier l’arrivée des ours polaires en utilisant des arguments comme « programmes d’élevage » et « réintroduction des espèces ». Les populations des zoos sont généralement petites, elles vivent dans des conditions non naturelles et présentent peu ou pas d’échange de gènes entre sous-populations, ce qui rend les populations animales particulièrement vulnérables à la perte de diversité génétique. Elles connaissent non seulement une augmentation de la consanguinité, mais aussi de dépression. Des chercheurs australiens ont déjà tiré la sonnette d’alarme en 2009 dans l’International Zoo Yearbook, déclarant que les populations des zoos sont en mauvais état et certainement pas durables. Afin de maintenir la diversité génétique au sein d’une population, il est nécessaire d’avoir une population importante. Avec environ 300 ours polaires, actuellement en captivité, on peut rapidement se demander comment ils vont tenter de maintenir une variation génétique saine. Des études modélisées ont montré que les populations de moins de 100 à 500 individus « reproducteurs » ne peuvent pas survivre à moyen terme (+/- 100 ans) (pour les vertébrés, les chercheurs suggèrent des populations d’au moins 500 à 5000 individus pour maintenir une variation génétique).

Lorsqu’on parle de réintroduction, on parle des espèces qui ont été dans une spirale d’extinction et qui ont disparu. Les programmes de réintroduction sont une tâche à long terme et doivent être suivis pendant des générations, sans compter que les chances de succès sont très faibles. Tous les animaux ne peuvent pas être simplement réintroduits dans la nature. De plus, la survie d’une population sauvage d’espèces menacées ne devrait jamais être mise en péril par l’introduction d’animaux qui ont vécu en captivité. Le succès de la réintroduction dépend de la mesure dans laquelle les exigences environnementales sont satisfaites et un programme de réintroduction réussi ne peut être considéré comme existant que si l’espèce continue à se reproduire efficacement dans la nature et si une population durable en découle.

Enfin, la plupart des scientifiques s’entendent pour dire que les ours polaires et la plupart des prédateurs s’en tirent extrêmement mal en captivité. Bien sûr, il reste attrayant pour les zoos de faire croire que leurs programmes d’élevage et de réintroduction, financés par les nombreux visiteurs, protègent les espèces de l’extinction et créent l’illusion que les zoos offrent un refuge « sûr » à de nombreuses espèces menacées alors que, d’un autre côté, il n’est fait aucune mention du nombre annuel d’animaux en surplus qui sont euthanasiés dans les zoos européens, même ceux décrits comme « vulnérables » sur la Liste Rouge de l’UICN ! D’un côté, les zoos prétendent sauver des animaux, mais de l’autre, ils euthanasient entre 3 000 et 5 000 animaux sains chaque année. Le plus beau geste serait d’investir dans la protection de l’habitat d’origine de toutes ces espèces menacées.

DierAnimal est comme la plupart des scientifiques conscient du fait que les animaux en captivité ne peuvent dans la plupart des cas pas être relâchés dans la nature et nous demandons donc l’arrêt de l’élevage d’animaux sauvages en captivité. Beaucoup de gens ne savent pas ce qui se passe dans les coulisses de la plupart des zoos et DierAnimal veut informer le plus grand nombre. L’année dernière, le zoo suédois a annoncé l’euthanasie de 9 petits lionceaux en bonne santé, une décision pour le moins paradoxale, pour un animal décrit comme « vulnérable » sur la liste rouge de l’UICN ! Pourquoi ne pas avoir transféré ces animaux dans une réserve en Afrique? Pour l’ours blanc, par exemple, l’île Wrangler et l’île Herald (Russie), deux réserves naturelles protégées par le gouvernement fédéral et, depuis 2004 aussi par l’UNESCO, dans le cadre de la réserve du patrimoine mondial, constituent un environnement idéal pour la conservation des espèces depuis 1960. La zone offre le niveau de protection le plus élevé et exclut presque toutes les formes d’activités humaines, à l’exception de celles à des fins scientifiques. Les ours polaires y sont présents en grand nombre. Nous aimons les ours polaires, comme tous les animaux, pour cette raison, nous ne voulons pas les voir en captivité.

Nous nous demandons aussi pourquoi le ministre du Bien-être animal Carlo Di Antonio n’a pas fait avancer les droits des ours polaires, comme il l’a fait avec les cétacés ?

Par Catherine Khalil, experte en faune sauvage et conservation de la faune sauvage DierAnimal

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire