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Le matériel médical à usage unique, un fléau environnemental sous-estimé

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Un amas de masques qui dérivent dans l’océan, des équipements de protection qui jonchent les trottoirs… La crise du coronavirus a mis en lumière une autre forme de pollution : celle des déchets médicaux. Mais l’empreinte écologique du secteur des soins de santé ne se limite pas simplement aux masques ou aux gants… Explications.

Quand il s’agit de sauver des vies, le patient est toujours la première préoccupation du médecin. Aborder l’empreinte écologique du secteur des soins de santé ne fait pas vraiment partie de la liste des priorités. Et pourtant… Pollution de l’air ou sonore, produits chimiques, perturbateurs endocriniens, pesticides… Les menaces environnementales ont un impact non négligeable sur la santé des citoyens.

Environnement et santé sont donc intrinsèquement liés. Mais force est de constater que si le secteur médical était un pays, il serait le cinquième plus grand émetteur de gaz à effet de serre de la planète, selon l’organisation à but non lucratif Health Care Without Harm. Les statistiques sont en effet surprenantes : les hôpitaux et les laboratoires émettent 4,4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et sont responsables de plus de 5 millions de tonnes de déchets chaque année.

Et c’est bien là le problème : la multiplication des déchets médicaux. Le personnel médical en première ligne utilise quotidiennement des quantités astronomiques d’équipements médicaux à usage unique – qu’il s’agisse des écarteurs chirurgicaux, ou même des équipements de protection individuelle (EPI). Ils considèrent la fourniture de soins de santé nécessaires et le respect de l’environnement comme deux notions séparées, dont l’une va primer sur l’autre. Le choix est alors vite fait : c’est compliqué de penser à la durabilité lorsque la sécurité et la santé immédiate d’un patient sont mises en jeu.

Seuls 15 % des déchets sont dangereux

Prenons l‘usage du plastique à usage unique : le personnel médical estime qu’il y a un besoin légitime de plastiques à usage unique, principalement pour empêcher les maladies infectieuses de s’installer et de se propager, et la crise de la Covid-19 en est un parfait exemple.

La pandémie a rendu l’utilisation d’un équipement de protection individuelle indispensable, voire même vitale, pour le personnel médical en première ligne. L’EPI comprend notamment des gants, des tabliers et des blouses à usage unique, des masques chirurgicaux, des respirateurs et d’autres protections faciales telles que des lunettes. Le problème avec les EPI est qu’ils sont immédiatement jetés après usage, pour limiter les « risques » de contamination.

Or, seuls 15% des déchets de soins de santé sont en fait classés comme « dangereux » – cela comprend les déchets radioactifs, toxiques, ou ceux qui pourraient être une source d’infection. Les 85% des déchets hospitaliers restants ne sont pas infectieux, selon l’Organisation mondiale de la santé, et une grande partie est recyclable, mais la plupart de ces matériaux sont soit jetés dans des décharges, soit brûlés. Ils ne sont pourtant pas très différents des déchets que nous générons à la maison ou au travail. Nous penserons notamment aux contenants alimentaires, aux matériaux d’emballage ou aux gants portés pour inspecter un patient non infectieux.

« Dans l’esprit des gens, les équipements médicaux et de protection à usage unique sont considérés comme plus sûrs. Mais ce n’est pas forcément vrai« , explique à la BBC le directeur du Monash Sustainable Development Institute, Tony Capon. « Au début de ma carrière médicale, il était de pratique courante que les choses soient nettoyées et stérilisées. Le matériel médical était donc régulièrement nettoyé, stérilisé et réutilisé. « 

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Privilégier qualité et recyclage

Les déchets s’accumulent car l’équilibre entre la sécurité des patients, les coûts et la durabilité n’est pas facile. Reprenons l’exemple des EPI : la qualité des équipements utilisés à l’heure actuelle dans les hôpitaux est telle que vous ne pouvez les utiliser qu’une seule fois pour éviter le risque de propagation du coronavirus. Il est tout simplement impossible de les recycler.

Pour réduire la quantité de déchets, il faudrait donc songer à remplacer l’EPI à usage unique par un EPI réutilisable qui est nettoyé après chaque utilisation. Il en va de même pour plein d’autres équipements médicaux. Le mot d’ordre ? Privilégier la qualité et le recyclage plutôt que multiplier les matériaux en plastique à usage unique. Malheureusement, l’absence d’un système de recyclage médical efficace représente une grosse partie du problème. Pour réduire le risque d’infection, une technologie de stérilisation des déchets, ainsi que des techniques de tri permettant de séparer les déchets infectieux des déchets ordinaires devraient être introduites.

La pandémie actuelle pourrait bien devenir un catalyseur et encourager le monde médical à évoluer pour diminuer son empreinte écologique. Les citoyens se rendent en effet compte que c’est en dégradant l’environnement que nous encourageons l’apparition de ces nouveaux types de maladies. Mais pour que les systèmes de santé progressent dans la récupération des dispositifs et équipements médicaux, de nombreux défis restent encore à relever : notamment l’espace, l’éducation, le temps et l’énergie nécessaires au personnel hospitalier pour faire fonctionner ces futurs programmes de recyclage.

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