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La peste porcine va-t-elle réduire nos forêts au silence ?

Muriel Lefevre

De nouveaux cas de peste porcine africaine ont été détectés parmi les sangliers dans les bois d’Etalle, non loin d’Arlon, portant à cinq le nombre d’animaux touchés par cette maladie. Ce week-end, un expert européen a été dépêché sur place. On parle d’un pic de cent cas en six mois. Pour éviter une propagation dramatique du virus, les chasseurs ont un rôle à jouer. Mais aussi les promeneurs amateurs de balades en forêt. Le point.

C’est au Berlaymont que se tiendra ce lundi la réunion des ministres belges de l’Agriculture avec la Commission européenne, pour envisager l’évolution du dossier de la peste porcine africaine touchant les sangliers du sud du pays. Les autorités européennes ont envoyé une équipe d’experts pour épauler la Belgique dans ses efforts. Le pays doit exécuter les mesures qui ont été arrêtées dans le cadre de la stratégie européenne contre la peste porcine africaine. Cette stratégie inclut notamment l’interdiction totale de chasse dans la zone concernée, une limitation stricte de l’accès à cette zone et la recherche active des cadavres des bêtes jusqu’au 15 octobre minimum. Une zone de confinement de 63.000 hectares a déjà été décidée. Ce qui signifie que la chasse ne pourra pas débuter le 21 septembre comme prévu dans cette zone. On parle même d’une annulation pure et simple de la chasse cette année dans la région. Et ce pour pouvoir délimiter au mieux la zone. La chasse ne reprendrait que l’année prochaine avec l’objectif de tuer le plus de bêtes possible jusqu’à la disparition du virus pour recoloniser ensuite la zone avec des animaux sains. Une autre mesure est l’interdiction de nourrir les bêtes. L’expert italien, mandaté par la Commission européenne, qui s’est rendu ce week-end à Etalle, précise dans La Meuse que « si un seul est infecté, ils meurent tous. Si on installe des lieux de nourrissage, ces groupes, qui ne se seraient jamais rencontrés, vont converger vers ces points de nourriture et propager la maladie. »

Si toutes les mesures ne sont pas comprises par les chasseurs, ils sont pourtant un facteur essentiel si l’on souhaite éviter que la maladie se propage par les animaux contaminés. « Nous devons faire face à une problématique et nous ne voulons absolument pas gérer la chasse. La problématique, c’est l’infection virale et les chasseurs doivent jouer un rôle. Nous attendons d’eux une précieuse aide pour la recherche de carcasses de sangliers morts. Le but étant de retrouver un maximum de cadavres pour redélimiter le territoire. » précise Pierre Williquet, porte-parole du cabinet Collin. En effet « une des conséquences visibles de la peste est la tendance aux animaux infectés à se regrouper. Il s’entasse quand ils vont mourir », toujours selon Pierre Williquet dans La Meuse.

Outre une interdiction de la chasse dans des zones délimitées, on pourrait aussi interdire les gros rassemblements en forêt comme des trails ou les courses. L’instauration d’une obligation au « silence », soit une interdiction complète de circuler en forêt pour éviter d’effrayer le gibier et de limiter son déplacement, est aussi envisagée. En attendant des mesures aussi drastiques, il est déjà vivement conseillé de rester sur les chemins balisés lorsqu’on se promène. Si l’on aperçoit une carcasse d’animal, on doit également la signaler à l’administration communale ou à un vétérinaire.

À cause d’un sandwich ?

La peste porcine africaine (PPA) est une maladie virale qui touche les porcs, mais aussi les sangliers. Il n’existe pas de vaccin contre ce virus très résistant et à 100% mortel. Très contagieuse, la maladie se transmet par contact direct ou à travers les puces et cause la mort des animaux par hémorragie en moins de trois semaines. Autant d’éléments qui font que l’épidémie est très difficile à maîtriser.

Il y a pourtant peu de chance que ce soit un sanglier qui ait ramené le virus. L’animal se déplace en effet très lentement: on estime qu’il parcourt entre 500 m et 2 km par mois. Or le dernier foyer de peste identifié se situe à 1 000 km et aucun cas n’est signalé dans les pays limitrophes.

La faute serait plutôt imputable aux hommes. Car si le virus n’est pas dangereux pour ce dernier, l’homme peut en être le porteur ou plutôt le transporteur. Par exemple, lorsqu’il ramène des spécialités à base de porc des pays de l’Est. Ce virus est capable de survivre dans des viandes congelées durant 1000 jours et peut se fixer à des végétaux avant de contaminer des sangliers. Ces dernières semaines, l’Afsca et la fondation Saint-Hubert avaient d’ailleurs donné des instructions aux chasseurs qui se rendaient dans les pays de l’Est en leur demandant de ne pas ramener de viande ou de trophées de chasse de nature animale et de nettoyer leurs bottes et leurs vêtements.

Les experts penchent cependant plus pour une contamination par un reste alimentaire. Un rapport d’expert préciserait en effet que la peste porcine serait arrivée chez nous via un transporteur routier. « La maladie proviendrait probablement d’un transporteur d’un pays de l’Est qui se serait débarrassé d’un reste de sandwich avec de la charcuterie élaborée à base de porcs qui était porteuse de la maladie » précise encore l’Avenir. L’épidémie fait en effet de nombreux ravages dans ces pays et a déjà entrainé l’abattage de plus 110.000 porcs en 2018 en Roumanie.

La crainte des éleveurs de porcs

Si l’épidémie venait à s’étendre en Belgique, elle pourrait mener à l’abatage en masse des sangliers sauvages, mais aussi mettre en péril le secteur du porc en Belgique qui compte 6 millions de porcs en Flandre et 400.000 en Wallonie précise la RTBF. Et dans ce secteur, même si on n’en arrive pas à des abatages massifs, la simple rumeur de peste peut déjà poser problème, surtout à l’exportation. Pour éviter tout risque, beaucoup de pays peuvent bloquer l’importation de la viande belge et de ses dérivés. Les exportations étant réduites, cela entraînerait une sur-offre en Belgique. De quoi faire baisser le prix du kilo de porc qui est actuellement autour de 10 euros.

Le porc est la viande préférée des Belges, devant la volaille et le boeuf. On estime qu’un Belge en consomme 22,5 kg par an. A lui seul il représente plus de 50 % de la consommation totale de viande. On le consomme principalement en charcuterie (11 kg), en hachis et saucisse (7 kg) et en viande dite noble (6 kg).

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