La forêt wallonne à la croisée des chemins

Les résineux en Wallonie sont toujours nettement surexploités, ce qui fait craindre pour leur disponibilité à moyen terme, d’autant que l’on ne mesure pas encore à l’heure actuelle toutes les conséquences de la crise des scolytes qui frappent les épicéas, première essence de résineux au sud du pays.

Selon le dernier Panorabois, publié lundi par l’Office économique wallon du bois, à quelques encablures de la Foire agricole de Libramont, le taux de prélèvement des résineux wallons -c’est à dire le rapport entre le bois récolté et ce que la forêt produit- atteint 133%. Alors que les accroissements s’élèvent à près de 2,3 millions de mètres cubes par an, les prélèvements, eux, se montent à plus de 3 millions de mètres cubes.

Pour l’épicéa, essence reine du résineux wallon, ce taux de prélèvement est même de 148%. Plusieurs facteurs expliquent cet état de fait: l’épicéa n’a pas forcément bonne presse auprès des chantres de la biodiversité; des peuplements jadis plantés dans des stations peu favorables ont dû être coupés en vertu du « nouveau » code forestier; l’industrie de la transformation wallonne a des besoins élevés et exerce dès lors une pression sur l’offre; de nombreux peuplements plantés pendant ou juste après la Seconde guerre mondiale sont arrivés à maturité, etc. Sans parler de la crise des scolytes qui nécessite des abattages d’arbres ravagés par ce coléoptère.

Toujours est-il que les spécialistes craignent des problèmes de disponibilité de résineux d’ici 20 ans, voire avant cela. « C’est inquiétant, d’autant qu’on n’a pas vraiment d’idée de ce que la crise des scolytes va donner », estime Eugène Bays, responsable veille à l’Office économique wallon du bois. « On essaie de planter des essences à croissance plus rapide, comme le douglas, pour compenser les pertes de surfaces productives. » Mais le douglas, qui rencontre quelques « sensibilités » sur le terrain, n’est pas la panacée, une solution préconisée résidant dans des parcelles composées d’au moins trois essences différentes. « Les peuplements multi-essences ont un meilleur comportement », souligne le spécialiste.

Plus généralement, « on est à un carrefour. Il faut dès à présent commencer à penser à la forêt de demain et aux évolutions climatiques possibles », poursuit Eugène Bays. Les périodes plus longues de fortes chaleurs et de sécheresse font souffrir l’épicéa mais aussi le hêtre, qui représentent à eux deux 40% de la forêt du sud du pays. « Ce qui est probable, c’est que l’on risque de voir chez nous des essences plus méditerranéennes qui supportent mieux les pics de sécheresse et de chaleur », prévoit Eugène Bays, citant, par exemple, le châtaigner, en feuillus.

Pour ces derniers, majoritairement aux mains de propriétaires privés, le taux de prélèvement est de 67%, selon le Panorabois, soit un accroissement naturel de plus d’1,3 million de mètres cubes annuels pour un prélèvement de 900.000 mètres cubes. Le taux de prélèvement se situe à 86% pour le hêtre et à 68% pour les chênes indigènes.

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