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La fonte des calottes glaciaires pourrait provoquer un « chaos » climatique

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

La fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique, en plus d’augmenter le niveau des océans, pourrait aussi multiplier les événements météo extrêmes et déstabiliser le climat de certaines régions dans les prochaines décennies. Selon des scientifiques de la Nasa, un phénomène semblable aurait également lieu dans l’Arctique.

Selon cette étude publiée en 2019, des milliards de tonnes d’eau issues de la fonte des glaces, en particulier au Groenland, risquent d’affaiblir les courants océaniques qui aujourd’hui transportent l’eau froide vers le sud en plongeant vers le fond de l’Atlantique tout en repoussant les eaux tropicales vers le nord plus près de la surface.

Connu sous l’acronyme AMOC (circulation méridienne de retournement de l’Atlantique), ce grand « tapis roulant » océanique joue un rôle crucial dans le système climatique et aide à maintenir une certaine chaleur sur l’hémisphère nord. « Selon nos modèles, la glace fondue va provoquer des perturbations importantes dans les courants océaniques et changer les niveaux de réchauffement à travers le globe », explique l’auteur principal Nicholas Golledge, du Centre de recherche antarctique de l’Université Victoria de Wellington, en Nouvelle-Zélande.

De nombreuses études sur les calottes glaciaires se sont concentrées sur la vitesse de la fonte des calottes sous l’effet du réchauffement, et sur leur « point de basculement » (à partir de quelle hausse de température leur disparition sera-t-elle inévitable, même si la fonte totale pourrait prendre des siècles). Mais moins sur la façon dont ces eaux de fonte pourraient affecter le climat lui-même.

« Les changements à grande échelle que nous voyons dans nos simulations sont propices à un climat plus chaotique, avec des événements météo extrêmes plus nombreux, des canicules plus fréquentes et plus intenses », indique à l’AFP Natalya Gomez, de l’université McGill au Canada. Selon les chercheurs, d’ici le milieu de ce siècle, « l’eau de fonte de la calotte du Groenland perturbera sensiblement l’AMOC », qui montre déjà des signes de ralentissement. C’est une « échéance beaucoup plus courte qu’attendue », a commenté Helene Seroussi, de l’Institut de technologie de Californie (Caltech), qui n’était pas impliquée dans l’étude. Les conclusions des chercheurs sont basées sur des simulations détaillées et des observations satellites des changements des calottes depuis 2010.

Une hausse des océans de 58 et 7 mètres

Parmi les conséquences probables de l’affaiblissement de ce courant atlantique, la température de l’air sera plus élevée dans le haut Arctique, l’est du Canada et l’Amérique centrale, et au contraire plus basse sur l’Europe de l’Ouest et l’est de l’Amérique du Nord. Les calottes de l’Antarctique et du Groenland, qui peuvent atteindre jusqu’à 3 km d’épaisseur, contiennent plus des deux-tiers de l’eau douce de la planète, suffisamment pour provoquer une hausse des océans respectivement de 58 et 7 mètres, si elles fondaient complètement.

Dans une autre étude, certains des mêmes scientifiques dévoilent de nouvelles projections sur la contribution de la fonte de l’Antarctique à l’augmentation du niveau de la mer d’ici 2100, sujet très débattu dans la communauté climatique. Une étude controversée de 2016 suggérait que les falaises de glace du continent pourraient s’effondrer et provoquer une hausse d’un mètre des océans d’ici la fin du siècle, entraînant le déplacement de dizaines de millions de personnes à travers le monde, notamment autour des deltas d’Asie et d’Afrique.

« Nous avons réanalysé les données et conclu que ce n’est pas le cas », a indiqué l’auteur principal Tamsin Edwards, du King’s College de Londres. Selon elle, les deux nouvelles études prédisent que l’Antarctique contribuerait « plus probablement » à une augmentation de 15 cm d’ici 2100, avec une limite maximale d’environ 40 cm. Le groupe d’experts climatiques du Giec doit publier en septembre un rapport très attendu sur la hausse des niveaux des océans. Sa dernière évaluation sur le sujet en 2013 ne prenait pas en compte les calottes glaciaires, en raison d’un manque de données.

Inversion d’un courant océanique dans l’Arctique

Des scientifiques de la Nasa mettent aussi le doigt sur un phénomène semblable dans l’Arctique, et cela parce que le Gyre de Beaufort, un important courant océanique, pourrait s’inverser. Un changement qui ferait alors chuter les températures en Europe occidentale, estime une étude publiée dans Nature Communications.

Il faut savoir que ce courant circulaire se déplace dans le sens des aiguilles d’une montre, autour de l’ouest de l’océan Arctique, au nord du Canada et de l’Alaska. Il y recueille naturellement l’eau douce issue de la fonte des glaciers, du ruissellement des rivières et des précipitations.

Cette eau douce protège la glace présente dans l’eau de mer salée, qui la ferait fondre plus rapidement, et aide à préserver les basses températures dans le nord de la planète.

Or, la fonte des glaces plus rapide en raison du réchauffement climatique a des conséquences dans cette partie de la planète. Dans un premier temps, le courant océanique capte des quantités inhabituellement importantes d’eau douce. Selon les scientifiques, ce tourbillon océanique a accumulé depuis les années 1990 un grand volume d’eau douce – environ 8 000 km cubes – soit près du double du volume du lac Michigan aux États-Unis.

Dans un second temps, cette fonte des glaciers va davantage exposer le Gyre de Beaufort aux vents d’ouest, qui vont alors augmenter sa vitesse de déplacement, et piéger, in fine, l’eau douce dans son courant.

Ce vent occidental qui dure depuis des décennies est inhabituel pour la région. Auparavant, les vents devaient changer de direction tous les cinq à sept ans, expliquent les scientifiques. Si après tout ce temps, la direction des vents venait brusquement à changer, ils inverseraient alors le courant, le tirant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et libérant ainsi toute l’eau qu’il a accumulée.

Un phénomène qui ne serait pas sans conséquence pour l’Europe : « Si le Gyre de Beaufort devait libérer l’excès d’eau douce dans l’océan Atlantique, il pourrait potentiellement ralentir la circulation de ce dernier. Cela aurait alors des implications climatiques à l’échelle de l’hémisphère, en particulier en Europe occidentale« , a déclaré Tom Armitage, auteur principal de l’étude.

L’eau douce est moins dense que l’eau salée, de sorte que les scientifiques craignent que la libération soudaine de milliers de kilomètres cubes d’eau douce puisse interférer avec la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique. Un système qui, comme expliqué plus haut, aide à maintenir une certaine chaleur sur l’hémisphère nord. Résultat d’un tel phénomène ? Une possible inversion des courants, et une chute importante des températures en Europe.

Avec Belga

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