Si certaines initiatives destinées à protéger l’environnement commencent à porter leurs fruits, l’inaction politique de certains dirigeants pourrait bien être sans retour. Bilan de quelques mesures.
La récente démission du Français Nicolas Hulot de son poste de ministre de la Transition écologique et solidaire nous l’a encore prouvé : les actions politiques concrètes et unanimes pour protéger et préserver l’environnement sont compliquées. Sont-elles pour autant vaines ? Si les mesures prises à petite échelle ont souvent un impact limité, les politiques plus globales peuvent porter leurs fruits.
Une interdiction globale qui fonctionne
C’est le cas, par exemple, des interdictions concernant certains produits chimiques dangereux, fléau pour la faune en Arctique. Près de deux décennies après les restrictions sur les polluants organiques persistants (POP), les scientifiques confirment dans une étude que les concentrations de ces substances diminuent dans cette région du globe.
L’Agence wallonne de l’air et du climat définit les polluants organiques persistants, aussi appelés POP, comme des « composés organiques qui possèdent des caractéristiques toxiques et résistent aux processus naturels de dégradation. Ils persistent donc dans l’environnement pendant de longues périodes, peuvent être transportés sur de longues distances, s’accumulent dans les tissus humains et animaux. » Cette catégorie comprend notamment les dioxines et les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP), émis principalement par trois secteurs : résidentiel, transport et industrie.
Les POP sont notamment néfastes pour l’environnement et la biodiversité, mais également pour la santé humaine. Ils obligent par exemple les oiseaux à pondre des oeufs avec des coquilles si fines qu’ils ne peuvent pas éclore. Ils ont provoqué des déclins catastrophiques dans certaines populations animales et se sont révélés particulièrement nuisibles dans les écosystèmes fragiles de l’Arctique.
La prise de conscience vis-à-vis de leurs conséquences dévastatrices s’est développée vers la fin du 20e siècle. Cela a notamment abouti à la Convention de Stockholm de 2001, signée par plus de 150 pays, qui interdit certaines substances chimiques très polluantes et restreint très fortement l’utilisation d’autres.
Le côté « persistant » permet à ces substances de rester présentes dans l’environnement, même longtemps après leur utilisation. Les POP font donc des dommages à long terme, puisqu’ils s’accumulent dans l’organisme des animaux lorsqu’ils traversent la chaine alimentaire : le plancton contenant ces substances chimiques est mangé par les poissons, à leurs tours mangés par les oiseaux, les ours, les baleines… puis stockés dans leurs corps, explique The Independent. Mais la désintoxication progressive de l’écosystème arctique est en marche depuis l’interdiction, affirme une étude publiée dans la revue Science of the Total Environment. « Cet article montre que les suites du traité et des éliminations progressives antérieures ont largement entraîné une baisse de ces contaminants dans l’Arctique », confirme le Dr John Kucklick (National Institute of Standards and Technology), biologiste qui a contribué au travail. « Lorsque l’utilisation des POP a été réduite, le changement s’est traduit par une diminution des concentrations dans l’environnement. »
Pour comprendre comment les niveaux de contamination avaient changé du fil du temps, les scientifiques ont examiné des échantillons de graisse provenant de mollusques et d’oiseaux marins remontant aux années 1980. Ils ont également mesuré l’air dans le cercle arctique pour détecter les traces de pollution. Ces substances disparaissent lentement des écosystèmes, mais celles interdites par la Convention de Stockholm ont tendance à être plus généralement à la baisse au cours des dernières décennies. Malgré ce résultat plutôt encourageant, les chercheurs précisent que certains produits chimiques dangereux encore en usage ont montré des augmentations au cours de la période étudiée et espèrent d’autres interdictions, à grande échelle, dans les années à venir.
Actions « localisées » vs effet Trump : un match inégal
Alors que certaines mesures, avec le temps, semblent faire effet, d’autres politiques à travers le monde vont à contresens. C’est notamment le cas aux États-Unis, où le président Donald Trump a annoncé, dès le début de son mandat, la volonté de retirer son pays de l’Accord de Paris sur le climat. Ce traité, signé par près de 200 pays, prévoit notamment de contenir le réchauffement climatique global « bien en dessous de 2°C », et de redoubler les efforts pour tenter de « limiter la hausse des températures à 1,5°C ». Le locataire de la Maison-Blanche remet d’ailleurs régulièrement en question le concept même de changement climatique et a dévoilé récemment un plan visant à revoir à la baisse les normes d’émission des véhicules, ce qui pourrait engendrer plus d’un milliard de tonnes de CO2 supplémentaire au cours des 15 prochaines années.
Suite à ses diverses annonces sur le sujet, de nombreuses régions, villes ou encore entreprises américaines ont décidé de s’unir pour faire face au dérèglement climatique. Le mois prochain, une foule de maires, représentants de gouvernements régionaux et dirigeants d’entreprises vont d’ailleurs se réunir à San Francisco pour un grand sommet à propos du rôle de l’action au-delà des gouvernements nationaux pour éviter les pires conséquences du changement climatique. Mais la réduction de gaz à effet de serre offerte par ces actions plutôt isolées est jugée comme modeste et relativement faible par une nouvelle étude, et ne compenserait pas pleinement l’inaction américaine, rapporte The Guardian. L’analyse a été menée auprès de neuf pays fortement émetteurs, tels que les États-Unis, la Chine, l’Inde, le Brésil et dans l’Union européenne. « Quand on regarde les engagements individuels, l’impact n’est pas si important, dont il faut absolument que les gouvernements nationaux fassent un travail plus conséquent. Les actions des villes, des entreprises et des États ne sont pas négligeables, mais ils ne peuvent pas le faire seuls. Cela montre que tout le monde pourrait en faire plus. Les réductions actuelles sont malheureusement insuffisantes, mais espérons que les actions d’autres entités donneront aux gouvernements nationaux la confiance nécessaire pour devenir plus ambitieux », insiste le Dr Angel Hsu, directrice de Data-Driven Yale et meneuse de la recherche.
Même si tous les engagements de l’accord de Paris sont pleinement mis en oeuvre, le monde devrait se réchauffer d’environ 3,3°C d’ici la fin du siècle. Les secteurs de l’innovation redoublent d’efforts pour tenter de trouver une solution qui permettrait d’enrayer le réchauffement climatique ou une technologie révolutionnaire permettant de diminuer le carbone présent dans l’atmosphère. « Nous sommes déjà dans une situation de dépassement », regrette Klaus Lackner, du Centre pour des émissions de carbone négatives (Arizona State University), dont les propos sont également cités par The Guardian. « L’idée que nous nous serrions juste un peu la ceinture ne va pas résoudre le problème. Nous devons cesser d’utiliser l’atmosphère comme une décharge, abandonner les combustibles fossiles, trouver de nouvelles sources d’énergie et faire face à la dette carbone que nous avons déjà. »