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Environnement : la face cachée du papier-toilette

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Nous sommes de plus en plus conscients de l’impact environnemental du plastique. Mais saviez-vous qu’utiliser un papier-toilette doux et épais peut-être pire que de conduire un gros SUV ? Il existe pourtant des alternatives moins désastreuses pour l’environnement.

Le papier-toilette, tel qu’on le connait aujourd’hui, est une invention récente. Mais de tout temps, il a bien fallu trouver des solutions aux problèmes d’hygiène intime. L’origine du papier toilette remonte au IIe siècle av. J.-C. en Chine et au Japon. C’est là que les populations gardaient jalousement le secret de la fabrication du papier. Mais le rouleau de papier toilette a été inventé bien plus tard par l’américain Seth Wheeler, en 1891.

Introduit en France au début du vingtième siècle, il est resté longtemps un produit de luxe réservé aux plus nantis. Son utilisation s’est généralisée dans les années soixante, il y a à peine 50 ans. Et pourtant, l’industrie du papier toilette a déjà fait des dégâts sur le plan environnemental.

Aujourd’hui, le marché du papier toilette et du papier hygiénique (type essuie-tout) représente 8.5 milliards d’euros par an, rien qu’en Europe, où chaque habitant en utilise 13 kilos par an en moyenne. Dans le monde, c’est un marché de 45 milliards de dollars (chiffres de 2012).

Tout ce papier, s’il est biodégradable, a une empreinte écologique non négligeable. Surtout en Amérique du Nord, où la consommation de papier de luxe (très doux et à plusieurs épaisseurs) est très populaire (45 kilos par an), rapporte le Guardian. Les Américains sont en effet de gros consommateurs de papier-toilette. Alors qu’ils ne représentent que 4 % de la population mondiale, ils consomment 20 % du marché, surtout du papier fabriqué à base de pâte vierge, très épais, sans matière recyclée. En effet, les alternatives connues, telles que le bidet, sont quasiment inexistantes outre-Atlantique.

Un impact environnemental insoupçonné

En 2016, une étude dénonçait déjà l’impact environnemental du papier hygiénique. Sa fabrication nécessite l’abattage de 27.000 arbres par jour dans le monde, rapportait Slate. Soit 10 millions d’arbres chaque année.

Pour fabriquer de la pâte à partir de fibres de bois vierges, il faut également une usine qui transforme les troncs en copeaux de bois, ainsi qu’un processus chimique énergivore pour séparer les fibres de bois. Pour blanchir la pâte, celle-ci doit également subir un processus de blanchiment chimique. Fabriquer du papier toilette à partir de 100% de fibres vierges « génère trois fois plus de carbone que les produits fabriqués à partir d’autres types de pâte », selon le rapport de Natural Resources Defense Council (NRDC) et Stand.earth. La fabrication d’un seul rouleau de papier toilette nécessite également 140 litres d’eau. Il faut également tenir compte du transport qui est énergivore.

De plus, le papier jeté dans les toilettes augmente la quantité de matière organique à traiter par les stations d’épuration, ce qui les oblige à utiliser davantage de produits chimiques. Le problème étant encore aggravé par les fabricants qui proposent un rouleau central soluble dans l’eau. Ce qui encourage les utilisateurs à s’en débarrasser dans la cuvette.

Un problème très américain

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Selon les calculs de NRDC et Stand.earth, la consommation particulièrement importante des Américains détruit les forêts de manière irréversible, en particulier la forêt boréale canadienne.

Cette immense forêt recouvre près de 60 % du territoire canadien et abrite 600 communautés autochtones. Sa taille lui permet d’absorber énormément de dioxyde de carbone : l’équivalent du CO2 émis par 24 millions de voitures en un an.

Le rapport affirme que le refus des grandes industries de passer à des matériaux durables pour la fabrication de leur papier a un impact dévastateur sur les forêts et le climat. Depuis 1996, 113.000 km carrés de forêt boréale ont été détruits, soit presque quatre fois la superficie de la Belgique. La pâte vierge, l’ingrédient principal utilisé dans la fabrication du papier toilette, représente 23% des exportations de produits forestiers du Canada.

Le rapport indique que les grandes marques de papier hygiénique ont refusé d’utiliser des matériaux plus durables parce que les Américains veulent un papier doux et épais, principalement à cause d’un matraquage publicitaire vantant l’importance de la douceur du papier hygiénique depuis des décennies.

Des études antérieures sur l’impact environnemental du papier hygiénique ont montré que l’utilisation de ce type de papier « de luxe » était pire pour l’environnement que l’utilisation des gros SUV adorés par les Américains.

De nombreuses alternatives

Il existe pourtant bien des alternatives au papier toilette classique. Rappelons que « près de la moitié de la planète n’utilise pas de papier-toilette », écrivait le magazine Usbek & Rica en 2010, principalement dans les pays du Sud, où les alternatives sont nombreuses.

La plus courante étant le bidet, une petite cuvette munie d’un jet d’eau servant à la toilette intime. Au Japon, les toilettes sont directement munies d’un jet d’eau et suivi d’un souffle d’air pour se sécher.

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La dernière tendance qui gagne de plus en plus d’adeptes parmi ceux qui se sont lancés dans la course au zéro déchet, est d’opter pour des morceaux de tissu lavables en machine. Cette solution a pourtant bien des inconvénients, au-delà du côté désagréable de manipuler régulièrement des morceaux de tissu souillés par de la matière fécale et de l’urine. Elle ne serait pas forcément, selon les détracteurs, plus économique, ni plus écologique et pas très hygiénique. Considérant qu’il faut tenir compte de l’impact d’un lavage en machine à haute température (60°C minimum) et éventuellement d’un séchage électrique.

Mais le calcul de l’impact environnemental de cette méthode semble bien difficile à effectuer de manière précise.

La voie de la raison nous ferait peut-être pencher vers l’achat d’un papier toilette écoresponsable, c’est-à-dire entièrement fabriqué avec des matériaux recyclés, non blanchi et en petite quantité, comme le recommande le WWF.

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