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« Écologique » et « respectueuse » la chasse des dauphins aux Féroé ?

Le Vif

Depuis des siècles, les Féroé pratiquent la chasse aux globicéphales (dauphins pilotes), mis à mort de manière spectaculaire dans les fjords. Si le « grindadráp » indigne des ONG, le ministre féringien de la Pêche, Høgni Hoydal, y voit une pratique « écologique » et « respectueuse ».

Pourquoi cette chasse si décriée est-elle considérée comme indispensable aux Féroé?

La question centrale du « grind », c’est que cela fait partie des ressources vivant dans nos eaux. Nous basons toute notre existence mais aussi notre État-providence moderne et ouvert sur le monde sur l’exploitation des ressources marines vivantes. Le dauphin pilote en fait partie depuis plus de 1.000 ans. Et nous considérons notre législation et tout notre système de chasse des cétacés comme le mode d’exploitation le plus durable qui soit. Nous avons des statistiques remontant à 450 ans qui prouvent que nous ne prélevons qu’environ 1% de la population totale des dauphins pilotes dans l’Atlantique Nord (…).

Alors, quand on en discute avec des groupes environnementaux qui protestent contre le « grind », on leur dit que c’est peut-être l’exemple d’exploitation des ressources marines la plus écologique, la plus durable et la plus contrôlée qui soit.

Si nous n’exploitions pas les globicéphales, nous devrions importer du bétail, du boeuf, du poulet qui sont produits, à mon sens, dans les pires conditions pour les animaux, d’une manière industrielle qui n’est pas viable, qui engendre la pollution de notre environnement et qui conduit à la destruction de presque toutes les espèces sauvages au monde.

La chasse aux dauphins serait donc une bonne chose pour la planète?

(Importer de la viande) augmenterait notre empreinte carbone. Est-ce préférable d’acheter du poulet industrialisé ou de la viande industrialisée? Je ne comprends pas la perspective de certaines de ces organisations qui, à mon avis, sont importantes parce qu’elles mettent l’accent sur l’avenir écologique du monde. Mais c’est le meilleur exemple de gestion écologique des ressources marines vivantes et, à mon avis, la mieux documentée et aussi la plus respectueuse (…).

N’y a-t-il tout de même pas un risque que l’image des Féroé soit indissociablement associée à ces scènes sanglantes?

Nous ne voyons pas ça comme un problème. Cela a été un problème. Il y a eu d’énormes campagnes. Certaines organisations en particulier ont été très violentes en arrivant aux Féroé (…).

Mais, dans mon expérience, quand les gens viennent ici et se familiarisent à la question de l’utilisation durable des ressources marines (…), du système social qui est peut-être le seul dans le monde où vous distribuez de la nourriture sans qu’il y ait d’intérêts commerciaux (…), je pense qu’ils en viennent à le respecter. Même si je peux comprendre, surtout pour les gens qui n’ont jamais vu de gros animaux être tués, que c’est bien sûr une vision qui peut éveiller certains sentiments.

Dans ma jeunesse, nous voyions aussi des moutons être tués. C’est également un aspect naturel de la vie aux Féroé de savoir d’où vient la nourriture.

Danger mercure!

Si la chasse aux dauphins pilotes aux îles Féroé est controversée, consommer leur viande pose aussi problème en raison de sa teneur en mercure, avertissent les autorités de la santé publique, qui préconisent de la bannir des assiettes.

Suivant une tradition ancestrale, les Féringiens rabattent chaque été des dauphins pilotes passant le long des côtes vers des criques, où ils les tuent à l’arme blanche, donnant à l’eau une spectaculaire couleur rouge, avant de distribuer la viande à la population locale.

Directeur du département de médecine et de santé publique sur l’archipel, Pál Weihe recommande cependant de ne pas y toucher.

« En manger est si problématique pour la santé des Féringiens que nous leur avons demandé de faire ce sacrifice culturel. Car c’est un sacrifice de ne plus consommer cette nourriture traditionnelle », explique-t-il à l’AFP.

« Si le Danemark ou la Grande-Bretagne devaient arrêter de manger du bacon au petit-déjeuner, ce serait un pan de leur culture qui disparaîtrait. La viande de dauphin fait vraiment partie de notre mode de vie, de notre identité, de notre culture », souligne-t-il.

En cause: les concentrations élevées de mercure et de polluants organiques persistants (POP), dues aux activités industrielles, qui affectent négativement le développement intellectuel et neurologique des humains et affaiblissent leur système immunitaire.

Ayant suivi des centaines d’enfants dans le cadre d’une étude entamée en 1986, Pál Weihe a d’abord recommandé en 1998 de limiter la consommation de viande de dauphin pilote à un ou deux repas par mois — et de s’abstenir complètement dans le cas des femmes enceintes ou projetant de l’être.

La nocivité ayant été scientifiquement de mieux en mieux documentée, cette recommandation a été étendue à l’ensemble de la population féringienne en 2008. Avec un succès mitigé.

« Quand je dis ‘vous ne devriez plus en manger’, c’est comme si je disais ‘ne tuez plus les dauphins pilotes' », précise le professeur. « Je ne me mêle pas de ça, je dis juste qu’il ne faut pas en manger, mais comme la seule raison de les tuer est alimentaire, ça signifie que certains ne m’écoutent pas ».

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