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Du sang d’oiseaux dans l’huile d’olive

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Plus de 2,6 millions d’oiseaux tués chaque année pour l’huile d’olive. Deux chercheurs tirent la sonnette d’alarme dans la revue Nature. Une catastrophe environnementale se produit en Espagne et au Portugal lors de la récolte des olives.

La récolte des olives a lieu d’octobre à janvier dans le bassin méditerranéen. L’Espagne est le premier producteur d’huile d’olive au monde. Le pays produit 57% de l’huile européenne et exporte 38% de la consommation mondiale. Des quantités pharaoniques qui imposent des cadences de récolte élevées sur des dizaines de milliers d’hectares.

En Espagne et au Portugal (la France et l’Italie semblent globalement épargnées par le phénomène), des millions d’oiseaux meurent chaque année lors de la récolte des olives. Les chercheurs parlent de 2,6 millions d’oiseaux en Espagne, soit 100 spécimens par hectare, et 96.000 au Portugal.

Cette hécatombe est due au mode de récolte des olives qui se fait de nuit. Or, durant cette période de l’année, de nombreuses espèces d’oiseaux ont migré vers le sud pour y trouver des températures plus clémentes.

Récolter la nuit, permettrait aux producteurs de ne pas exposer les fruits aux rayons du soleil et ainsi d’empêcher qu’ils flétrissent. Or c’est justement la récolte de nuit qui est fatale aux oiseaux. En effet, la nuit les oiseaux dorment dans les oliviers. Ils se font réveiller brusquement par les machines qui viennent secouer les oliviers. Ils sont alors désorientés, notamment par les phares des machines, et se font parfois aspirer en même temps que les olives, ce qui leur est fatal.

Il s’agit d’une catastrophe pas seulement à l’échelle espagnole ou portugaise, mais bien pour tous les oiseaux migrateurs européens. La journée, le problème ne se pose pas, car les oiseaux s’envolent lorsque les machines arrivent.

Au total, on parle de plusieurs millions d’oiseaux migrateurs tués chaque année par l’industrie oléicole internationale, dont certaines espèces sont déjà classées comme en déclin de population.

BirdLife International rapporte que les populations de 57 espèces d’oiseaux parmi les plus communes d’Europe ont diminué au cours des 30 dernières années. Les oiseaux qui habitent les terres agricoles du continent semblent avoir subi les pertes les plus graves.

Cette manière de récolter les olives n’est devenue populaire qu’au cours de la dernière décennie. « La récolte de jour est la méthode traditionnelle », explique Vanessa Mata, auteure de l’étude à EcoWatch. « La récolte de nuit avec des machines est une pratique récente utilisée dans les exploitations oléicoles ultras intensives. »

Les oléiculteurs insistent sur le fait que la récolte de nuit fournit un produit de meilleure qualité, mais Vanessa Mata pense plutôt que c’est, comme toujours dans l’industrie, une question d’argent. La saison des récoltes se situe entre octobre et janvier, mais la météo et la maturité des fruits déterminent le moment exact où cette saison culmine. Et quand c’est l’heure, c’est l’heure.

Les producteurs qui louent des machines de récolte coûteuses, comme le géant représenté dans la séquence ci-dessous, veulent maximiser les rendements tout en minimisant les coûts de location et d’exploitation. « En faisant fonctionner les machines jour et nuit, vous pouvez exploiter la même surface en utilisant la moitié des machines », déclare Mata.

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La récolte nocturne étant relativement nouvelle, les informations sur son impact sur la faune et l’environnement sont peu nombreuses. C’est ce qui rend ce nouveau rapport si révélateur: il est le premier à mettre des chiffres sur papier, même s’il ne permet pas encore de mesure l’ampleur du problème.

Cette pratique constitue une violation flagrante de la directive « Oiseaux », la loi européenne relative au traité sur les oiseaux migrateurs, dénonce la chercheuse. Non seulement il est illégal de tuer des oiseaux migrateurs en vol, mais il est également illégal de les déranger pendant qu’ils se reposent.

Les oléiculteurs qui récoltent la nuit devraient au moins surveiller et signaler le nombre d’oiseaux tués par leurs machines, comme le font les autres industries, suggère Vanessa Mata.

« Je pense que l’important pour le moment est que les consommateurs agissent, qu’ils insistent auprès de leurs fournisseurs de produits alimentaires pour connaître l’origine de leurs olives et de leur huile, mais aussi [qu’ils fassent] pression sur leurs politiciens pour que cette pratique soit réglementée », a déclaré Mata. Sa collègue Elli Rivers a même lancé une pétition sur Change.org pour encourager les citoyens à s’exprimer sur le sujet.

Pour le moment, Vanessa Mata a déclaré que la meilleure chose que les consommateurs puissent faire pour les oiseaux est de diffuser l’information. À terme, créer des incitations commerciales pour la récolte de jour, comme par exemple une étiquette indiquant si une marque d’olive protège les oiseaux, pourrait aider à endiguer ce massacre insensé.

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