Les déchets spatiaux se développent plus rapidement qu'ils ne se désintègrent "naturellement" en pénétrant dans l'atmosphère terrestre. Il faut y remédier. © ESA

Dépollution: le recyclage mis sur orbite

Dans le cosmos aussi, la pollution prend de l’ampleur. Elle menace non seulement les engins spatiaux, mais également leurs fonctions terrestres. Plusieurs solutions se profilent et, là aussi, récup et réemploi sont mis à profit.

Lorsqu’on lève les yeux là-haut, on peine à imaginer que des millions de débris volent au-dessus de nos têtes. Il a pourtant suffi de quelques décennies de conquête spatiale pour polluer l’espace avec des satellites hors d’usage, des lanceurs de fusées et autre matériel en tout genre. Selon les estimations de l’Agence spatiale européenne (ESA), se trouveraient en orbite quelque 34 000 déchets de plus de 10 cm, 900 000 d’une taille de 1 à 10 cm et pas moins de 128 000 petits débris entre 1 mm et 1 cm.

Développer une sorte de garage spatial vers lequel les pièces ou satellites seraient acheminés pour leur traitement.

« Malgré leur nombre, la densité des déchets reste faible vu l’immensité de l’espace« , souligne Stéphanie Lizy-Destrez, professeure associée et cheffe de l’équipe de recherche sur les concepts spatiaux avancés à l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supareo) de Toulouse. « Ces objets n’en restent pas moins dangereux car ils se déplacent à des vitesses élevées – entre 3,5 et 7 kilomètres par seconde – et risquent de détruire des engins fonctionnels en entrant en collision avec eux. »

Jusqu’à présent, les acteurs qui opèrent dans l’espace se contentent de manoeuvrer pour contourner les débris, mais cette solution devrait bientôt ne plus être suffisante. Les déchets spatiaux se développent plus rapidement qu’ils ne se désintègrent « naturellement » en pénétrant dans l’atmosphère terrestre. Par ailleurs, l’intensification des lancements de fusées et satellites prévus ces prochaines années devrait rendre l’espace toujours davantage impraticable. « On évoque déjà ce problème depuis les années 1990, mais il n’existe encore aucun dispositif concret pour dépolluer l’espace », constate Stéphanie Lizy-Destrez. « Les recherches ont néanmoins avancé et s’orientent vers plusieurs stratégies, comme réorienter les satellites vers l’atmosphère pour qu’ils s’y désintègrent, ou placer les engins hors d’usage sur des orbites cimetières – mais il s’agit d’une option temporaire. »

ClearSpace-1 de l'ESA sera la première mission au monde d'enlèvement d'un débris spatial. Lancement prévu en 2025.
ClearSpace-1 de l’ESA sera la première mission au monde d’enlèvement d’un débris spatial. Lancement prévu en 2025.© clearspace

Des obstacles légaux et financiers

D’autres études explorent les possibilités de réparer les engins spatiaux et de prolonger ainsi leur durée de vie. C’est d’ailleurs vers ces solutions plus circulaires que portent les recherches de Stéphanie Lizy-Destrez et son équipe à l’ISAE-Supaero depuis 2017. « On se projette à plus long terme en étudiant comment nous pourrions réutiliser ou recycler les matériaux déjà présents dans l’espace. L’idée serait de développer une sorte de garage spatial vers lequel les pièces ou satellites seraient acheminés et traités. » D’un point de vue technique, ce genre de dispositif pourrait assez rapidement être concrétisé.

Selon la professeure, les freins se situent plutôt au niveau des soutiens économiques et des aspects légaux. Il existe en effet des recommandations internationales pour limiter la pollution dans l’espace, mais pas encore de texte contraignant. « De plus, comme les accidents entre satellites restent encore rares, les opérateurs concernés ne mesurent pas l’intérêt d’investir dans des projets de dépollution », précise la chercheuse. « Peut-être qu’ils reverront leur position si un jour la perte d’un satellite entraîne une coupure d’Internet ou de gps. Ce serait dommage d’en arriver là mais cela pourrait survenir rapidement. »

ClearSpace, première européenne

Si certains Etats ou opérateurs spatiaux sont peu attentifs à la problématique de la pollution de l’espace, l’Agence spatiale européenne (ESA) est particulièrement sensible à ce sujet. Depuis plusieurs années, elle investit entre autres dans la recherche et le développement de solutions de maintenance en orbite des satellites. Fin 2020, elle a également signé un contrat de 86 millions d’euros avec la start-up suisse ClearSpace pour accomplir la première mission au monde d’enlèvement d’un débris spatial. Le robot ClearSpace-1 devrait être opérationnel en 2025. Il utilisera ses bras articulés pour récupérer une structure porteuse d’une fusée Vega lancée en 2013 et placée temporairement en orbite de stockage. Le débris d’une centaine de kilos – l’équivalent d’un petit satellite – sera renvoyé vers l’atmosphère où il se désintégrera. L’objectif premier de cette mission sera d’ouvrir la voie à d’autres récupérations de débris mais les technologies utilisées par ClearSpace-1 devraient également permettre de développer des services durables et abordables pour le ravitaillement et l’entretien en orbite des satellites.

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