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50.8 °C en Inde : quand la chaleur rend fou

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Rixes entre singes, tigres dans des villages… en Inde, face à la sécheresse et aux températures extrêmes, les animaux multiplient les comportements inhabituels.

Quelques 15 singes sont décédés, probablement d’une insolation, après s’être battus pour l’accès à une source d’eau dans le massif forestier de Joshi Baba, a indiqué un garde forestier à un média indien, P. N. Mishra. Cette rixe est un comportement « rare et étrange pour des herbivores », a-t-il affirmé.

Selon des médias, des tigres auraient également quitté les réserves forestières qu’ils habitent pour aller chercher de l’eau dans des villages, semant la panique.

Les températures ont atteint la semaine dernière 50,3 degrés Celsius dans la ville de Churu, au Rajasthan, juste en deçà du record national de 51 degrés.

Un homme tué pour de l’eau

La chaleur a également provoqué des comportements violents chez les humains. Dans l’État de Jharkhand, un homme a poignardé six autres personnes après avoir été empêché de remplir des barils d’eau supplémentaires dans un réservoir public, ont rapporté les médias samedi. Vendredi, un homme de 33 ans est mort après un combat similaire dans l’État du Tamil Nadu.

Dans le nord du pays, l’Etat d’Uttar Pradesh a connu également ces derniers jours, outre la chaleur, des tempêtes de sable dont les vents violents ont rasé des maisons et abattu arbres ou poteaux, faisant 24 morts.

Et les services météorologiques en prévoient d’autres pour les deux jours qui viennent. L’an dernier, dans ce même Etat, une série de tempêtes de sable de ce type avaient fait 150 morts et d’innombrables destructions.

La mousson annuelle, qui amène des pluies bienvenues sur le sous-continent indien, a plus d’une semaine de retard sur son calendrier habituel, mais devrait arriver dans les jours qui viennent, selon les services météorologiques.

Quatre morts dans un train

Quatre passagers d’un train ont succombé à la chaleur extrême dans le nord du pays. Les passagers avaient embarqué à Agra (nord), ville de l’emblématique Taj Mahal, et étaient en route pour Coimbatore, dans le Sud. Ils voyageaient dans des wagons sans air conditionné, les classes les moins chères.

« Lorsque le train approchait de Jhansi (à 200 kilomètres au sud d’Agra, ndlr), nous avons reçu un appel de l’équipe à bord comme quoi l’un des passagers avait perdu conscience », a déclaré à l’AFP Ajit Kumar Singh, un porte-parole de la compagnie des chemins de fer. « Nous avons dépêché une équipe médicale à la station mais ils ont découvert que trois des passagers étaient déjà morts », a-t-il ajouté. Une quatrième victime a succombé à l’hôpital.

« La chaleur semble avoir été un facteur », a dit M. Singh. Au pic de la journée, le thermomètre affichait autour de 47°C lundi dans cette région. Un passager qui faisait partie du groupe de voyageurs a déclaré à la presse locale que le climat avait transformé le wagon en four.

« Peu après que nous avons quitté Agra, la chaleur est devenue insupportable et des gens ont commencé à se plaindre de problèmes de respiration et à se sentir mal », a indiqué ce passager cité par la chaîne de télévision News18. « Avant même que nous ayons pu obtenir de l’aide, ils se sont effondrés. »

Les passagers morts étaient tous âgés d’environ 70-80 ans, d’après la chaîne de télévision.

Considérés comme l’été dans le sous-continent, les mois de mai et juin sont les plus étouffants de l’année en Inde.

Une chaleur sèche et un soleil de plomb accablent le nord du pays de 1,3 milliard d’habitants durant cette période. Le mercure grimpe alors à des niveaux invivables, jusqu’à 50,8°C cette année dans une ville du Rajasthan.

L’arrivée progressive de la mousson, début juin sur le sud et fin juin sur le nord, permet ensuite de rafraîchir les températures et d’irriguer les cultures agricoles.

Le ballet des camions-citernes d’eau

Gajanand Dukre a tout juste garé son camion-citerne dans un village indien frappé par la sécheresse que des dizaines de locaux accourent avec bidons, seaux et pots en fer blanc pour recueillir sa précieuse eau.

Au cours des deux heures suivantes, cet employé du gouvernement déverse dans ces réceptacles son réservoir de 12.000 litres de ce liquide vital dans la chaleur implacable de l’été du géant d’Asie du Sud, qui connaît l’une de ses pires sécheresses depuis des années.

« Nous travaillons sans arrêt », explique Gajanand, 41 ans, qui effectue quatre tournées de livraison d’eau par jour dans des localités autour de Shahapur (Maharashtra, ouest). Il est l’un des 37 conducteurs de camions-citernes des autorités à opérer dans cette zone à une soixantaine de kilomètres de la capitale économique Bombay.

Les camions-citernes d’eau y opèrent sept jours par semaine de mars à juin, saison la plus chaude et sèche en Inde où l’eau vient à se faire rare dans de nombreuses régions.

L’été s’est montré particulièrement rude cette année, avec des températures dépassant même les 50°C dans l’État du Rajasthan (nord).

Plus de la moitié du territoire indien, partie où vivent plus de 500 millions de personnes, fait face à des conditions de sécheresse en raison de précipitations pré-mousson insuffisantes cette année, selon les services météorologiques indiens.

Dans le village de Shakar Pada, les niveaux des puits sont dangereusement bas, ce qui fait que l’arrivée du camion de Gajanand est vue comme un soulagement. Sitôt arrêté, il branche un tuyau et remplit les récipients amenés par les habitants, généralement des femmes en sari.

« Il y a un manque d’eau depuis un mois », explique à l’AFP Pramila Shewale en transportant sur sa tête un pot tout juste rempli d’eau.

« S’il n’y avait pas les camions-citernes, nous devrions dépendre du puits, ce qui serait très difficile », ajoute la jeune femme de 25 ans.

La centaine de familles de ce village vit de l’agriculture, principalement du riz et des légumes qu’elles vendent sur les marchés des villes voisines. Durant la sécheresse, il n’y a pas d’eau pour les cultures ou le bétail.

La baisse des nappes phréatiques et un système d’irrigation insuffisant font que ces populations sont extrêmement dépendantes de la mousson, qui dure de juin à septembre et donne à l’Inde le gros de ses précipitations annuelles.

Or trois des cinq dernières moussons ont été en-dessous de la moyenne. Et bien que les prévisions annoncent une mousson normale cette année, celle-ci est déjà en retard d’une semaine sur le calendrier habituel, ce qui inquiète les agriculteurs.

« Chaque année la sécheresse empire. Je prie Dieu qu’il y ait assez d’eau » cette année, dit à l’AFP Naresh Rera, un agriculteur de 32 ans.

Gajanand Dukre continuera ses tournées de livraison d’eau jusqu’à ce que la mousson ait atteint sa pleine puissance au Maharashtra, normalement à la fin du mois de juin.

Chaque nuit, lui et ses collègues dorment dans leur véhicule sur un terrain vague où les camions sont alignés à côté d’une rivière.

Ils se réveillent 03H00 du matin, remplissent leur réservoir avec de l’eau de la rivière venant d’un barrage non loin. Ils y ajoutent ensuite du chlore pour l’assainir puis se mettent en route pour les villages assoiffés.

Une fois vides, ils reviennent et font le plein d’eau à nouveau. Gajanand ne finit pas ses tournées avant 19H30.

« C’est un travail dur mais mon coeur se sent bien car j’aide les gens », dit-il.

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