Philippe Goffin, ministre des Affaires étrangères. © Belga

Zones rouges: quand la Belgique malmène son idéal européen (analyse)

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

La décision d’interdire les déplacements non essentiels vers des zones non frontalières, au nord de la France, ravive le débat sur le choix de notre pays: il est contraire à la libre circulation des personnes, pierre angulaire de l’Union.

Le Nord et le Pas-de-Calais sont classées zones rouges ce vendredi à partir de 16h. Concrètement, les voyages non essentiels ne sont plus autorisés: plus de question de faire du shopping ou du tourisme à Lille, par exemple, en raison de la recrudescence de l’épidémie de coronavirus. La liste des régions européennes fermées aux Belges ne cesse de se prolonger, incluant désormais Amsterdam ou Vienne, notamment.

La décision, rappelait ces derniers jours Philippe Goffin (MR), ministre belge des Affaires étrangères, notamment sur LN24 (voir vidéo), est prise sur base des recommandations du Celeval, composé de treize experts. Elle se justifie par les chiffres de contaminations en hausse. Et elle fait avant tout appel à la responsabilité des citoyens, il n’y aura pas, en soi, de contrôles aux frontières. Mais cette décision de notre pays se fait de façon unilatérale et le manque de coordination européenne reste criant. Et elle va à l’encontre d’un des principes cardinaux de la construction européenne.

Zones rouges : intervention de Philippe Goffin en direct sur le plateau de LN24 ce 16 septembre 2020https://www.youtube.com/1.0video480

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Les textes des traités européens sont clairs à ce sujet. Voici ce que l’on peut en lire sur le site du parlement européen : « La liberté de circulation et de séjour des personnes dans l’Union constitue la pierre angulaire de la citoyenneté de l’Union, qui a été instaurée par le traité de Maastricht en 1992. La suppression progressive des frontières intérieures en application des accords de Schengen a été suivie par l’adoption de la directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement au sein de l’Union. »

Profondément européenne depuis toujours, la Belgique s’éloigne donc de cet idéal pour des raisons sanitaires que l’on peut certes comprendre, nécessité fait loi, mais qui n’en dénaturent pas moins un projet géopolitique essentiel. Ces décisions suscitent régulièrement l’incompréhension des autres pays… au vu de l’augmentation des contaminations perceptible chez nous, souvent supérieure aux régions soudain bannies.

« La Belgique, gouvernée par un comité politico-sanitaire, poursuit sa folle politique de fermeture des frontières (alors, qu’en bonne logique, elle devrait interdire les déplacements à l’intérieur du pays vu le taux de contamination…) » commentait cette semaine encore Jean Quatremer, correspondant européen de Libération et chroniqueur très suivi de l’actualité de l’Union. Depuis quelques mois,celui-ci s’étonne, parfois de façon provocatrice, d’une forme de dictature des experts qui provoque une crise économique historique.

https://twitter.com/quatremer/status/1306483918884012032Jean Quatremerhttps://twitter.com/quatremer

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Une question s’impose, pourtant: pourquoi les déplacements ne sont-ils pas autorisés… pour autant que l’on respecte les mesures de restriction sanitaires décidées dans les régions d’accueil? Entre port du masque obligatoire, distanciation sociale et interdictions de se rassembler, l’Europe tout entière combat le virus.

Le manque de coordination européen est criant et… les institutions européennes en sont conscientes. Fin août, le parlement européen appelait la Commission à agir et un début de coordination a été initié. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) joue désormais un rôle de coordination plus affirmé, mais les décisions restent du ressort des Etats.

Dans son discours sur l’état de l’Union, mercredi, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, appellait à « créer une Union européenne de la santé plus forte ». Elle affirmait aussi sa volonté de donner davantage de moyens et de compétences à l’ECDC et à l’agence européenne des médicaments. Mais elle n’a pas évoqué ce souci criant et actuel, et pour cause: les Ving-sept sont loin d’être sur la même longueur d’ondes à ce sujet.

Au cours de sa jeune histoire, l’Union européenne a grandi à travers les crises d’ampleur et il cela sera potentiellement encore cette fois-ci. Mais il est tout de même singulier que l’un de ses pays fondateurs, le nôtre, fasse de la sorte cavalier seul, même si nos autorités sont certainement de bonne foi quand elles expriment leur volonté de concertation avec les autres Etats-membres.

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