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Vote de la loi permettant la reconnaissance du foetus et de l’enfant sans vie

La Chambre est amenée à voter jeudi, si la situation politique fédérale le permet, le projet de loi qui permettra la reconnaissance du foetus et de l’enfant sans vie, à partir de 140 jours (20 semaines).

Le vote du texte intervient à l’issue d’un long cheminement qui, au cours des dernières législatures, a vu se multiplier les initiatives parlementaires tentant de rencontrer le désir de reconnaissance de femmes dont la grossesse n’est pas arrivée à terme. Le texte est controversé quand, touchant à la reconnaissance du foetus, il est perçu par d’aucuns comme un levier permettant la remise en cause du droit à l’avortement et du droit des femmes à disposer de leur corps.

Jusqu’ici la reconnaissance s’exprimait partir de 180 jours (6 mois) après la fécondation, moyennant un acte, obligatoire, de déclaration d’enfant sans vie, pouvant mentionner, à la demande des intéressés, le prénom. Il était ensuite inscrit au registre communal des décès. Le foetus était considéré comme un « déchet hospitalier ». Cependant, depuis quelques années, les femmes concernées peuvent bénéficier d’un accompagnement accru (prise en charge psychologique, empreinte de pied, photo) permettant de soutenir leur processus de deuil. Le PS proposait d’améliorer cette prise en charge.

Par ailleurs, toujours en vue de permettre la réalisation du deuil, la législation régionale autorise déjà l’inhumation dès le premier jour de fécondation non aboutie en Flandre, à partir du 106e jour en Wallonie et à Bruxelles.

Dorénavant, avec la nouvelle loi, un acte d’enfant sans vie pourra être établi, avec l’inscription du prénom, à la demande de la mère, du père ou de la coparente mariés ou auteurs d’une reconnaissance prénatale, à partir de 140 jours (20 semaines). Une femme qui aurait donné son consentement à un mariage ou à une reconnaissance prénatale serait dès lors susceptible de se voir imposer, contre sa volonté, la déclaration et l’acte d’enfant sans vie, ce qui a fait débat en commission. Les pères et coparentes non mariés, et qui n’ont pas reconnu la conception, pourront également demander l’établissement d’un tel acte, cette fois avec le consentement de la mère.

La reconnaissance se veut symbolique. Il n’est pas question de filiation. La reconnaissance ne crée pas de personnalité juridique.

Autre évolution, au-delà de 180 jours, le nom de famille pourra figurer en plus du prénom dans l’acte obligatoire.

Il n’existera plus de registre pour les actes de naissance ou de décès mais une banque d’actes de l’état civil.

Une période transitoire d’un an permettra à celles et ceux qui ont vécu le drame d’une grossesse non aboutie dans un temps passé, de bénéficier de la nouvelle loi.

Enfin, un budget de 22,5 millions d’euros est prévu en 2019 pour la prise en charge psychologique des femmes en deuil.

Satisfait, le CD&V avait déposé un texte de loi qui allait encore plus loin, permettant une véritable reconnaissance à partir de 12 semaines (90 jours), au-delà duquel l’avortement est généralement interdit en Belgique.

Bien qu’il s’en défende, le ministre CD&V de la Justice Koen Geens se voit reprocher par certains acteurs de la société civile l’ambition de s’attaquer au droit à l’avortement, dans un contexte international guère favorable et alors que d’autres législations récemment adoptées en Belgique, confirmant la pénalisation de l’IVG et instaurant une reconnaissance prénatale de paternité les avaient déjà mis en alerte. Dans d’autres pays comme la Hongrie, la reconnaissance du foetus a servi de levier pour parvenir à cette fin. Le texte permet la reconnaissance du foetus à 20 semaines. Aux Pays-Bas, l’IVG est autorisée jusqu’à 22 semaines.

En commission, Laurette Onkelinx (PS), qui a voté contre le projet de loi, a condamné la confusion idéologique assimilant à ses yeux les termes foetus, enfant et naissance. Le Conseil d’Etat a lui-même fait écho à cette confusion en invitant à supprimer le mot « né » dans le projet de loi initial de reconnaissance de « l’enfant né sans vie ».

Des professionnels se demandent notamment s’ils ne risquent pas un jour d’être attaqués pour infanticide en recourant à l’imagerie médicale en vue d’une interruption volontaire de grossesse.

Le ministre de la Justice a justifié le nouveau terme de 140 jours en évoquant les développements de la science médicale et de l’Organisation Mondiale de la Santé, selon lesquels, a-t-il affirmé, un enfant peut naître viable après une grossesse d’au moins 140 jours (20 semaines). A cela, il a été rétorqué que si l’OMS a évoqué un délai de 140 jours pour l’enregistrement des foetus, ce n’est qu’à des fins statistiques pour analyser et mieux prévenir la mortalité foetale dans le monde, et pas à des fins médicales. Lors de travaux précédents, des professionnels de la santé avaient eux contesté la viabilité du foetus à 20 semaines.

Koen Geens a souligné en commission que les Pays-Bas présentaient la législation IVG la plus libérale au monde tout en proposant la reconnaissance du foetus.

Prévu par l’accord de gouvernement, la reconnaissance du foetus et de l’enfant sans vie a fait l’objet d’une négociation, entre chrétiens-démocrates et libéraux, incluant la sortie du Code pénal de l’IVG, après la vaine tentative de l’opposition laïque de pousser à sa dépénalisation.

Hormis le PS, les autres formations politiques représentées en commission ont approuvé le projet de loi.

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