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Voici quatre raisons pour lesquelles un gouvernement avec la N-VA est possible

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Les consultations socialistes se poursuivent, De Wever met la pression et les libéraux basculent un peu plus à droite. On négociera cet été. Le coronavirus a changé la donne, à plusieurs niveaux.

Les présidents socialistes, Paul Magnette (PS) et Conner Rousseau (SP.A), poursuivent leurs consultations préalable à des négociations gouvernementales. Un an après les élections du 26 mai 2019, ils vont rédiger en ce début de semaine une note… pour déterminer les thèmes dont on pourra parler. Ce lundi matin, des interventions de Bart De Wever (« pas de Vivaldi », « une majorité en Flandre ») et du nouveau président libéral flamand, Egbert Lachaert (« une réforme de l’Etat en 2024 ») ont mis la pression. Il semble acquis que l’on négociera cet été. Et il est de plus en plus probable que l’issue d’ici le 1er septembre prochain sera soit un gouvernement majoritaire avec la N-VA, soit un nouveau blocage avant des élections. Pour au moins quatre raisons.

1 Des libéraux plus décomplexés

Le casting pour les négociations de cet été est désormais complet. A l’issue d’une procédure dantesque, l’Open VLD s’est doté d’un nouveau président en la personne d’Egbert Lachaert, chef de groupe à la Chambre. L’homme, invité à se présenter sur toutes les ondes francophones ce lundi matin, est un « idéologue libéral », proche du vice-Premier Alexander De Croo ou d’un Vincent Van Quickenborne (ancien ministre fédéral, bourgmestre de Courtrai). Lachaert est déterminé à renforcer ce caractère libéral au sein de son parti, mais aussi de la politique au sens large, et plaide pour une « réforme de l’Etat libérale » en 2024 – sans exclure ni refédéralisation, ni régionalisation, avec un mot d’ordre d’efficacité. Ce n’est plus la ligne davantage sociale portée par certains, dont l’ancienne présidente Gwendolyn Rutten (par moments ou Patrick Dewael (président de la Chambre et chou-chou des francophones).

La Suédoise sort renforcée comme axe de départ pour la formation d’un nouveau gouvernement. Tiens donc, c’est précisément ce que Georges-Louis Bouchez, président du MR, laissait entendre en affirmant la semaine passée que les « cinq principaux partis » devaient former la base des négociations : N-VA, MR, CD&V, Open VLD (la Suédoise donc) et PS. Ledit président du MR fait d’ailleurs feu de tout bois ces dernières semaines, multiplie les déclarations, provoque des tensions avec les écologistes et n’hésite pas, ce week-end, à aller au clash avec une journaliste de la RTBF, au départ d’une vidéo montrant des violences à l’égard de policiers – certains dénoncent une ‘trumoisation’ du MR. Le président libéral francophone est prêt à tout pour imprimer sa marque et sa com’ radicale s’éloigne d’une Vivaldi, sans la N-VA.

2 Des nationalistes flamands aux abois

Bart De Wever a une nouvelle fois exprimé ses vues à la radio flamande ce lundi matin : le pays se dirigeant vers une « la plus grande crise économique en cent ans, il est exclu qu’une coalition Vivaldi se mette en place. « Si nous formons maintenant un gouvernement qui n’a pas la majorité en Flandre, que pensez-vous qu’il adviendra du cynisme?, ajoute-t-il. Vers quoi allons-nous en 2024? » Les nationalistes flamands sont aux abois en raison de la montée du Vlaams Belang dans les sondages. Une vaste enquête (publiée dans le livre ‘DNA van Vlaanderen‘ par le publicitaire Jan Callebaut et le journaliste Ivan De Vadder) montre à nouveau que son électorat veut voir la N-VA au pouvoir fédéral. Pour la N-VA, c’est donc une priorité absolue de gouverner en cette époque cruciale pour l’avenir parce que c’est, aussi, une condition de sa propre survie. Post scriptum : la N-VA peut aussi se poser en rempart contre la menace de plus en plus palpable du Vlaams Belang, un argument de poids auprès des ferancophones.

Les nationalistes insistent sur la nécessité d’avoir une assise forte en Flandre pour la stratégie de relance qui sera nécessaire après la crise du coronavirus. Un gouvernement disposant d’une majorité en Flandre, c’est le leitmotiv du CD&V depuis des mois. Le nouveau président de l’Open VLD insiste lui aussi sur une « majorité fédérale plus large’ et sur le caractère ‘libéral’ du programme. Tout cela est-il plié ? Non point, tant l’antagonisme avec le PS et la gauche francophone reste intense. Mais les lignes bougent…

3 Un PS renforcé sur le fond

Précisément, la consultation menée par le PS, en compagnie du SP.A, représente un signal important, tant sur sa volonté de trouver une solution que sur celle d’abandonner des exclusives – le président du SP.A, Conner Rousseau, avait déjà plaidé en ce sens avant la crise. Le PS insiste sur la mise en place rapide d’une stratégie de relance et sort finalement renforcée, sur le fond, de cette crise sans précédent. Le coronavirus a témoigné de la nécessité d’une sécurité sociale forte – fer de lance du parti – et donné une importance inédite à l’Etat pour gérer les situations difficiles ou sauver l’économie. Autrement dit, Paul Magnette n’est pas sans argument, il pourrait peser fortement sur le contenu d’un plan de relance et, éventuellement, d’un gouvernement majoritaire.

Au nom de l’urgence nationale et en vertu de victoires sur le fond, pourrait-il cette fois convaincre la ‘base socialiste’ d’un revirement sous la forme d’une coalition avec la N-VA ? Avant le confinement, il avait déjà essayé en vain. Cette fois, les esprits pourraient-ils être davantage mûrs, moyennant une bonne argumentation, une position de premier plan dans le gouvernement (le Seize pour Magnette lui-même ?) et des acquis symboliques forts au niveau du programme ? Le PS a une belle carte à jouer d’autant… qu’il a moins à craindre d’élections anticipées que la N-VA.

4 Le coronavirus a changé les priorités

En toile de fond de tout cela, il y a une évidence qui vaut d’être rappelée : la crise du coronavirus a fait bouger les lignes. Elle a mis en évidence la nécessité de réponses fortes pour l’avenir, tant sur le plan de la prévoyance sanitaire que sur celui du redressement socio-économique. Sans oublier les leçons à tirer au niveau des structures de l’Etat.

Pour mener tout cela à bien, un gouvernement fédéral majoritaire s’impose. Même l’actuelle Première ministre Sophie Wilmès (MR) ne cesse de le répéter. La certitude est désormais partagée, les priorités ont changé, des partis ont évolué : l’été portera-t-il de bons conseils ? Si ce n’était pas le cas, et compte tenu d’une situation sanitaire satisfaisante, un retour aux urnes ne serait pas à exclure. Mais avant cela, on essayera encore la N-VA.

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