Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux: Ri-Fifi Brindacier à Gand (chronique)

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Vlaams Belang et N-VA tiennent leur figure de la résistance à la campagne de rééducation des Gantois.e.s orchestrée par des activistes de gauche.

Elle aurait donc bien caché son jeu. Fifilolotte Victuaille Cataplasme Tampon Fille d’Efraïm Brindacier alias Pippi Langstrump ou Pippi longues-chaussettes n’avait pourtant laissé que de bons souvenirs par son côté intrépide et rebelle, sa joie et sa force incroyable. Il est vrai qu’au fil du temps, on avait fini par s’apercevoir que la petite effrontée méritait d’être recadrée pour quelques vilaines manières. Cette manie d’appeler son papa « le roi des Nègres », ce malin plaisir qu’elle prenait à singer le Chinois en bridant ses yeux ont fini par pousser la télévision suédoise à retirer ces scènes de mauvais goût. Pas bien. Mais pas de quoi entamer la popularité de l’héroïne de romans pour enfants puis d’une série télévisée germano-suédoise lancée en 1969, élevée au rang d’icône féministe dans sa Suède natale.

Vlaams Belang et N-VA tiennent leur figure de la ru0026#xE9;sistance u0026#xE0; la campagne de ru0026#xE9;u0026#xE9;ducation des Gantois.e.s orchestru0026#xE9;e par des activistes de gauche.

A Gand, Fifi Brindacier vit des moments chahutés depuis qu’une rumeur un peu folle s’est mise à courir: on chercherait des poux dans la tignasse de la petite fille aux couettes rousses. La Ville s’est résolument lancée sur le sentier de la guerre au racisme et ouvre la chasse aux traces visibles d’un passé colonial pas si glorieux que ça. Aucun espace public ne sera épargné, pas même la bibliothèque communale. Il faudra que l’institution fasse preuve à l’avenir de plus de diversité dans sa politique d’acquisition et de discernement dans son catalogue. Un groupe de travail y est allé de ses recommandations. Entre autres suggestions, une notice d’avertissement à apposer sur les livres recelant des passages à tonalité raciste, afin de rappeler le contexte historique ou sociétal dans lequel ils ont été rédigés. Le genre de signalétique qui conviendrait, paraît-il, aux aventures de la dénommée Pippi Langkous, proposées au rayon jeunesse.

Sauf que l’exemple cité dans le rapport « Décoloniser ma ville » a le don d’électriser le camp de celles et ceux qui dénoncent une agression inqualifiable contre les valeurs occidentales des Lumières, hurlent à la censure et s’alarment du retour des autodafés. Ceux-là, Vlaams Belang et N-VA en tête, tiennent leur martyr, leur figure de la résistance à la campagne de rééducation des Gantois.e.s orchestrée par des activistes de gauche. Alors que la majorité communale Open VLD-SP.A- CD&V-Groen nie en bloc vouloir toucher à une tresse de la gamine, le ministre-président Jan Jambon (N-VA), en charge de la Culture, rappelle que refuser systématiquement des ouvrages pour des motifs idéologiques n’est pas indiqué dans le chef de bibliothèques et que « ce qui vaut pour Zwarte Piet vaut aussi pour Pippi Langkous ».

Dans la fière cité qui fut capitale de l’ancien comté de Flandre, Anneleen Van Bossuyt, députée et cheffe de groupe N-VA dans l’opposition communale, a jeté le gant à l’échevin de la culture Sami Souguir (Open VLD): « S’il appose un label « racisme » sur les livres de Pippi Langkous, j’irai le surcoller par un sticker « émancipation ». Parce que cette rebelle aux tresses rousses a fait plus pour les jeunes filles et les femmes que ce que notre administration communales ne pourra jamais espérer réaliser. » Rendez-vous fin mars au conseil communal pour la suite des aventures de Fifi Brindacier au coeur d’un bras de fer.

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