Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux: Oosterweel, il est où le bout du tunnel?

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Coup d’arrêt, coup dur mais pas coup de grâce. L’ Oosterweel s’enrhume une fois de plus et la Flandre prend à nouveau froid. Encore que le nord du pays se soit habitué à vivre au rythme des hauts et des bas imprimés à son « chantier du siècle ».

« Le plus grand projet en matière de mobilité, d’habitabilité, de climat et de santé de ce siècle », a carrément osé un jour Bart De Wever, président de la N-VA, pour qualifier ce chaînon de six kilomètres obstinément manquant pour boucler le ring d’ Anvers, dont il est le bourgmestre. C’est dire si la grande cité portuaire l’attend comme une planche de salut, seule à même de la sauver de l’asphyxie routière.

Mais, fin 2021, voilà que le Conseil d’Etat y est allé d’un croche-pied en imposant la mise en veilleuse du chantier. Une façon pour la juridiction d’exprimer sa désapprobation quant à la manière dont le maître d’oeuvre, Lantis, a imaginé se débarrasser de terres polluées au PFOS, substances chimiques cataloguées perturbateurs endocriniens. Une tuile qui contraint Lantis à s’atteler dans l’urgence à limiter les dégâts, en temps et donc en argent, et à surmonter le contretemps dans un calendrier de travaux prévu jusqu’à 2030.

Ainsi progresse l’Oosterweel, dans la souffrance. Un quart de siècle s’est déjà écoulé depuis que la décision fut prise de faire advenir cet ensemble de voies et de noeuds routiers, et que fut donné par la même occasion le coup d’envoi d’une foire d’empoigne autour de la manière de lui donner vie. Par un tunnel, par un pont ou par les deux? On a cogité, on s’est frités, on s’est neutralisés, les maquettes et les études se sont succédé, les calculs politiques s’en sont mêlés tout comme les aspirations des riverains. La formule du pont n’a pas résisté à un référendum organisé en 2009 et qui lui fut majoritairement hostile. Au bout d’un blocage persistant, enfin la fumée blanche, en 2017, avec la conclusion d’un « toekomstverbond » entre autorités publiques et collectifs citoyens. En route pour un tunnel sous l’Escaut. Il faudra casser la tirelire pour faire face aux 4,5 milliards d’euros nécessaires au projet alors que plus le temps passe et plus le sens même de ce futur « aspirateur à véhicules » échappe à ceux qui invitent à repenser radicalement la mobilité de demain. L’ Oosterweel, quoi qu’il en coûte… « C’est un très gros montant, mais Anvers est aussi important pour la Flandre et pour l’axe Paris-Amsterdam », commentait, en octobre dernier, Kris Peeters (CD&V), ex-ministre-président flamand reconverti en vice-président de la Banque européenne d’investissement, tout heureux de libérer pour le chantier 250 millions d’euros, troisième tranche d’un prêt total d’un milliard.

C’était jusqu’à ce que, en se mettant à creuser, on remue toutes ces terres polluées dont la mise au jour fait scandale et dont le traitement laisse présager une nouvelle facture, potentiellement astronomique. Gros stress jusqu’au sein de la coalition Jambon I (N-VA – CD&V – Open VLD) confrontée à un dossier qui risque fort de virer à une affaire gouvernementale. Priorité à la santé publique, assurent les libéraux et les chrétiens-démocrates. Sans doute, mais aussi à la poursuite des travaux, réplique la N-VA de l’ Anversois Bart De Wever. Ce n’est pas encore une liaison autoroutière, c’est déjà un chemin de croix.

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