Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux: après le déluge, pas de précipitation (chronique)

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Le « quoi qu’il en coûte » érigé en doctrine de crise économico-sanitaire par le président français Emmanuel Macron ne fait pas partie du vocabulaire de la nationaliste flamande.

Elle s’est abstenue de faire grimper l’applaudimètre, faute de trouver matière à partager un enthousiasme ambiant d’ailleurs tout relatif. Zuhal Demir (N-VA) a même plutôt fait la moue en apprenant la nouvelle. Fouettée par la santé toujours plus chancelante de la planète, la Commission européenne invite à presser le pas, à enclencher le grand braquet climatique. Que tout le monde se lève pour « Fit For 55 » ou la réduction d’ici à 2030, non plus de 40% mais au moins de 55% des émissions de CO2 au sein de l’Union européenne, avant d’atteindre la neutralité carbone à partir de 2050.

Ce big bang tient en 3 800 pages. De la lecture pour Zuhal Demir. A elle de s’y coller au sein du gouvernement flamand (N-VA – Open VLD – CD&V). S’inquiéter de l’état de l’environnement par les temps qui courent n’est décidément plus une charge ministérielle de tout repos.

Faut voir, a réagi à chaud la ministre. Qui préfère, si ce n’est pas trop demander, pouvoir éplucher cette brique d’un oeil critique avant de se faire une religion et d’en débattre à la rentrée de septembre avec ses partenaires de coalition, ensuite avec les autres niveaux de pouvoir. Non sans déjà livrer le fond de sa pensée: le « quoi qu’il en coûte » érigé en doctrine de crise économico-sanitaire par le président français Emmanuel Macron ne fait décidément pas partie du vocabulaire de la nationaliste flamande. Vu de Flandre, le vital chantier de sauvetage de la planète sera « réalisable et payable » ou ne sera pas. « Haalbaar, betaalbaar », martèlent Zuhal Demir et la N-VA à ses côtés, à l’adresse de celles et ceux qui, notamment depuis l’opposition, la pressent de faire preuve de sens de l’urgence, l’adjurent d’accélérer le tempo et lui reprochent de manquer d’ambition alors qu’un mortel déluge vient de dévaster une bonne partie de la Wallonie sans épargner non plus l’est de la Flandre, singulièrement son Limbourg natal.

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Pas question pour autant de se laisser submerger par la vague de l’émotion. La ministre lui préfère le langage de la raison. Relancée au parlement flamand, elle s’agace: « Objectifs, objectifs, objectifs, je n’entends que ce mot-là! Mais personne, en revanche, ne relève jamais les mesures que nous prenons. » Elles figurent dans un plan climatique flamand et pour l’heure, c’est tout le plan flamand et rien que le plan flamand, guidé par l’objectif de 35% de réduction des émissions de CO2, punt aan de lijn.

Pour sa défense, la ministre de l’Environnement invoque le droit de pouvoir encore calculer et s’inquiéter de « qui va payer la facture? ». Elle pense très fort à l’industrie flamande, au consommateur flamand, au navetteur flamand, à l’hardwerkende Vlaming: il ne faudrait pas non plus que la croisade contre le dérèglement climatique nuise inconsidérément au bien-être et à la compétitivité. Surtout si tout ce sacrifice devait être vain. « Décider de frapper à mort notre industrie et nous obliger à importer des biens polluants ne serait pas non plus une solution. » La société ne le comprendrait pas et ce serait là un vrai souci, assure Zuhal Demir: « Le climat ne peut être uniquement l’affaire de happy few. » De rares privilégiés capables de s’offrir le luxe de garder les pieds au sec.

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