Mélanie Geelkens

Une sacrée paire de tubes: « du bon son, quoi. Du son mâle » (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Aux mâles les grandes réalisations, les hautes sphères du quatrième art. Aux femelles le divertissement inconséquent, le tout-venant musical.

Ce fut le dernier petit plaisir d’une année qui n’en avait pas non plus compté des milliers. La bande-son préréveillon qui, d’habitude, s’écoute un peu distraitement en allant acheter le homard, en mettant le champagne au frais puis en enfilant sa robe de bal. Cette fois, faute de préparatifs festifs, le traditionnel Tijdloze du 31 décembre (sur StuBru, la radio flamande, oui, et alors?) fut apprécié presque religieusement, du centième au premier titre de classement des meilleurs tubes pop-rock de tous les temps. Du Queen, de l’Oasis, du Pearl Jam, du Metallica, du Nirvana

Aux mâles les grandes réalisations, les hautes sphères du quatrième art. Aux femelles le divertissement inconséquent, le tout-venant musical.

Du bon son, quoi. Du son mâle: sur les 100 chansons, seules dix sont interprétées par des femmes. Et encore, en y incluant les quatre de Fleetwood Mac, ce groupe mixte formé par trois musiciens mais qui n’a connu le succès commercial qu’après avoir recruté la chanteuse Stevie Nicks. Donc les auditeurs du nord du pays plébiscitent leur vedette régionale Gorki en quatrième position mais Amy Winehouse en 56e place. Proficiaat. Puis Nina Simone à la 66e, et Aretha Franklin à la 96e. Echt goed. Pas une note de Beth Dito, Marianne Faithfull, Nico ou Patti Smith. Amaï!

Sacrés flamands. Mais pas beaucoup plus d’artistes féminines sur Classic 21 et son top des meilleures sorties 2020, du 1er janvier dernier. Dix pour cent, aussi. Vingt pour cent, avec les groupes mixtes. Et c’est comme ça dans tous les classements des plus belles chansons, suffit de taper sur Google pour le constater. Comme si la musique, la vraie, celle qui titille les tripes et électrise les tympans, devait nécessairement être masculinement interprétée.

Plafond de verre artistique. Reflet du reste de la société: aux mâles les grandes réalisations, les hits inoubliables, les hautes sphères du quatrième art. Aux femelles le divertissement inconséquent, les ritournelles débiles, le tout-venant musical. Si peu de chanteuses dites « de légende ». Madonna? Beyoncé (photo)? Céline Dion? Pendant ce temps-là, les « vrais » tubes s’impriment durablement dans la mémoire collective.

Suffit d’assister à des festivals. Les grands noms, ceux censés rameuter les foules: que des mecs, ou presque. Par exemple à Werchter, qui a déjà présenté son programme pour juillet prochain (les optimistes! ), pas unE seule tête d’affiche. Sur 23 noms annoncés, une fille et trois groupes mixtes. En 2019, l’association Shesaid.so avait fait le calcul, sur toutes les scènes estivales belges: à peine 12% de performances 100% féminines. Même à l’alternatif Couleur Café, c’était paritairement peu reluisant (18%). « Ah oui mais c’est pas de notre faute, on veut juste la meilleure programmation possible« , s’étaient alors en substance justifiés les différents organisateurs.Comprenez: le talent n’est pas féminin.

En revanche, l’organisation des festivals est bel et bien principalement masculine. Comme la programmation dans les radios. Comme la production d’artistes. Comme les agents. Comme les tourneurs. Mais non, bien sûr que non, évidemment que non, ce n’est pas ça le problème! Début janvier, dans un quotidien, quatre journalistes culturels avaient établi le classement de leurs coups de coeur de l’année écoulée. Et c’était flagrant: les femmes avaient d’abord salué des femmes, les hommes avaient d’abord consacré des hommes. Si les rouages de l’industrie musicale étaient davantage mixtes, les artistes féminines y auraient davantage de place. De vraie place. Mais voilà, It’s a Man’s Man’s Man’s World. C’est qui, encore, qui chantait ce tube-là? Ah oui. Un homme.

Les femmes, génétiquement mieux armées face au coronavirus?

Dans la plupart des régions du monde, les hommes auraient un risque plus élevé de développer une forme sévère du coronavirus. Notamment car les maladies cardiovasculaires, comorbidités qui aggravent l’infection, sont davantage fréquentes côté masculin. Mais plusieurs études, évoquées le 29 décembre dernier dans Le Figaro, avancent l’hypothèse d’un avantage biologique des femmes. Entre autres grâce à leur production plus élevée de protéines de la famille des cytokines et à leur double chromosome X. Les femmes seraient génétiquement mieux « équipées » pour combattre le virus et, selon ces recherches scientifiques, leur immunité persisterait plus longtemps. En Belgique, toutefois, selon les données de Sciensano, les femmes représentent 51% des décès dus à la Covid-19.

Une sacrée paire de tubes:
© Getty Images

90 000 ?

L’amende infligée, en décembre dernier, à la Ville de Paris… pour avoir engagé trop de femmes. En 2018, 16 postes de (sous-)direction avaient été ouverts, et 11 attribués à des femmes, soit 69%. Une volonté affirmée de féminiser ces emplois majoritairement masculins. Le ministère de la Fonction publique a toutefois estimé que cela ne respectait pas « l’objectif légal de 40% de nominations de personnes de chaque sexe dans ces emplois », selon Le Monde. Une loi de transformation de la fonction publique, votée en août 2019, prévoit cependant une dispense de pénalité pour les employeurs qui voudraient résoudre un déséquilibre antérieur. Ce qui évitera à l’avenir à Paris de payer une amende pour avoir voulu miser sur la parité.

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