Mélanie Geelkens

Une sacrée paire de cuisses: « les femmes dont le corps a servi de base au vocabulaire vinicole ne doivent pas s’offusquer. C’est un hommage, pas une offense » (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

« Qui goûte? » La question se voulait inclusive mais le goulet était déjà dirigé vers Monsieur. Les femmes ne doivent pas s’en offusquer étant donné que leur corps a servi de base au vocabulaire vinicole. Un hommage, les filles, pas une offense! Sexiste le secteur vitivinicole ?

« Qui goûte? » La question se voulait inclusive mais le goulet était déjà dirigé vers Monsieur (c’était du temps où les gens étaient libres et les restos ouverts). La carte des vins, c’était aussi à lui que le serveur l’avait remise. Apparemment, seuls les détenteurs de pénis sont capables de choisir adéquatement entre un grenache et un merlot, pour accompagner le boeuf grillé. Ces dames s’y connaissent pourtant bien en robes, mais prière de les porter (ou de les enlever), pas de les contempler au travers d’un verre. Les experts en cuisses, c’est eux. Les pros de la charpente, les spécialistes des rondeurs.

Paraît qu’elles doivent pas s’offusquer, les femmes, que leur corps ait servi de base au vocabulaire vinicole. Un hommage, les filles, pas une offense! Sexisme, comme vous y allez, bande d’enragées. C’est de ça qu’elle s’est fait traiter, la journaliste et critique américaine Esther Mobley qui, en septembre dernier, dénonçait qu’un nectar « fort, puissant, agressif » soit forcément qualifié de masculin, mais qu’un autre « fin, élégant, floral » soit dénommé féminin. Ces féminazies veulent déjà l’égalité salariale et l’implication des pères dans l’éducation des gosses. Stop! Qu’elles laissent le pinard tranquille.

« Le langage du vin est le reflet [du] rapport asymétrique entre hommes et femmes, analyse la caviste et auteure Sandrine Goeyvaerts sur le site de la RTBF. Longtemps – et encore de nos jours -, ce monde a été perçu comme un monde d’hommes, où les femmes sont absentes, voire jouent des rôles très secondaires. » Dans son commerce, elle-même a de nombreuses fois dû répéter aux chalands qui la considéraient juste comme vendeuse et réclamaient son mari que, oui, elle pouvait les conseiller aussi. La sommelière Barbara Hoornaert racontait, en août, dans l’émission Les Grenades, qu’un client l’avait interpellée « parce qu’il voulait parler au sommelier ». « C’est moi », avait-elle répondu. « Non, le monsieur, là-bas! »

Il y a autant (voire plus) d’étudiantes que d’étudiants, dans les cours d’oenologie. Comme dans les écoles d’hôtellerie, de cinéma, les académies, les conservatoires. Pourtant, les sommelières représentent à peine 20% des professionnels en exercice. Minoritaires, comme les cheffes, les réalisatrices, les actrices, les musiciennes. Bizarre: l’excellence n’est pourtant pas un mot masculin.

Ah oui, mais c’est pas joli, une demoiselle qui picole! Comme celles qui pètent. Quelle in-élégance. « Le champagne est le seul vin qui laisse la femme belle après boire », disait la marquise de Pompadour. Parce qu’un gars, l’oeil rouge et les dents mauves, c’est la grande classe. En réalité, c’est à nouveau la jouissance qui leur est refusée: qu’elles s’imbibent donc de ces vinasses sucrées, de ces liqueurs fruitées, de ces alcools légers, de tout ce qui est réputé mauvais. Les grands crus, les arômes subtils, les cépages élaborés, ça, c’est pas pour les gonzesses! En bouche, comme au lit, le plaisir n’est pas censé les concerner.

De plus en plus de femmes prennent toutefois désormais leur pied de vigne. De 13% à la fin des années 1980, les vigneronnes françaises seraient désormais 27%. En 2018 dans l’Hexagone, puis l’année suivante en Belgique, les prix de meilleur sommelier étaient pour la première fois attribués à des sommelières, Pascaline Lepeltier et Sanne Dirx. Ceux que cette féminisation dérange peuvent toujours boire pour oublier. Qu’ils prennent alors un gros cubi, car ça ne fait que commencer.

39 jours de bénévolat

Depuis ce 4 novembre, à 16h16 précisément, les femmes commencent à bosser à l’oeil. L’économiste Rebecca Amsellem (photo) calcule depuis cinq ans cette date à partir de laquelle l’écart salarial (15,5%, selon les statistiques européennes) prend symboliquement effet. L’année dernière, cette échéance tombait le 5 novembre, à 16 h 47… Pour mettre fin à ces 39,2 jours de bénévolat (les week-ends ont été gracieusement soustraits), la spécialiste plaide pour un congé de paternité égal à celui de maternité, l’ obligation pour les entreprises de rémunérer similairement ses employés, une augmentation des salaires dans les métiers dits féminins…

Grossesses tardives

En 2019, l’âge moyen des femmes qui accouchaient en Wallonie était de 30,5 ans, pour 32,1 à Bruxelles. Des statistiques en recul par rapport à 2010 (29,4 en Wallonie et 30,9 dans la capitale). Cette tendance à devenir mères toujours plus tard peut entraîner des complications (diabète, hypertension, césarienne…) En 2019, quatre femmes enceintes sur dix ne sont pas entrées spontanément en travail.

54,4%

des cas confirmés de coronavirus en Belgique sont des femmes, selon les statistiques de Sciensano. Un ratio que ne s’expliquent pas vraiment les virologues: les professions féminines sont-elles davantage touchées? Les patientes vont-elles plus volontiers se faire tester? 51,7% des victimes sont par ailleurs des femmes. Une particularité belge, alors que les décès dus à la Covid-19 touchent habituellement davantage les hommes.

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