Mélanie Geelkens

Une sacrée paire de chants étudiants par Mélanie Geelkens (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Se demander si certaines chansons issues du folklore estudiantin livrent une image dégradante de la gent féminine, c’est un peu comme s’interroger sur la rondeur de la Terre ou l’existence d’un virus chinois qui paralyse le monde.

« Sexiste, le Bitu? » (Le Soir, 29 avril dernier). « Sexisme, racisme? Les chants d’étudiants dans le viseur de l’UCLouvain » (RTBF, le 28 avril). « Les chants étudiants sont-ils sexistes? » (7sur7, le même jour). « Les chansonniers estudiantins doivent-ils être modifiés? » (Moustique, une semaine plus tôt). Mais sérieusement, pourquoi tous ces points d’interrogation, chers confrères et consoeurs? Se demander si La grosse bite à Dudule, Les femmes ça pue, Suce-moi le gland, La femme aux morpions ou encore C’est pas l’homme qui prend ta mère livrent une image dégradante de la gent féminine, c’est un peu comme s’interroger sur la rondeur de la Terre ou l’existence d’un virus chinois qui paralyse le monde.

61,8% des chansons u0026#xE9;voquent une vision masculine de la sexualitu0026#xE9;. Lu0026#xE0; ou0026#xF9; 17% parlent d’alcool et de biu0026#xE8;res…

Mais puisqu’il existe autant de platistes que de complotistes, il y en aura sans doute pour croire que ces ritournelles n’offensent en rien les demoiselles. Morceaux choisis: « et on s’en fout, des fem’s qui n’ont pas de trou/on les aura quand même à la foreuse ou au marteau piqueur » (Cercle des sciences vétérinaires). « Enfin tout le village/par l’amour alléché/me fait un ramonage/dont je me souviendrai » (A la claire fontaine). « Tais-toi ma femme/Tais-toi tu m’fais chier/Dans la bonn’ société est-ce ainsi qu’ on se comporte? J’te fous mon pied au cul » (La femme du roulier). « Prends ta pine en main, mon cousin/Nous partons à la guerre/A la chasse aux putains » (La peau de couille).

Y en a un peu plus, vous en voulez encore? Allez, voici Branle Charlotte, l’histoire d’une jeune fille qui se masturbait avec une carotte, « chaude du con faute d’avoir un vit ». Mais, ô malheur, le légume dans son vagin se brisa. Moralité: « laissez là la carotte/préférez-lui le vit d’un beau garçon. »

« C’est cru, mais pas sexiste! » nous expliquait récemment un étudiant, peu conscient sans doute du message au fond véhiculé: que l’onanisme féminin est sale, honteux, accessoire. Mais soit! Passons encore. Le problème, c’est que le Bitu magnifique (UCLouvain) et Les Fleurs du mâle (ULB) véhiculent quasi exclusivement les mêmes clichés. Deux chercheuses du Mouvement pour l’égalité entre les femmes et les hommes avaient fait les comptes, en mars 2019: 61,8% des chants évoquent « le sexe, ou plutôt la sexualité masculine ou la vision masculine de la sexualité ». Juste pour comparer, la bière et l’alcool ne sont évoqués que dans 17,6% des chansons…

Et donc, cette « vision masculine de la sexualité » se résume ainsi, après lecture de nombreux textes: les femmes ne sont bonnes qu’à être baisées, par beaucoup et peu importe par quel trou. Puis si elles n’ont pas trop envie, suffit de les forcer un peu, hein, ce ne sont quand même que des vagins sur pattes. Mais gare aux morpions, ces salopes-là ne sont pas toujours très fraîches. Voilà.

Etrangement, si 61,8% de ce chansonnier évoquaient systématiquement les membres insignifiants, les impuissants, les mous du gland, les précoces, les malhabiles, ceux qui ne trouveraient pas un clitoris même avec un plan ; si six paroles sur dix appelaient à sodomiser les mecs, de gré ou de force, y a fort à parier que tout le monde remarquerait très vite le problème.

Ah, mais ma bonne dame! C’est la tradition! C’est ancien! C’était pour choquer les bourgeois! Ce ne sont que des mots! Sauf que le langage est performatif, constructeur d’une vision de la société. Mais, bien sûr, si ça ne dérange personne qu’une étudiante sur quatre soit confrontée à des violences sexuelles au cours de ses études supérieures, alors ne changeons rien. Et chantons! L’ âme en paix?

Des tampons gratuits chez Lidl Irlande

Depuis le 3 mai, les Irlandaises qui s’inscrivent en ligne peuvent recevoir chaque mois une boîte de tampons ou de serviettes gratuites chez Lidl. Une première dans le monde de la grande distribution. La chaîne de supermarchés s’engage également à faire des dons de protections menstruelles chaque trimestre à une association d’aide aux sans-abri. Cinquante pour cent des jeunes Irlandaises auraient financièrement du mal à s’équiper lors de leurs règles. De quoi inspirer Lidl Belgique?

107 910

Belges étaient, au 30 juin 2020, en incapacité de travail depuis au moins un an pour cause de dépression ou de burnout, selon les statistiques les plus récentes fournies par l’Inami. Parmi lesquels… 68,4% de femmes. En effet, l’arrêt maladie pour dépression concerne 51 477 femmes pour 24 613 hommes, et le burnout 22 372 femmes pour 9 448 hommes. Pour y remédier, peut-être serait-il temps de mettre en place des politiques genrées?

Planche à pain en cadeau…

Cela partait sans doute d’une bonne intention: offrir un peu de lecture à l’occasion de la fête des Mères. Roularta (propriétaire, entre autres ,du Vif) proposait donc, dans une publicité sur le Web, une promotion sur les abonnements à certains magazines. Femmes d’aujourd’hui, Flair, Gael, Point de vue… Elles ne pourraient pas lire Le Vif, les mamans? Qu’elles se consolent: en cadeau, elles auront reçu une planche à pain…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire