Mélanie Geelkens

Une sacrée paire de bouquins par Mélanie Geelkeens (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

A l’époque (et aujourd’hui encore), un prix Nobel attribué à une femme ne passait pas inaperçu. Alors deux! Il y a cent dix ans, Marie Curie s’apprêtait à recevoir cette seconde récompense prestigieuse ; un doublé que seuls trois autres scientifiques (hommes) ont accompli. Pourtant, en 1911, cet exploit passa inaperçu dans la presse française, trop occupée à publier des extraits volés de correspondance amoureuse entre la Franco-Polonaise et son amant, le physicien Paul Langevin. Elle est veuve, lui, marié. Pourtant, c’est elle, l’infâme salope. Un représentant du comité Nobel lui suggéra même de s’abstenir de venir chercher son prix en Suède, raconte sa biographie parue début mars comme premier tome de la collection Femmes d’exception du Soir.

Proposer plus de thématiques en lien avec les femmes à une audience majoritairement féminine: les maisons d’édition mériteraient un prix Nobel, elles aussi.

C’est pas du Zweig, ces livres. Ça se lit vite, comme du Coben ou du Musso. Mais ça se lit bien, pour rééquilibrer des connaissances historiques trop souvent dominées par des personnages masculins. Plus une semaine ne se passe sans une nouvelle sortie littéraire façon girl power. C’est marrant, quand même, comme les éditeurs semblent s’être souvenus récemment que les dames pouvaient être de bons sujets de bouquins, ailleurs que dans la bibliothèque rose et les SAS. La faute au mouvement #MeToo, encore, selon le magazine français Livres Hebdo, qui a fait les comptes: entre 2017 et 2020, la production d’ouvrages consacrés aux femmes en non-fiction a augmenté de 15%.

Virginie Despentes.
Virginie Despentes.© belga image

Pire: ça se vend! Dans les rayons des librairies, « le féminisme est devenu un argument commercial. […] On aurait difficilement imaginé cela il y a cinq ans », assurait ainsi l’éditrice Catherine Guyot dans cet article. C’est effectivement fort surprenant: les ouvrages papier ont un lectorat à 62% féminin, selon le baromètre annuel du Centre national du livre. Et les grands lecteurs sont d’abord de grandes lectrices, avec une moyenne de vingt-six publications dévorées par an (contre dix-sept pour ces messieurs).

Proposer plus de thématiques en lien avec les femmes à une audience majoritairement féminine: les maisons d’édition mériteraient un prix Nobel, elles aussi. Finalement, cet opportunisme à retardement, c’est comme Beyoncé ou Angèle qui militent en chansons: c’est commercial mais ça ne fait pas de mal. N’en déplaise aux grincheux, aux râleuses, qui s’indignent d’une récupération mainstream, d’un effet de mode. Oui, et alors? Quand le soufflé sera retombé, c’est à ce moment-là qu’il faudra recommencer à gueuler. Pour ne pas se faire oublier. En attendant, la culture populaire aura peut-être permis de faire germer des graines dans des cerveaux qui, sans cela, seraient restés des terres hostiles à toute réflexion genrée.

Comme celui de cette fille, là, qui hésitait à recommander La Fille du train de Paula Hawkins à un collègue, parce que bon, l’alcoolisme féminin, est-ce que ça allait l’intéresser? Ou celui de ce gars qui refuse de lire L’Amie prodigieuse d’Elena Ferrante, ce « truc de bonnes femmes ». Et cet autre, allergique à la pourtant géniale Virgnie Despentes, « cette conne féministe », avant même d’en avoir lu une seule page. Celui-là même estimait, par ailleurs, que la militante Alice Coffin était une hystérique féminazie, lorsqu’elle écrivait dans Le Génie lesbien qu’elle ne lisait, ne regardait, n’écoutait plus les oeuvres masculines, trop présentes, « pour ne pas infester [davantage son] esprit ». Les hommes, eux, sont pourtant tellement ouverts aux oeuvres féminines!

Balance ta grenade

C’est le recueil (éd. Luc Pire, 160 p.) des chroniques de Safia Kessas, diffusées sur La Première. Sa « modeste déflagration contre les préjugés et les stéréotypes », dit-elle. On peut ergoter sur « modeste »: ce qu’a entrepris (et réussi) pour faire évoluer les mentalités la responsable de la cellule Diversité et égalité à la RTBF est titanesque. « Déflagration » se discute moins: les mots de Safia Kessas sont aussi acérés que sa voix est douce. Parce que c’est d’authentiques combats qu’il s’agit de livrer, en matière de genre et de diversité. Pas d’effets de mode à faire mousser. Ouvrage indispensable pour tout public.

15 à 25

événements thromboemboliques par 100 000 personnes et par an: tel est le risque encouru non pas par ceux qui reçoivent une dose du vaccin AstraZeneca mais bien par celles qui ingèrent quotidiennement une pilule combinée (c’est-à-dire alliant un progestatif et un oestrogène). Des données épidémiologiques ont montré que la prise de ce contraceptif augmente de deux à six fois le risque relatif d’embolie pulmonaire ou de thrombose veineuse par rapport aux femmes qui n’en prennent pas. Nul pays n’a pourtant jamais songé à interdire sa commercialisation.

Les droits des femmes en résumé

« Nous sommes parties d’un constat de terrain: aujourd’hui, les jeunes ne connaissent pas suffisamment leurs droits et ne savent pas à qui poser leurs questions ou vers qui se tourner pour avoir de l’aide », dixit la commission jeunes du Conseil des femmes francophones de Belgique. Qui vient d’éditer un guide (43 pages) reprenant les droits civils, sanitaires, socioéconomiques… Et synthétisant les principales inégalités entre hommes et femmes au sein de la société. Toujours utile à (re)lire, jeunes ou plus vraiment. Disponible sur le site cffb.be

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