Mélanie Geelkens

Une sacrée paire d’éléphantes: désormais, celles qui accouchent, on leur fiche la paix (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Depuis mars, les femmes sont devenues des éléphantes. Seule explication possible. Elles ont décidé que neuf mois de gestation, c’était bien trop court, étant donné les circonstances actuelles. Qu’une pandémie n’était pas un contexte de naissance approprié et que, donc, elles allaient attendre plus longtemps.

Depuis mars, les femmes sont devenues des éléphantes. Seule explication possible. Elles ont décidé que neuf mois de gestation, c’était bien trop court, étant donné les circonstances actuelles. Qu’une pandémie n’était pas un contexte de naissance approprié et que, donc, elles allaient attendre plus longtemps. Six cents jours, par exemple, comme les pachydermes. C’est parfait, ça! Le vaccin devrait être arrivé d’ici là. Parce que, sinon, comment expliquer ces – 8% de naissances constatés dans les hôpitaux belges depuis qu’un virus chinois a débarqué? Une prothèse de hanche, ça peut se postposer. Une urgence, ça peut se relativiser. Une revalidation, ça peut se bâcler. Une tumeur, c’est dramatique mais ça peut s’occulter. Mais un bébé? Allez, Madame, serrez les jambes, ravalez les eaux, contrôlez votre col et revenez dans six mois?

Peut-être qu’elles ont décidé de faire ça chez elles. C’était déjà tendance avant la Covid-19, possible que ça ait pris de l’ampleur. Ou alors c’est à cause des frontières qui se sont comme rematérialisées, empêchant les futures mères de venir depuis l’étranger. Ou bien c’est un coup du hasard qui, faisant bien les choses, a parfaitement fait correspondre coronavirus et dénatalité.

Nan! Trop gros pour être vrai. C’est forcément le truc de la métamorphose animalière. Parce qu’il n’y a pas que ça: désormais, celles qui accouchent, on leur fiche la paix. Comme à l’éléphante, dans la jungle. Quand elle met bas, elle est juste entourée des quelques congénères de son clan, qui l’encerclent pour éviter les prédateurs. De toute façon, tous les lions, les guépards et les rhinocéros du voisinage n’accourent pas avec une bouteille de mauvais mousseux chaud. Ils n’oseraient pas, ils savent qu’elle a porté genre 120 kilos pendant près de deux ans, que c’était pas hyperagréable d’expulser à genoux un colis pareil, qu’elle doit être crevée, pas forcément présentable, qu’il faut qu’elle soit zen pour donner la tétée et que voir défiler des troupeaux ne l’aidera pas à être décontractée des mamelles.

Ils se portent bien

Alors ils se portent très bien, les éléphanteaux. Les bébés nés ces derniers mois aussi: par rapport à la même période en 2019, les admissions en soins néonataux intensifs et non intensifs ont chuté de respectivement – 82 et – 79%. Pas parce que les parents, coronapaniqués, auraient cessé de les faire soigner. Plutôt parce que les mères ont été tranquilles. Non seulement à l’hôpital, visites restreintes obligent. Des premiers jours moins stressants auraient amélioré la qualité du lait et facilité l’allaitement. Mais aussi avant l’accouchement. Le confinement, on en pense ce qu’on veut, mais pour terminer une grossesse sereinement, y a pas mieux. Si l’éléphante devait gambader comme une dingue dans la savane jusqu’au dernier moment, ça ne durerait pas six cents jours, cette gestation.

A quelque chose malheur est bon: les futures mamans, depuis neuf mois, donnent la vie dans de meilleures circonstances. Ça change! Quand, progressivement, vers le XVIIIe siècle, la position d’accouchement couchée s’est imposée, c’était surtout pour le confort des médecins. Avant, les femmes se débrouillaient assises, à genoux, debout. Quand, il y a quelques dizaines d’années, l’épisiotomie s’est généralisée (couic couic), c’était d’abord par facilité pour l’obstétricien. Certains ne se sont toujours pas défaits de cet automatisme pourtant déconseillé, sauf difficultés majeures. Les « parturientes » continuent souvent d’être privées de nourriture et d’eau, bien que les bienfaits d’une telle mesure soient remis en question.

Alors, quand le virus aura disparu et que le lion, le guépard et compagnie voudront à nouveau rappliquer avec leur vinasse tiédasse, Mesdames, pensez d’abord à vous. Et barrissez un bon coup.

Putain (de micro)

La prostitution, souvent, tout le monde en parle sauf elles: les principales concernées. C’est donc pour « rendre visi-ble un point de vue sur le travail du sexe généralement occulté » que cinq étudiantes de l’Ihecs, à Bruxelles, viennent de créer le podcast « Putain (de micro) » dans lequel s’expriment celles (et parfois ceux) qui le pratiquent. A écouter sur Spotify, YouTube, SoundCloud, Apple Podcasts et Anchor.

Une sacrée paire d'éléphantes: désormais, celles qui accouchent, on leur fiche la paix (chronique)
© GETTY IMAGES

56%

des femmes belges francophones refuseraient de se faire vacciner contre le coronavirus, selon un tout récent sondage Dedicated. Pour 39% des hommes. Une différence qui avait déjà été soulignée en novembre dernier en France pour la fondation Jean Jaurès: 50% de refus côté féminin, 35% côté masculin.

Pas d’explosion des féminicides en 2020

Elles s’appelaient Martine, Ghislaine, Halina, Sofie, Salwa, Jessika, Anja… Vingt-trois femmes mortes sous les coups de leur compagnon au cours des douze derniers mois. Evidemment, c’est encore vingt-trois de trop. Mais 2020, contrairement aux craintes liées aux confinements, n’aura pas fait exploser le nombre de féminicides en Belgique. Le recensement (non officiel, la justice ne publiant pas ces données) effectué par le collectif « Stop féminicides » en avait dénombré 24 en 2019, 38 en 2018 et 43 en 2017. Puisse cette diminution progressive ne pas s’avérer un simple hasard.

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