Carte blanche

« Une politique de migration axée sur la répression fait rater beaucoup d’opportunités »

« Si on privilégie une politique de migration axée sur la répression, on ne résoudra pas la catastrophe humanitaire » écrit la Coalition de la migration, une association d’organisations flamandes. Celle-ci appelle le gouvernement à ne pas penser uniquement en termes d’accueil matériel. « Les migrants cherchent une protection, mais sont prêts à s’engager économiquement ».

Ces dernières semaines, les mouvements de migration et le nombre croissant de réfugiés qui tentent d’atteindre l’Europe au péril de leur vie ont dominé les médias et la situation ne changera pas de sitôt. La crise actuelle oblige à prendre des mesures d’urgence. Nous espérons que le conseil des ministres dépassera le simple accueil matériel et amorcera une nouvelle politique de migration cohérente.

Le Secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Theo Francken (N-VA) a souligné à juste titre l’obligation morale de la Belgique et de l’Europe de fournir de gros efforts pour les réfugiés à l’aide d’accueil matériel et de procédures rapides. Mais en même temps, on souligne surtout l’importance d’un retour ferme et définitif de demandeurs d’asile déboutés et de personnes sans résidence légale.

Nous avons déjà dénoncé les effets d’une politique axée sur le retour en 2014. Une bonne politique de migration globale doit respecter les droits de l’homme et les droits de base sociaux – les droits qui permettent aux gens « de mener une vie conforme à la dignité humaine » comme le stipule l’article 23 de la constitution belge – et tenir compte de l’inégalité globale, des opportunités de développements dans le nord et le sud ainsi que de la motivation et des ambitions des migrants eux-mêmes.

Une politique axée sur la réduction de l’affluence et l’optimalisation du retour fait rater de nombreuses opportunités et entraîne de graves pertes humaines et économiques. On ne peut continuer à nier qu’il existe de nombreux motifs à la migration. Si on privilégie une politique de migration axée sur la répression, on ne résoudra pas la catastrophe humanitaire.

Si on limite les possibilités d’immigrer légalement et en toute sécurité, on incite les gens à faire un voyage extrêmement périlleux à travers les eaux européennes. Les migrants qui ne voient pas d’autre possibilité que de faire appel à des trafiquants dépensent beaucoup d’argent. Depuis 2010, la somme de 8,5 milliards d’euros a disparu de l’économie régulière. Imaginez que ce montant ait été investi dans les pays d’origine ou d’arrivée !

En outre, cet accent sur le retour s’accompagne d’une restriction de droits de l’homme fondamentaux. La migration n’est pas un crime, et le degré d’application des droits de base dans une société constitue un baromètre de son bien-être moral.

Suite à l’accent unilatéral mis sur le retour, beaucoup de gens se retrouvent en séjour illégal et sans chez-soi. Ils ne peuvent pas non plus faire appel à un accompagnement nécessaire. L’absence de perspective d’avenir n’est pas seulement un drame personnel. Ces personnes ne peuvent pas contribuer à la société, au développement de leur pays d’origine ou retourner vraiment volontairement munit de nouveaux acquis.

Grâce à l’ouverture des débats cet été, un soutien se crée en faveur d’une politique de migration plus globale. Outre un accueil matériel, il faut étudier si on peut sécuriser les chemins d’accès, créer des opportunités pour la migration économique et une approche des demandeurs d’asile et des migrants tournée vers l’avenir. Il est important de préparer un trajet d’intégration pour ceux qui seront reconnus comme réfugiés.

L’accompagnement d’autres groupes de migrants pour les orienter vers une perspective d’avenir sensée doit également être prioritaire. Si on fournit des informations correctes et un soutien aux migrants, on évitera que leur seule issue soit de s’installer dans une sorte de sous-classe.

Les migrants sont à la recherche de protection, mais ils ont également l’intention de s’engager économiquement

Nous réalisons qu’il y a beaucoup de mythes qui circulent à propos de l’immigration. La crainte de gens qui veulent s’installer sans contribuer à notre société est tenace. C’est pourtant le contraire qui est vrai ; les migrants sont à la recherche d’une protection à laquelle ils ont droit, mais ils ont également l’intention de s’engager économiquement.

Aussi plaidons-nous pour le développement d’une politique de migration cohérente qui prend en compte la contribution économique que les migrants sont prêts à fournir. Le Secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Theo Francken (N-VA) en parle dans sa déclaration de politique. « Je stimulerai les gens qui veulent travailler et étudier en Belgique ». Récemment, le ministre de la Coopération au développement Alexander De Croo (Open VLD) a proposé d’assouplir l’octroi de permis de travail. Cette mesure ouvrirait une voie de migration parallèle et les migrants risqueraient moins leur vie

Si la migration économique permet de s’attaquer au problème des changements démographiques de notre société, elle contribue également au développement. Grâce aux transferts d’argent vers les membres de leurs familles, les migrants contribuent largement au développement des pays du sud. La Banque mondiale estime qu’en 2014 436 milliards de dollars ont été transférés vers le sud, un montant énorme et trois fois plus élevé que l’aide au développement officielle.

Nous espérons que le gouvernement oeuvrera à une politique qui privilégie les droits de base sociaux, les opportunités de développement au nord et au sud, des voies de migration sécurisées et des perspectives d’avenir pour les migrants eux-mêmes.

Wouter Van Bellingen, Forum des Minorités;

Bogdan Vanden Berghe, 11.11.11;

Frederic Vanhauwaert, Netwerk tegen Armoede;

Didier Vanderslycke, ORBIT;

Angela van de Wiel, Samenlevingsopbouw Brussel;

Els Keytsman, Vluchtelingenwerk Vlaanderen

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