Carte blanche

« Une autre vision de l’écologie: le cas Tomorrowland Winter »

Doit-on arrêter tous les grands rassemblements? Ou en limiter la taille et en organiser en plus grand nombre ? Pas sur que l’impact environnemental soit meilleur.

La semaine dernière je suis allé à Tomorrowland Winter. Le fameux festival de musique électronique belge s’exportait pour la première fois à l’Alpe d’Huez. Toute la semaine, 20.000 festivaliers ont pu profiter de la neige, du soleil et des DJ’s qui se produisaient de 12h à 2h dans les bars d’altitude et sous les chapiteaux montés spécialement pour l’occasion dans la station de ski. J’y ai croisé Henri PFR, DJ mondialement connu. Tous les deux Wolusanpétrusiens, j’ai trouvé amusant de poster une selfie avec lui sur les réseaux sociaux. J’ai immédiatement attiré ce à quoi je m’attendais, une réaction indignée d’une connaissance : « Serais-tu à TML ? Evénement décrié par les écologistes de la Région… Tandis que tu clames régulièrement le fondement écologique du projet du cdH ? J’avoue ne pas comprendre. L’important est de vivre les valeurs qu’on met en avant. Des tonnes de chapiteaux, de boissons et de matériel doivent être acheminés par camion à 2000m d’altitude pour permettre aux festivaliers de sortir de leur quotidien et de s’éclater à en oublier tous leurs problèmes. Pourquoi tolérer une telle aberration écologique ? ».

Ma réponse a suivi rapidement. Ce festival est un événement culturel ou de vrais et talentueux artistes, DJ’s et compositeurs, se produisent. Il a demandé la même logistique que les centaines d’autres gros festivals, foires internationales, cirques, manifestations sportives,… qui se déroulent partout ailleurs dans le monde en permanence. Ce ne sont évidemment pas les 20km de montée vers la station qui font la différence en termes de pollution. Doit-on arrêter tous les grands rassemblements? Ou en limiter la taille et en organiser en plus grand nombre ? Pas sur que l’impact environnemental soit meilleur. Reste alors la question de l’exploitation de la montagne, qui demande alors aussi de remettre en cause les sports de montagne en général, les bars/restaurants en altitude, le survol quotidien de ces régions en hélicoptère pour la sécurité, le passage incessant des radtracks la nuit, etc. Il y avait autant de festivaliers cette semaine à l’Alpe d’Huez que de skieurs lors d’une semaine classique ! Par ailleurs, j’ai pu voir comme dans bien d’autres festivals, les efforts en termes de tri, de gobelets réutilisables, de qualité alimentaire, etc. Si l’impact environnemental d’une telle organisation n’est évidemment pas nulle, elle n’est pas plus grande que d’autres événements que je n’entends jamais être décriés.

Mais allons plus loin. Derrière cette interpellation se cache à mon sens une erreur fondamentale de l’écologie que je qualifierai de « traditionnelle » (d’autres utilise le terme « punitive ») très en vogue aujourd’hui. Celle-là même qui va, comme lors des précédentes vagues vertes (on en a déjà connu en 1999 et en 2009) lasser tout le monde après quelques mois sans (suffisamment) changer nos modes de vie. Elle considère l’Homme comme désincarné de son environnement, comme étant un élément extérieur et polluant. Ce n’est pas ma conviction.

Je préfère une autre vision, qu’on pourrait qualifier d’écologie « intégrale ». Elle repose sur ce qui fait la particularité de l’Homme : la relation d’amour qu’on entretient, d’abord avec soi-même (est-ce que je prends soin de mon corps, de mon esprit ?), ensuite avec l’autre (est-ce que je prends soin des autres, de mes collègues, de mes voisins ?), pour finalement pouvoir se tourner vers la Terre et la matière (est-ce que je prends soin des objets autour de moi, de mon environnement, de la nature ?). L’écologie traditionnelle ne prend en compte que la dernière dimension (la Terre) alors que sans les deux premières, c’est donner un poisson à quelqu’un sans lui apprendre à pêcher. Ca ne dure qu’un temps. Comprenons que nos actes sont le reflet de notre bien-être intérieur. C’est cette dimension spirituelle qui manque aujourd’hui à l’écologie traditionnelle et que je défends notamment via mon engagement au cdH.

Pour appliquer cela à Tomorrowland Winter, la vraie question qu’il convient de se poser, est celle de l’intention. Avec quelle intention suis-je allé à ce festival ? Pour « sortir de mon quotidien et m’éclater à en oublier tous mes problèmes » ? Auquel cas, peu importe si ce festival-là est un scandale écologique ou non, j’en sortirai en tout état de cause avec une énergie et des actes dans ma vie quotidienne qui seront hostiles à moi-même, aux autres et donc à la Terre.

Ou l’intention était-elle de vivre un événement culturel parce que j’aime ces artistes et profiter du sport de montagne (moi-même), resserrer des liens d’amitié et rencontrer d’autres cultures (les autres) et prendre conscience et aimer les superbes montages qui m’entourent (la Terre)? Quelqu’un qui est dans cette intention équilibrée là, sera naturellement attentif à l’impact environnemental du festival auquel il participe et poussera de manière naturelle les organisateurs dans une spirale environnementale positive… et durable !

L’écologie intégrale, c’est poser cette question de l’intention pour tous nos actes. La réponse est intime, et rarement binaire. Personnellement, j’estime faire de vrais efforts de consomm’acteur et si j’essaie de faire avancer la réflexion et l’action de tous sur l’écologie, je ne me considère par comme un chevalier blanc exempt de toutes contradictions. On en a tous. Travailler sur les trois dimensions de l’écologie intégrale est la seule manière d’aller vers plus de cohérence et de changer à la racine notre manière d’être au monde. « Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas » aurait dit Malraux. Après les occasions manquées de 1999 et 2009, j’espère que 2019 verra naître une véritable écologie du XX1e siècle, intégrale et donc durable.

Par Christophe De Beukelaer, Président des Jeunes cdH

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