Christophe Barbier

UMP: Sarkozy est-il la seule solution?

Christophe Barbier Directeur de la rédaction de L'Express

La guerre en cours entre Jean-François Copé et François Fillon pour la présidence de l’UMP est excitante et dégoûtante à la fois. Et donne le vertige.

Il n’est point de hasard en politique, car tout est rapport de force. Les ex aequo sont logiques: addition des fraudes, neutralisation des tricheurs. L’irrationnel s’explique: multiplication des manoeuvres, entrelacs des calculs. La folie est normale: surchauffe des ambitions, incandescence des ego. Ici, l’instinct de survie le cède à l’instinct de destruction, et mourir n’est rien si l’on a tué l’autre.

Ce qui se passe à l’UMP, c’est de la politique pure, à vif, sans la gangue hypocrite du jeu médiatique, sans les faux-semblants du raisonnable. Ce qui se passe à l’UMP, c’est de la politique sans fard ni vergogne, où tombent les masques et les hommes. Entre veni, vidi, vici et morituri te salutant, entre Borgia et Machiavel, ce qui se passe à l’UMP est excitant et dégoûtant à la fois. Avouons-le, cela nous passionne autant que cela nous révulse: cette sensation s’appelle le vertige…

Le vainqueur sera un mort-vivant politique

François Fillon et Jean-François Copé savent tous deux qu’à l’issue de leur lutte celui qui restera debout ne sera pas un vainqueur, mais un survivant. Et pourtant, ils se trompent et se surestiment: il ne sera qu’un mort-vivant. Tel Caïn poursuivi par le remords, il ne pourra qu’errer à la recherche d’une légitimité impossible, d’un pardon improbable et d’un avenir introuvable.

Ils ont tué l’UMP, ils ont cassé la droite, ils ont déstabilisé la démocratie. Car voici la France partagée entre une gauche fragile dans l’exercice du pouvoir et une droite discréditée dans son devoir d’alternative. D’un côté, la majorité inquiète jusqu’à ses partisans, de l’autre, l’opposition effare ses plus ardents supporters. Et chaque camp de multiplier les erreurs, jetées aux extrêmes comme autant de fortifiants.

Si l’UMP est aujourd’hui en ruine, elle le doit à sa propre histoire. Le sarkozysme était un couvercle de plomb sur la marmite des haines recuites: Sarkozy parti, le ragoût déborde et la guerre civile reprend entre la droite qui regarde vers la droite et celle qui lorgne sur le centre, entre celle qui cache le populisme sous le populaire et celle qui dissimule le conservateur sous le convenable. Les bons offices d’Alain Juppé n’ont pas poussé bien loin l’illusion: telle la SDN de jadis, c’était une diplomatie sans troupes, donc sans espoir.

Puisqu’une droite debout est nécessaire à la démocratie, il faut rétablir – à titre provisoire – la « pax sarkozyana », comme un ordre de circonstance, une administration judiciaire. Chacun considère que Nicolas Sarkozy doit se tenir à distance du maelström actuel afin de préserver ses chances pour 2017. L’heure viendra pour lui, pense-t-on, d’imposer son 13 mai contre le 18 Brumaire de Jean-François Copé.

C’est l’inverse que doit accomplir l’ancien président, s’il a le sens de l’intérêt collectif: revenir diriger l’UMP, annoncer qu’il ne sera pas candidat en 2017, remettre d’aplomb la droite républicaine et se retirer ensuite de la vie politique, quand un nouveau chef surgira de la primaire de 2016. En agissant ainsi, Nicolas Sarkozy achèverait son oeuvre: en 2007, il vampirise l’électorat de Jean-Marie Le Pen; en 2012, il empêche Marine Le Pen de coloniser celui de l’UMP. Nicolas Sarkozy est-il, à droite, une ambition de plus, ou une grande âme – la dernière?

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