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Trois raisons pour lesquelles le prix du litre d’essence frôle les 2 euros

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Principale source d’énergie, le pétrole subit (comme le gaz et l’électricité) une hausse des prix carabinée. Le prix du baril devrait dépasser 100 dollars en 2022, ce qui n’était plus arrivé depuis la crise de 2008. Quant au prix de l’essence à la pompe, elle frôle les 2 euros le litre. La faute à qui ? Réponse en trois points.

Avant le gaz et le charbon, niveau source d’énergie, il y a le pétrole. Dont le prix grimpe lui aussi en flèche. Fin janvier, le baril de Brent a dépassé le seuil symbolique des 90 dollars, soit le plus haut niveau depuis 2014. Bank of America, qui fait autorité dans ses prévisions, a annoncé qu’il franchirait le cap des 120 dollars d’ici à l’été. Réaliste? Le pic des 100 dollars paraît quasi acquis en 2022. Du jamais-vu depuis la crise de 2008. Le prix du gasoil de chauffage a bondi de 70% en un an. Le prix de l’essence pourrait frôler, cette année, les deux euros le litre.

Comment expliquer cette progression effrénée ?

1. Une demande supérieure à l’offre (merci la pandémie)

Le déclencheur: la hausse fulgurante de la demande en 2021, après un an de pandémie et de confinements. Dans son dernier rapport, publié le 14 janvier, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) constatait que la demande mondiale en électricité avait grimpé de 6% l’an dernier, soit la plus forte croissance depuis plus d’une décennie, dont la moitié est attribuée à la Chine. Mais, outre l’effet conjoncturel de la reprise post-Covid, il y a surtout une lame de fond. « La hausse constante de la demande est due au développement des pays émergents et à l’augmentation de la population mondiale, analyse Bruno Colmant, professeur d’économie à l’UCLouvain et à l’ULB. Il n’y a rien à faire, le progrès humain et l’évolution démographique requièrent davantage d’énergie. L’inflation des prix énergétiques va durer.

2. Les tensions géopolitiques (merci la Chine, l’Ukraine, la Russie…)

Face à la demande grandissante, l’offre ne suit plus aujourd’hui. Pour quelles raisons? Les tensions géopolitiques dans plusieurs régions du globe sont un facteur d’explication du crash énergétique actuel. Il s’agit des tensions dans le Golfe où la guerre du Yémen – impliquant des pays membres de l’Opep (exportateurs de pétrole) – s’étend dangereusement. Des tensions aussi dans l’est de l’Europe autour de l’Ukraine, menacée d’envahissement par la Russie dont les Vingt-Sept dépendent largement pour leur fourniture en gaz mais aussi en pétrole. « L’énergie a toujours été un enjeu géopolitique, affirme le Pr Colmant. Si les Américains négocient avec le Qatar pour assurer l’approvisionnement en gaz de l’Union, c’est bien parce qu’ils ont intégré que la Russie utiliserait le gaz comme arme politique. » Par ailleurs, la Chine étant gourmande en hydrocarbures, l’axe Moscou-Pékin est également un pion majeur sur l’échiquier énergétique.

3. Une extraction de plus en plus coûteuse (merci la fin du « pétrole facile »)

Le pic pétrolier ne reflète pas tant l’épuisement des réserves dans le sous-sol de la planète de cette huile de roche composée d’hydrocarbures que le déclin de sa production. « Les stocks réels sous terre sont très diffus, on ne sait pas combien il en reste vraiment, explique Francesco Contino, professeur à l’UCL, spécialiste de l’énergie. Mais l’extraction devient de plus en plus difficile et donc coûteuse, surtout en énergie. Le EROI, ou taux de retour énergétique, est déterminant. Le déclin est bien là, très proche, mais quelque peu aléatoire, car cela dépend de ce qu’on est prêt à payer pour cette énergie. » En clair, le pétrole facile, c’est fini. Pour accroître et même maintenir la production globale actuelle, « il faudrait sans cesse mettre en production de nouvelles découvertes », énonce Matthieu Auzanneau dans un livre récent au titre limpide: Pétrole, le déclin est proche.

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