En mars dernier, des artistes occupaient le Théâtre national pour attirer l'attention sur la précarité de leur statut. © BELGA IMAGE

« Travailleurs des arts »: pas un statut d’artiste, mais presque

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Le think tank mis en place par le gouvernement pour améliorer les conditions sociales des « travailleurs des arts » a publié sa proposition de réforme: l’accès à un « presque statut » distinct sera plus simple, mais son renouvellement plus complexe. Et en application dès octobre?

Le gouvernement s’y était engagé, et pourrait l’appliquer dès octobre: le statut social des artistes et travailleurs des arts va être réformé en profondeur, pour se rapprocher d’un vrai statut social qui tiendra enfin compte des spécificités tout à fait uniques de ces métiers difficiles à ranger dans des cases. Sans en être vraiment un, de statut social, puisqu’il n’en existe que trois en Belgique – salarié(e), indépendant(e) ou fonctionnaire. Les artistes n’auront donc pas un statut en tant que tel et à leur nom, comme de nombreuses organisations professionnelles le réclament depuis longtemps, mais bien de nouveaux et, a priori, meilleurs aménagements des dispositifs de couverture sociale. Avec, entre autres, la création d’un « guichet unique » et d’une nouvelle Commission du travail des arts qui délivrera une « attestation du travail des arts » individuelle, « donnant accès à toutes les dispositions particulières pour le secteur artistique ». Une attestation et des aménagements tels que l’accès aux allocations de chômage et/ou leur non-dégressivité, qu’il sera désormais plus simple d’obtenir… mais peut-être plus difficile, aussi, de conserver.

Dans un secteur où l’accès à une juste rémunération est très difficile, et où les carrières ne se stabilisent pas, il s’agit de l’institutionnalisation de la précarité.

Cette réforme, importante et attendue, devrait faire le consensus puisqu’elle a été portée par un groupe de travail participatif, lui-même soutenu par les partenaires sociaux et les trois ministres fédéraux concernés (Emploi, Affaires sociales et Indépendants, portefeuilles que se partagent trois partis de la majorité)… mais elle fait pourtant déjà débat auprès des premiers concernés. « Grosso modo, il s’agit d’une facilitation d’accès mais d’un très important durcissement du renouvellement, explique ainsi un auteur-dessinateur. « Pour avoir accès à la « sécurité sociale », il faudrait avoir cotisé un « montant suffisant ». Cette idée s’inscrit dans la perspective d’une liquidation progressive de la sécurité sociale pour entrer dans un système « d’assurance sociale ». Les positions défendues sur la plateforme participative n’ont absolument pas été prises en compte. »

Réforme, ou progrès?

La réforme sera d’abord celle de la Commission artistes, qui devient la Commission du travail des arts, aux pouvoirs considérablement (trop?) élargis: elle fera désormais office de guichet unique (et essentiellement en ligne) pour tous les travailleurs concernés, que leurs demandes concernent le Fédéral, les Régions ou les Communautés. Et surtout, elle délivrera des attestations du travail des arts individuelles, seul sésame désormais reconnu pour obtenir les aménagements sur le marché du travail et l’accès à ce qui ressemble de plus en plus à un statut spécifique. Une forte simplification administrative, et une attestation accessible sur demande, pour laquelle une série de critères seront retenus et mis en balance, des prestations réalisées aux études, en passant par les revenus des droits d’auteur, les facteurs personnels (parentalité, maladie, accident) et même, grande nouveauté, « le travail invisibilisé » tel que « la préparation des projets, le travail conceptuel, la promotion de l’oeuvre, la recherche de travail et de financement » et même… « la participation à la Commission du travail des arts ». Une grosse marmite encore très brumeuse, dont sortira, ou non, cette attestation, valable cinq ans.

L’Abdil, qui fédère les professionnels de la bande dessinée et de l’illustration, et associée aux réflexions, y voit « des évolutions positives et inédites », telles que « un statut unique qui permet une prise en compte des différentes fonctions, différents secteurs d’activité, différents types de rémunération ; un accès aux allocations diminué de moitié, la fin des contrôles sur l’emploi… ». Et ce, malgré quelques couleuvres avalées et beaucoup d’imprécision, « notamment sur le fonctionnement de la future Commission, dont le périmètre est trop flou à ce stade ». Et qui aura littéralement droit de vie ou de mort du presque statut des artistes.

Florian Huet, jeune auteur qui a déjà battu le rappel par e-mails auprès de ses pairs et vers « l’ensemble des travailleurs et travailleuses des arts et de la culture » est plus sévère, notamment sur les nouvelles conditions qu’il faudra remplir pour renouveler ce presque statut: « Dans un secteur où l’accès à une juste rémunération est très difficile, et où les carrières ne se stabilisent pas (l’accès à la rémunération n’est pas de plus en plus facile au fur et à mesure de la carrière, et une période faste peut brutalement s’arrêter, à tout moment), il s’agit de l’institutionnalisation de la précarité. »

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