Trafic aérien: offensive flamande contre Wathelet

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Ce 19 septembre entrent en vigueur les nouvelles normes de vent qui règlent l’usage des pistes de Zaventem. Le lobbying flamand contre les décisions prises par Melchior Wathelet se radicalise. Une enquête du Vif/L’Express.

« Continuez comme cela et on votera tous N-VA aux prochaines élections » Ce courriel est arrivé l’autre jour au cabinet de Melchior Wathelet, secrétaire d’Etat CDH à la Mobilité. Il est signé Actie Noordrand, un lobby de riverains flamands de l’aéroport national. Surtout active à Meise, Grimbergen, Wemmel et Vilvorde, communes de la périphérie nord de Bruxelles, l’association pilonne sans relâche la décision du secrétaire d’Etat fédéral de modifier les normes de vent qui règlent l’usage des pistes de Zaventem.

Applicable depuis ce 19 septembre, la mesure prise par Wathelet vise à réduire l’utilisation de la piste 02/20, la plus courte des trois pistes de Brussels Airport, qui a souvent fait parler d’elle ces dernières années. Le trafic aérien vers cette piste « diagonale » – rebaptisée depuis aujourd’hui « 01/19 » pour tenir compte de la dérive du pôle magnétique – irrite les habitants de plusieurs communes du Brabant wallon, du sud-est de la capitale et de l’Oostrand (Wezembeek-Oppem, Crainhem…). Quand le vent arrière, de secteur nord, atteignait 5 noeuds, le trafic basculait sur la 02/20 et les avions survolaient la région à basse altitude. « Avec la décision de relever la norme à 7 noeuds, 7 à 10 % des atterrissages s’effectueront désormais sur cette piste subsidiaire, au lieu de 17 % précédemment », évalue un expert en aéronautique au cabinet du secrétaire d’Etat.

Wathelet favorise les « important people » ?

Prévue de longue date, cette modification induit plus de décollages au départ de la piste principale (25R), celle qui envoie les avions, notamment, au-dessus de la périphérie nord de la capitale. D’où la colère d’Actie Noordrand, pour qui la mesure est « onacceptabel ». L’association accuse Wathelet de favoriser les « important people » francophones du Brabant wallon et de l’Oostrand au détriment des « citoyens ordinaires » du Noordrand. Argument contestable, car la piste 25R envoie aussi et surtout les avions sur plusieurs communes bruxelloises. « Ce lobbying flamand, qui redouble d’intensité depuis qu’un francophone a hérité du portefeuille de la Mobilité, a des relais dans des cabinets fédéraux et régionaux, relève un spécialiste du dossier. Hilde Tamboryn-Wyckaert, fondatrice d’Actie Noordrand et responsable de leur cellule juridique, s’est fait engager comme conseillère avions au cabinet du ministre-président flamand Kris Peeters. »

Actie Noordrand n’est pas seule sur le front anti-Wathelet. La bourgmestre CD&V de Grimbergen, Marleen Mertens, a elle aussi sorti la grosse artillerie, le week-end dernier : « Nous en avons marre de votre mépris, de votre dédain et de votre arrogance, lance-t-elle au secrétaire d’Etat. Si vous voulez encore favoriser votre électorat par des intentions déloyales, cupides et irresponsables, vous allez le regretter d’ici quelques semaines. »

Pilotes et chefs contrôleurs mettent la pression

Quelques jours plus tôt, la Belgian Cockpit Association (BeCA), qui regroupe une grande partie des pilotes belges, avait jugé dangereuses les nouvelles normes de vent. Il nous revient par ailleurs que les chefs contrôleurs à Belgocontrol, tous ou presque flamands, montent eux aussi au créneau contre les changements, ce qui accentue la pression sur Wathelet. Une pression qui monte aussi au fédéral. Le vice-Premier SP.A Johan Vande Lanotte n’a pas attendu l’entrée en vigueur de la mesure pour dire tout le mal qu’il pensait de la décision du secrétaire d’Etat et pour lui demander des explications.

Le plus tonitruant des SP.A aura toutefois été Bert Anciaux, chef de groupe au Sénat et ancien ministre de la Mobilité. Il a accusé sans détour Wathelet de « mettre la paix communautaire en danger » et il appelé les partis flamands à la rescousse pour contrer les modifications. Attitude compréhensible : père d’un plan de « dispersion » des nuisances très controversé adopté il y a dix ans, Anciaux voit son « enfant » disparaître…

O.R.

L’intégralité de cet article dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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