Taxe kilométrique à Bruxelles: les déclarations de la ministre Groen font débat

Le Vif

La ministre bruxelloise de la Mobilité Elke Van den Brandt (Groen) a exprimé sa volonté d’accélérer la mise en place d’une taxation au kilomètre des véhicules à Bruxelles à défaut de projets présentés par les deux autres Régions du pays. De nombreuses réactions ont suivi sa proposition qui a suscité le débat jusqu’au sein même de la majorité.

Elke Van den Brandt (Groen) a annoncé ce mercredi que, faute de l’instauration d’une taxation kilométrique, Bruxelles, elle voulait instaurer un prélèvement à tarif variable pour tous les véhicules circulant dans la capitale d’ici la fin de la législature.

Le ministre Sven Gatz (Open Vld) a jugé prématurées les déclarations de sa collègue. Du côté socialiste, pas de réaction directe au gouvernement ou au parlement régional mais l’annonce fait déjà vrombir au sud du pays.

Le ministre de la Fédération Wallonie-Bruxelles André Flahaut a fustigé l’idée écologiste. « Imaginer que les navetteurs brabançons wallons et de toute la Wallonie accepteront la taxe kilométrique bruxelloise sans broncher… c’est naïveté ou mépris! ! », a-t-il réagi sur Twitter depuis ses terres nivelloises.

Dans l’opposition au parlement bruxellois, la députée MR Alexia Bertrand s’interroge sur les conséquences d’une telle mesure prise sans concertation avec les autres Régions. « Cela implique que les entreprises demain, que la classe moyenne, que les gens qui travaillent, peuvent déménager en périphérie de la Région bruxelloise et cela crée une paupérisation encore plus grande de la Région bruxelloise », a-t-elle réagi sur Bel RTL.

Un beau cadeau à la Région flamande! « 

Le MR attend une vraie « offre alternative et une vraie vision sur le transport en commun ». L’ex-ministre Benoît Cerexhe n’a pas dit autre chose. « Sans accord avec les autres Régions, cette mesure aura pour effet de délocaliser les entreprises en dehors de Bruxelles. Un beau cadeau à la Région flamande! « , a-t-il jugé.

La cheffe de groupe N-VA Cieltje Van Achter a dénoncé la discrimination qui viserait la Flandre et la Wallonie, menacés de devoir payer deux fois plus que les citoyens bruxellois. Elle a également mis en garde face au risque d’exode des entreprises.

« Bruxelles n’offre pas de production mais des services, qui peuvent facilement être déplacés », a-t-elle souligné, invitant le gouvernement bruxellois à la prudence. Pour la députée Bianca Debaets (CD&V), il est « incompréhensible qu’il y ait déjà des disputes au sein du gouvernement bruxellois un mois après son installation ». Est-cela la bonne gouvernance, demande-t-elle.

Dans l’Echo, le patron des patrons bruxellois, Olivier Willocx juge l’idée d’une telle taxe judicieuse à la condition que les taxes de circulation et de roulage soient déduites pour l’ensemble des automobilistes du pays et que la mesure soit concertée avec les autres Régions afin notamment d’éviter un report de la circulation sur le ring. La FEB partage les mêmes préoccupations. L’organisation des patrons flamands, le Voka, rejette également l’idée d’une initiative bruxelloise isolée. Mais elle presse dans le même temps les négociateurs chargés de la formation du gouvernement flamand de réfléchir avec Bruxelles à la mise en place d’une taxe kilométrique intelligente.

Touring contre l’idée d’une taxation kilométrique à Bruxelles

L’organisation de mobilité Touring n’est pas du tout en faveur de cette idée de taxation kilométrique dans la capitale avancée par la ministre bruxelloise, a indiqué le porte-parole de Touring, Danny Smagghe mercredi.

« Nous souhaitons plutôt un système pour tout le pays, tel que la tarification routière ou une redevance kilométrique, et non un système qui s’applique uniquement à Bruxelles », explique M. Smagghe. L’organisation estime également qu’il s’agit d’une taxe supplémentaire pour les navetteurs qui se rendent tous les jours à Bruxelles.

« Vous punissez encore une fois de plus les personnes qui subissent les embouteillages. Si vous introduisez la taxation kilométrique, vous devez également proposer suffisamment de solutions alternatives afin de réduire les embouteillages. » Touring pointe la nécessité d’étudier la rentabilité et l’efficacité d’un prélèvement kilométrique avant son introduction. « De plus, il n’y a eu aucune concertation avec les organisations de mobilité qui représentent les usagers de la route », selon M. Smagghe.

Une taxe injuste et inefficace, estime le PTB

La taxe kilométrique telle qu’envisagée par le gouvernement bruxellois est peu efficace tant qu’il n’existe pas d’alternatives, et surtout injuste, car elle ne tient pas compte des revenus de l’usager, a estimé mercredi le PTB.

« Voilà donc la première mesure phare que veut mettre en oeuvre le « progressiste » gouvernement bruxellois: une taxe injuste et inefficace », a dénoncé Françoise De Smedt, cheffe de groupe PTB au parlement bruxellois. « Le gouvernement bruxellois nous pousse vers une mobilité à deux vitesses: ceux qui ont les moyens continueront à rouler tranquillement, tandis que les autres seront freinés dans leurs déplacements. Et ceux qui n’auront pas d’autre choix que d’utiliser quand même la voiture le feront au prix de leur fin de mois », a jugé l’élue de la formation d’extrême gauche, se disant loin d’être convaincue du caractère « intelligent » de cette taxe.

Pour celle-ci, beaucoup de techniciens, de soignants qui se déplacent à domicile, de travailleurs qui travaillent en pauses, n’ont pas toujours le luxe de choisir leurs horaires pour pouvoir s’adapter à une taxe plus élevée en heure de pointe. Par ailleurs, une taxe à l’utilisation existe en fait déjà, à travers l’imposition sur le carburant. Les utilisateurs de la voiture seraient donc ainsi doublement, voire triplement taxés: sur la possession d’un véhicule avec la taxe automobile, sur l’utilisation par les accises sur le carburant, et sur le fait de rouler avec une taxe kilométrique. Françoise De Smedt s’est également demandée où se trouvaient les budgets censés permettre d’offrir des alternatives aux Bruxellois, comme les transports en commun et le vélo. Le PTB a enfin indiqué qu’il avait présenté au gouvernement bruxellois un plan chiffré pour rendre la STIB gratuite et diminuer le nombre de voitures à Bruxelles, en faisant contribuer les grandes entreprises au financement de la gratuité.

L’UCM pour une taxe kilométrique « intelligente » à Bruxelles

L’idée d’une nouvelle taxe kilométrique à Bruxelles, proposée par la ministre bruxelloise de la Mobilité Elke Van den Brandt, doit s’inscrire dans une politique d’ensemble et ne pourrait être instaurée qu’en respectant quatre conditions, a réagi l’Union des classes moyennes (UCM).

Ainsi la taxe kilométrique devrait, selon l’UCM, être assortie de réelles alternatives. L’offre de transports publics doit être améliorée, en fiabilité, en rapidité et en confort. Ensuite, l’organisation estime qu’il ne s’agit pas de tarifer tous les déplacements dans la capitale, ce qui pénaliserait les Bruxellois, mais de décourager l’usage de la voiture de façon ciblée, en particulier pour les navetteurs, en instaurant une taxation plus élevée aux heures de pointe. En outre, cette taxe ne peut constituer une charge fiscale supplémentaire pour les entreprises et les citoyens. Elle doit donc être compensée par une suppression des taxes de circulation et de mise en circulation, et éventuellement une réduction des accises sur le carburant, selon l’Union. Enfin, l’UCM souligne que cette taxe doit faire l’objet d’un accord de coopération entre Régions, sous peine de mettre à mal la compétitivité des indépendants et entreprises bruxellois.

Un péage pour les automobilistes uniquement à Bruxelles serait discriminatoire (FEBIAC)

Un péage pour les automobilistes uniquement en Région de Bruxelles-Capitale serait discriminatoire, selon la fédération belge et luxembourgeoise de l’automobile et du deux-roues (FEBIAC). Elle met de son côté en garde contre la proposition de la nouvelle ministre bruxelloise de la mobilité et des travaux publics. En effet, selon l’organisation, seulement 30% du trafic de navetteurs dans notre capitale provient de l’extérieur de Bruxelles et pas moins de 70% vivent dans la région.

« Le péage urbain serait compensé pour les Bruxellois par leurs taxes de circulation. Dans ce cas, le péage serait discriminatoire à l’égard des citoyens flamands et wallons qui travaillent à Bruxelles ou souhaitent y faire du shopping, car ils devraient payer une taxe supplémentaire à Bruxelles en plus des taxes de circulation existantes dans leur région. Et il reste à voir si cela résoudra les embouteillages, surtout s’il n’existe pas d’alternatives à part entière à la voiture. Une vision large, cohérente et multimodale de la mobilité soutenue par tous les gouvernements est ce dont notre pays a un besoin urgent », estime Luc Bontemps, directeur général de la FEBIAC. La FEBIAC pointe que la mobilité et la gestion des embouteillages ne s’arrêtent pas à la frontière de Bruxelles. Une redevance kilométrique intelligente qui taxe l’utilisation de la voiture en fonction de l’heure et du lieu et non sa possession aura un effet plus favorable, selon l’organisation.

DéFI privilégie un modèle de taxation à l’usage, concerté entre les Régions

« Les propos de la nouvelle ministre bruxelloise de la Mobilité au sujet de la possibilité de l’instauration d’un péage urbain en cas d’échec de l’instauration d’un modèle de taxation kilométrique intelligente ne constituent pas une surprise. Ils s’inscrivent dans le contexte des négociations en Wallonie et en Flandre, auxquelles il faut laisser le temps de former un gouvernement avant d’envisager ensemble un modèle de taxation au kilomètre lié à l’usage de la voiture, a affirmé mercredi le chef du groupe DéFI eu parlement bruxellois, Emmanuel De Bock.

Pour M. De Bock, l’impact de la sortie de la nouvelle ministre bruxelloise de la Mobilité s’apparente à une « tempête dans un verre d’eau ». Elke Van den Brandt n’a fait autre chose que rappeler le contenu de l’accord de gouvernement bruxellois dans le contexte de négociations en cours en Flandre et en Wallonie pour la formation des futurs exécutifs. « L’enjeu n’est pas que bruxellois. C’est aussi plus largement celui de la ‘péri-urbanisation' ». Nous avons toujours préféré l’instauration d’une taxe au kilomètre avec des variables qui encouragent un usage éco-responsable de la voiture mais via un processus de coopération inter-régional. Les trois Régions doivent faire preuve de maturité et régler cela ensemble. Nous n’avons jamais été de ceux qui souhaitent partir seuls », a commenté le chef du groupe DéFI au parlement bruxellois.

A chacun de prendre le temps d’apporter des réponses crédibles et concertées (Vervoort)

« Chacun doit prendre le temps d’investir ses compétences et de travailler collectivement pour apporter des réponses concertées et crédibles pour améliorer la fiscalité environnementale », a affirmé mercredi le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort (PS). M. Vervoort a également dit n’avoir aucun doute que chaque membre du gouvernement bruxellois s’inscrive dans cette dynamique. Il réagissait ainsi aux propos de la ministre bruxelloise de la Mobilité Elke Van den Brandt (Groen) à propos de la perspective de l’instauration d’un péage urbain à Bruxelles.

Le MR met en garde contre la surenchère

Il faut éviter une surenchère entre Régions en matière de taxation automobile, avertit le MR à la suite des déclarations de la ministre de la Mobilité bruxelloise, Elke Van den Brandt, sur une taxation kilométrique.

Le MR se dit favorable à une refonte de la taxe de circulation et de mise en circulation en instaurant un bonus fiscal progressif en fonction de l' »ecoscore » du véhicule (soit son caractère polluant). Il n’est pas question pour lui d’instaurer une taxe supplémentaire. « Par ailleurs, Bruxelles n’est pas une île qui vit indépendamment des deux autres Régions », ont expliqué les députés régionaux Françoise Schepmans et Vincent De Wolf. « Il faut avoir une vision plus large des enjeux bruxellois et réfléchir aux implications d’une telle taxe kilométrique qui serait prise sans un accord avec la Flandre et la Wallonie. Le risque d’une surenchère de taxe, instaurée par les deux autres Régions, pénaliserait l’attractivité économique de Bruxelles et coûterait cher au portefeuille des automobilistes bruxellois… sans résoudre les problèmes de mobilité! « , disent-ils. Qui plus est, si la proposition de la ministre se réalise sans accord de coopération avec les autres entités, la mesure risque de discriminer les Bruxellois qui ont leur propre voiture de ceux qui ont une voiture de société, ont fait remarquer les libéraux. En effet, pour soumettre les seconds à la taxe, un tel accord est nécessaire. « Nous nous étonnons que le parti écologiste entrevoit cette possibilité », souligne M. De Wolf. Ce dossier démontre l’importance de la mise sur pied d’une Communauté métropolitaine telle qu’elle était prévue dans la 6e réforme de l’Etat, ajoute-t-il.

« Cette instance doit permettre à Bruxelles de s’entendre avec son hinterland sur des questions majeures comme la création de parking de transit, l’élargissement du ring, le développement d’un tram transrégional, et de facto, l’instauration d’une taxe kilométrique intelligente. Il faut profiter de la constitution des gouvernements pour mettre à l’agenda cette question cruciale pour les enjeux de mobilité et de fiscalité », rappelle-t-il.

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