Sven Mary © Belga

Sven Mary sur Abdeslam: « peut-être une soupape qui a lâché »

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Sven Mary, l’avocat de Salah Abdeslam, n’a pas mâché ses mots en parlant dans les colonnes du quotidien français Libération de son client. Pierre Chomé, pénaliste et assistant à l’ULB, nous éclaire sur ses déclarations qui interpellent.

Sven Mary, l’avocat de Salah Abdeslam, n’a pas mâché ses mots en parlant de lui dans les colonnes du quotidien français Libération. Il s’est confié ensuite à La Libre en expliquant qu’il a choisi de s’exprimer de la sorte en concertation avec son client. Pierre Chomé, pénaliste et assistant à l’ULB, nous éclaire sur ces sorties fracassantes et assez atypiques dans le milieu.

Pensez-vous que Sven Mary a été trop loin dans ses déclarations chocs?

« Ma première réaction, et sans faire de procès d’intention à l’avocat lui-même, c’est que dans ce type de dossier, quand on est du côté de la défense, la seule attitude qui est tenable malgré la pression médiatique considérable, c’est le silence. Ça parait évident. Évidemment, ce type de propos relayés dans les médias écrits ou autres restent dans un dossier et ressortent la veille d’un procès. Il y a déjà eu des prises de position, des points de vue subjectifs concernant certains clients qui font des dégâts énormes au moment où on se retrouve face aux juges. On peut s’étonner de ces déclarations dans la presse, à défaut d’avoir des explications. C’est aussi, peut-être, une soupape qui a lâché par rapport à la pression que Sven Mary a vécue depuis le début de sa défense. »

Serait-ce une stratégie pour faire passer Salah pour un simple pion ?

« Je crois que c’est plus un cri du coeur qu’une stratégie. Pour que vous puissiez démontrer à tort ou à raison que Salah Abdeslam est un second couteau, un suiveur et qu’il a pris du recul spontanément avant d’être dans les mailles du filet judiciaire, c’est évidemment le dossier qui le dira. L’avocat n’est pas le témoin de son client. Souvent, quand on parle avec trop d’empathie de la personne qu’on défend, le juge va vous enlever votre ordre et vous avez alors une attitude de témoin. Mais, en tant qu’avocat vous le défendez sur ce qu’il a envie de dire et qu’il n’arrive pas à dire. Vous le défendez sur le plan technique, sur l’état d’un dossier de la procédure. Mais vous ne pouvez pas, vous, témoigner de son état psychologique et mental, ce n’est pas votre rôle. Soit un psychiatre le dira, soit un psychologue, soit des témoins dans le dossier, soit des éléments sur son parcours. Cela ne fait pas d’illusions. Des personnes sont parfois poursuivies des années après car elles ont fait certaines confidences. »

Avez-vous vu une évolution du secret professionnel ces 20 dernières années?

« Sven Mary se situe à une frontière qui est très difficile à définir avec le secret professionnel, mais franchissement ou pas, c’est le bâtonnier qui devra le dire. Avant, le secret professionnel était quasi absolu. La difficulté est que si l’autre partie dans le procès parle tout le temps, il faut s’exprimer aussi, pas par plaisir, mais pour essayer de rééquilibrer les points de vue. J’imagine déjà la difficulté de défendre un bonhomme comme ça par rapport à votre environnement, votre famille, vos amis, peut être aussi à vos clients qui ne veulent pas être associés à un cabinet qui fait ce choix. C’est très lourd à supporter. Et en plus, vous êtes véritablement, à certains moments, physiquement harcelés et vous finissez, presque pour gagner un peu d’oxygène à lâcher quelque chose. J’ai comme principe de n’apporter de véritable information que si j’estime qu’elle est vraiment contraire à ce que dit le procureur, si j’estime qu’il ne dit pas la vérité, par exemple, sur l’alibi d’un client. On peut, en effet, répondre à une conférence de presse du parquet dans les limites de la défense. »

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