Un arrêt qui rend le problème du survol de Bruxelles encore plus inextricable. © DANNY GYS/REPORTERS

Survol de Bruxelles : le brouillard s’épaissit

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Le Conseil d’Etat affirme qu’il ne faut pas organiser d’enquête publique ni d’étude d’incidences avant de toucher aux routes aériennes. Le pouvoir judiciaire dit le contraire. De quoi y perdre son latin…

Le Conseil d’Etat, saisi par l’association de riverains Bruxelles Air Libre et par sept particuliers qui réclamaient l’annulation du plan, dit  » Wathelet « , de procédure de sélection des pistes de vol, faute de concertation publique préalable, a rejeté leur demande.

La plus haute juridiction administrative du pays prend ainsi l’exact contre-pied de son auditeur. En décembre 2016, ce dernier avait estimé que l’ensemble du plan Wathelet devait être annulé. Le Conseil d’Etat contredit aussi de plein fouet le tribunal de première instance de Bruxelles, qui avait ordonné, le 31 juillet 2014, la cessation de la 6e phase du plan Wathelet pour absence de concertation publique préalable et augmentation importante des violations des normes de bruit bruxelloises. Cette phase 6 est, depuis lors, annulée définitivement.

Pour le Conseil d’Etat, dont l’arrêt ne dépasse pas 24 pages, une enquête publique et une étude d’incidences n’étaient pas indispensables pour modifier le plan de sélection des pistes, dans la mesure où  » aucune disposition législative, réglementaire ou administrative n’impose au gouvernement d’adopter des règles relatives à l’utilisation des pistes « . Dès lors, estime-t-il en substance, la loi sur les enquêtes d’incidence ne s’applique pas.

Le Conseil d’Etat renvoie aussi la chaude patate aérienne au monde politique : les décisions du conseil des ministres constituent des accords politiques et n’ont, en droit, aucune valeur normative, dit-il.  » Le fait que le secrétaire d’Etat à la Mobilité prenne des décisions qui ne respectent pas ces accords politiques est certes de nature à […] provoquer des dissensions pouvant aller jusqu’à la crise politique, mais c’est là un problème […] qui ne peut trouver de sanction que sur le plan politique. L’édiction d’instructions qui ne respectent pas ces accords n’a pas pour conséquence que ces instructions seraient illégales.  »

L’arrêt du Conseil d’Etat a laissé plus d’un observateur pantois.  » Ce texte est bourré d’erreurs de droit, lance un avocat. Il est notamment contraire aux prescrits de la Cour européenne de justice et d’autres instances judiciaires. Du point de vue de la sécurité juridique et de la protection de l’environnement, c’est un arrêt catastrophique.  »

Concrètement, cet arrêt ne change rien à la situation actuelle. Il la rend juste un peu plus inextricable. » Tant qu’il n’y aura pas, de la part de l’Etat, des décisions claires dans le dossier du survol, les recours continueront à partir dans tous les sens « , prédit un autre avocat spécialiste du dossier.

Pour Antoine Wilhelmi, porte-parole du mouvement citoyen Pas Question ! , l’arrêt du Conseil d’Etat, très peu motivé, est décevant : il constitue un recul au niveau de la reconnaissance du principe de concertation publique préalable en matière de choix des routes aériennes.  » Manifestement, il s’agit là d’une décision politique du Conseil d’Etat, qui a refusé d’arbitrer dans ce débat de principe « , souligne-t-il. D’autres voix s’élèvent pour dire que cet arrêt doit ravir le gouvernement fédéral. Le Premier ministre n’a-t-il pas déclaré récemment que  » le dossier des avions ne valait pas une crise gouvernementale  » ?

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