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Soins à domicile : sous surveillance électronique

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Le patient devra concourir à la chasse aux infirmiers fraudeurs via la lecture de sa carte d’identité électronique. Question contrôles, on n’arrête jamais le progrès. Refinancer le secteur, en revanche…

Anne-Sophie a plutôt mal pris la chose, en réceptionnant le courrier envoyé par son fournisseur de logiciel. Comme la désagréable sensation d’un manque de confiance. A l’instar de milliers de ses collègues, cette infirmière à domicile devra s’habituer à poser un nouveau geste à dater du 1er octobre prochain. Et, d’ici là, s’outiller en conséquence, à ses frais. Le réflexe exigé d’elle sera d’insérer dans un lecteur mobile la carte d’identité électronique du patient.

 » Il faut lutter contre la fraude, je peux comprendre… Sauf qu’il semble avéré et connu qu’il n’y a que 2 à 3 % de fraudeurs parmi mes collègues « , s’interroge Anne-Sophie. Tout part de là, en effet : de la chasse aux prestations fantômes, aux soins surévalués, aux attestations bidon, bref aux abus d’une petite minorité qui nuit à la santé financière de la sécu.

L’Inami a mis ses limiers sur le coup. Sur 301 praticiens de l’art infirmier à domicile contrôlés en 2015, 210 dossiers ont été clôturés sur fond d’indélicatesses, pour plus de trois millions d’euros indûment versés. Dans le classement Inami, la catégorie caracole en tête des dispensateurs de soins épinglés pour infractions.  » Relativisons, suggère Edgard Peters, directeur du secteur soins infirmiers de la Fédération de l’aide et des soins à domicile : sur 154 infirmiers contrôlés en 2016, un peu moins de 35 n’avaient pas remboursé les sommes indûment perçues et la moitié d’entre eux ont été poursuivis. Et ce, sur quelque 20 000 infirmiers et infirmières à domicile.  »

Des patients fragiles

Léger cas de conscience pour Maggie De Block, ministre Open VLD des Affaires sociales, amenée à faire le ménage dans un segment de soins prodigués à des gens (870 920 patients en 2014) souvent âgés, mentalement et financièrement fragilisés.

On n’a finalement rien trouvé de mieux que d’imposer au patient un contrôle d’identité par voie électronique pour s’assurer qu’il n’aura pas été soigné fictivement. Le secteur des infirmiers s’en est ému et indigné. Vaine résistance. L’Inami concèdera tout de même une marge de tolérance de 10 % de lectures non conformes, ne fût-ce que pour tenir compte du patient sénile qui aurait égaré sa carte d’identité.  » Nous conservons l’amertume de servir de cobaye en expérimentant ce contrôle électronique « , souligne Claudine Baudart, présidente de l’Association des infirmières indépendantes de Belgique. Edgard Peters aimerait aussi que le pouvoir politique se soucie avec le même zèle  » du refinancement nécessaire des soins à domicile, estimé à 1,340 milliard, pour un budget 2017 limité à 1,513 milliard.  »

Surveillance, suspicion. Anne-Sophie reste avec son malaise :  » Là où je coince, c’est que le patient n’aura pas droit au remboursement de la mutuelle s’il ne donne pas sa carte d’identité électronique.  » Le procédé ne lui paraît pas des plus démocratiques.  » Pas d’inquiétude, c’est la loi « , lui a rétorqué la commission pour la protection de la vie privée. Dans ce cas…

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