Nicolas De Decker

« Sire, il n’y a pas d’antibelges »

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Jadis le manant singeait son maître. Les anthropologues, depuis longtemps, ont étudié les effets cathartiques de ces fêtes de l’esprit et du corps, au tournant de l’hiver, dans lesquelles le petit moque le grand.

Où le dominé, l’espace de quelques instants, se prend pour un dominant. Ce furtif moment où l’insulte libératrice expurge une année d’humiliations repose sur une règle, l’inversion des rôles, sur une méthode, le grimage, sur une nécessité, le scandale.

C’est une tradition dont les autochtones sont d’autant plus fiers que les étrangers ne la comprennent pas. C’est une façon bien à soi de tourner la bien-pensance de l’ordre établi en ridicule, un acte de résistance par le rire, grotesque toujours, vulgaire parfois, choquant absolument. Car pour guérir, en se déguisant, il faut choquer. Les anthropologues sont unanimes : si la sensibilité des belles personnes parfumées n’est pas heurtée, la fête est ratée.

Surtout la sensibilité de ces francophones prétentieux, là, avec leurs longues dents, leur prétendue supériorité morale, leurs grands airs d’intellos qui ont tout compris, et leurs incessantes leçons au hardwerkende Vlaming. C’est à longueur d’année qu’ils n’arrêtent pas, ceux-là, hiver comme été, avec leurs leçons de morale : et que vous êtes des racistes par-ci, et puis que vous êtes des nazis par-là, et que vous avez collaboré avec les Allemands par ailleurs, et qu’en plus de tout vous voulez la fin de la Belgique. Alors, à un moment, ça commence à bien faire, merde. A un moment, au tournant de l’hiver, il a le droit, le hardwerkende Vlaming, humilié à longueur d’année par ces francophones qui décidément décident d’absolument tout dans ce pays, de bien se foutre de la gueule de ceux qui l’oppriment.

Il a bien bien le droit de se déguiser, en vérité.

Alors il se déguise. Il rerase bien son crâne, il recire bien ses mocassins bruns, il remet bien son costume bleu, il redonne une interview à La Libre Belgique, et il résiste par le grotesque.  » Notre but n’est pas le séparatisme : le drapeau belge reste, le Roi, les Diables Rouges, le chocolat, les frites, la bière, l’émotion et le romantisme liés à la Belgique… tout cela peut rester « , il dit à La Libre Belgique, avec son déguisement de Belge libre.

Tant pis si le bien-pensant s’offusque et si les pisse-froid pissent froid. C’est son humour et ça lui fait du bien.

Ça lui fait du bien de dire merde à tous ces politologues militants si prompts à la caricature qui avaient cru que le premier article des statuts de son parti appelait pour du vrai à une république flamande indépendante.

Ça le soulage de troubler tous ces observateurs politisés qui pensaient jusqu’alors que son parti et lui voulaient vraiment interdire le chocolat, prohiber la bière, écarteler les Diables Rouges, décapiter le Roi et éradiquer la frite.

Ça l’éclate d’emmerder tous ces journalistes proches du régime qui ont vraiment gobé qu’il parlait de la nationalité belge quand il disait, à la Chambre,  » je hais ma nationalité « .

Jadis, au carnaval, le manant singeait son maître.

Aujourd’hui, le Flamingant de carnaval singe le Belge.

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