Eric De Keuleneer, professeur de finances à la Solvay Business School (ULB). © Belga

Serment bancaire: « Un excellent moyen pour protéger le collaborateur des pressions »

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Professeur de finance à la Solvay Business School (ULB), Eric De Keuleneer applaudit à l’adoption du serment bancaire : l’employé de banque pourra mieux résister aux menaces pesant sur sa déontologie.  » Je ne vois pas vraiment ce qu’il y a de vexant dans ce serment. « 

Un serment bancaire, réelle plus-value ou fausse solution ?

Il s’agit à mes yeux d’une excellente mesure qui vient utilement compléter l’arsenal législatif et réglementaire déjà en vigueur. Certains aspects liés au métier de la banque touchent au comportement déontologique et éthique à l’égard duquel il est impossible de légiférer. Cela dit, je ne vois rien, dans ce que je lis au sujet de ce serment bancaire, qui n’était pas déjà considéré comme allant de soi lorsque je travaillais à la Générale de Banque, entre 1980 et 1995. Ce serment ne fait en somme que rappeler des évidences qui ont été parfois perdues de vue.

Le collaborateur bancaire a-t-il tout à craindre de devoir prononcer ce serment ?

Au contraire, son principal mérite devrait être de protéger l’employé dont la déontologie personnelle peut être mise en cause par la hiérarchie et surtout par les systèmes internes d’évaluation, de promotion et de rémunération variable. Un collaborateur pourra invoquer le serment bancaire pour résister à des pressions, notamment dans la définition de ces systèmes internes. Je crois donc que beaucoup d’entre eux l’envisageront plutôt comme une bonne nouvelle.

Ce qui est nettement moins le cas du secteur bancaire : sa fédération ne jure que par l’autorégulation…

Malheureusement, l’autorégulation a vraiment montré ses limites. Malgré les crises financières de 2001 et de 2008, beaucoup d’institutions bancaires n’ont pas réformé en profondeur leurs systèmes d’évaluation et de rémunération internes alors qu’ils ont prouvé leur dangerosité. C’est à travers des outils comme le code de déontologie et le serment qu’il doit y avoir moyen de fixer des objectifs raisonnables qui n’accroissent pas les risques pour la banque et ne soient pas préjudiciables au client.

Ce serment bancaire serait-il une énième manifestation de l’image négative entretenue sur le monde des banques ?

Je ne vois pas vraiment ce qu’il y a de vexant dans ce serment. La dégradation de l’image de marque du secteur bancaire a été incontestable après les crises de 2001 et de 2008. Je pense que les services rendus par les banques belges sont d’excellente qualité. Les causes du malaise qu’elles ressentent viennent probablement du fait que les clients n’ont pas toujours eu l’impression d’être bien conseillés en matière de collecte d’épargne et que les responsables en contact avec eux étaient parfois incités à conseiller certains types de produits financiers. Le secteur a parfois trop peu procédé à l’évaluation interne des raisons de ces crises, en mettant encore exagérément l’accent sur la rentabilité ou sur un marketing très agressif. Je crois que les banques belges et les services qu’elles rendent sont d’excellente qualité mais le secteur ferait bien de s’atteler sérieusement à revoir ses objectifs avec, pour priorité, la satisfaction du client qui doit être au coeur des tâches des collaborateurs bancaires. Or, cette capacité à mettre en pratique l’intérêt supérieur du client n’est pas très convaincante à ce jour.

Cette mauvaise réputation, n’est-ce pas le prix à payer par les banques pour leur sauvetage aux frais du contribuable et/ou client ?

Cela va au-delà de la question du sauvetage. Que les banques soient bénéficiaires n’est pas une mauvaise chose. Mais ne devraient-elles pas se demander si elles ne donnent pas exagérément l’impression de se focaliser sur leurs bénéfices ? Si le secteur se préoccupe tellement de l’image globalement négative qu’il véhicule et s’il considère que le serment bancaire illustre cette méfiance, il devrait davantage s’interroger sur la responsabilité imputable à son organisation interne et au discours pas toujours crédible qu’il continue à tenir. Mais c’est aussi un langage caractéristique de toute fédération professionnelle que de prétendre que tout ce qui ne va pas, c’est la faute de l’Etat ou du régulateur.

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