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Sciensano va-t-il révéler le nombre de morts du Corona pour chaque hôpital ?

Tex Van berlaer
Tex Van berlaer Collaborateur Knack.be

Sciensano considère depuis le début de la crise du coronavirus qu’il est hors de propos et même dangereux de donner le nombre de morts par hôpitaux. Pourtant, la Commission (fédérale) d’accès aux documents administratifs n’est pas de cet avis et donne raison à la N-VA qui demande ces chiffres depuis des mois.

Sciensano devrait indiquer, par hôpital, combien il y a de patients atteints de covid-19 et combien en meurent. C’est ce que dit la Commission d’accès aux documents administratifs, l’organe qui veille à l’accessibilité publique des documents gouvernementaux si l’on en croit des documents que Knack a pu examiner.

La Commission fait suite à une demande de l’une des stars montantes de la N-VA Frieda Gijbels. La députée demande ces chiffres depuis des mois. Elle veut savoir, de manière anonyme, combien il y a de patiente Corona dans chaque hôpital, y compris ceux qui sont en soins intensifs. Elle veut également savoir combien de patients meurent par hôpital. Dans un premier temps, elle a soumis cette question à l’ancienne ministre de la Santé Maggie De Block (Open VLD) avant d’adresser directement sa demande à Sciensano, qui reçoit les chiffres directement des hôpitaux. La ministre et l’institut de santé ont, jusqu’à présent, refusé de lui répondre.

Des hôpitaux surchargés

Sciensano a donné plusieurs arguments en ce sens. Par exemple, l’administration publique ne peut pas l’emporter sur la protection de la population. Après tout, « les patients pourraient utiliser ces informations pour tirer des conclusions sur la capacité actuelle des hôpitaux à les traiter. Pas seulement pour le Coronavirus, mais aussi pour toutes les autres maladies. Cela augmenterait le risque de décès ». Sciensano craint donc que publier ces chiffres entraîne « de graves atteintes à la santé publique. Ce raisonnement était aussi celui de Maggie De Block en juin. Celle qui était encore ministre de la Santé déclarait à l’époque dans l’hémicycle que « les chiffres par hôpital peuvent entraîner des effets indésirables pour les patients atteints de maladies chroniques, qui peuvent alors avoir peur d’aller dans cet hôpital », et cela pourrait surcharger les hôpitaux à proximité.

Par ailleurs, Sciensano souligne également qu’une comparaison des chiffres entre hôpitaux est tout simplement absurde. Les caractéristiques des patients varient d’un hôpital à l’autre. Sans une pondération scientifique approfondie, une comparaison est « absolument hors de propos ».

Il est essentiel que la population obtienne des informations suffisantes

Devant ces refus, Gijbels s’est tourné vers la commission qui lui a donné raison en balayant tous les arguments de Sciensano. La commission déclare ainsi que Sciensano, une agence gouvernementale, peut publier les chiffres si elle les explique. De cette façon, on pourrait éviter les malentendus. Pour elle, « le seul fait qu’il existe un risque de tirer des conclusions erronées ne permet pas de déduire que la sécurité sanitaire de la population pourrait être mise en danger »

De plus, toujours selon la commission, la publication d’informations pertinentes est désespérément nécessaire pour obtenir le soutien du public. Or, pour elle, il existe un « intérêt public important » pour la publication des chiffres. « En cette période où la population est gravement touchée par la covid-19, il est essentiel qu’elle obtienne des informations suffisantes.

Le député Gijbels compte maintenant obtenir rapidement ces informations. « J’espère également que le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (SP.A) en discutera avec Sciensano. Le nouveau gouvernement dit lui-même qu’il « attache une grande importance à la transparence » dit-elle.

Malgré l’optimisme de Gijbels, on peut cependant être en droit de se demander si Sciensano va effectivement suivre l’avis de la commission. Après tout il s’agit d’un avis. Un avis dont elle doit tenir compte lors de la prise de sa décision, mais auquel elle peut déroger en moyennant une motivation détaillée.

Sciensano dispose d’un délai de 15 jours à compter de la réception de l’avis de la commission pour communiquer sa décision d’accorder ou de refuser l’accès à ces informations. Ce délai expire dans moins d’une semaine. Si la décision est positive, elle doit être effectuée dans les « meilleurs délais ». Si elle est négative, le refus doit être motivé de manière concrète et pertinente. « Seuls les motifs d’exception trouvant leur raison d’être dans une loi, un décret ou une ordonnance peuvent être invoqués », précise le site de la Commission.

Le droit de consulter des documents administratifs est un droit figurant, dans son principe, à l’article 32 de la Constitution belge. Dans ce but a été créée la Commission d’accès aux documents administratifs qui émet des avis en toute indépendance et neutralité. Depuis 1995, l’administration doit donc assurer une certaine publicité des documents administratifs qu’elle détient et le citoyen dispose de la possibilité d’exercer ce droit, mais également, si l’administration se refusait à le reconnaître, à faire appel à la commission pour exposer sa demande. Celle-ci rend ensuite un avis qui, si les conditions en sont réunies, viendra appuyer la démarche.

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