Réseaux sociaux: « Le Belang a construit un plan marketing, comme une entreprise »

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Le succès du Vlaams Belang s’est fortement joué sur les réseaux sociaux. Outre un budget important, le parti a fait preuve d’un vrai professionnalisme concernant sa communication, contrairement aux autres partis.

C’est ce qui ressort d’une analyse menée par Maha Karim, Manager Partner de l’agence MKKM, agence experte des réseaux sociaux et diplômée de Sciences Po Paris. Ce qui l’a intéressé, au-delà de la stratégie de chiffres évoqués un peu partout dans la presse, c’est la stratégie de contenu: « Ceux qui avaient préparé leur communication bien à l’avance, comme le Vlaams Belang, s’en sont le mieux sorti. Au MR par exemple, on ressent que ce n’est pas préparé. » Maha Karim a étudié les publications des partis sur base des données chiffrées sur les dépenses Facebook prises directement dans la Bibliothèque publicitaire Facebook. Grâce à cet outil, elle a pu analyser la stratégie de contenu, avec liste de thèmes abordés, pour comprendre la stratégie de chaque parti. Si elle n’a pas eu l’occasion de faire une analyse du coût par électeur, elle pense qu’il serait estimé à 2-3€ par nouvel électeur.

Le Vlaams Belang, une stratégie professionnalisée

« Le Vlaams Belang a fait quelque chose que seul lui a fait, hormis la N-VA : il a eu une stratégie de contenu, des cibles bien définies, des messages-clés. Et il a réparti les budgets sur ces types de contenu et ces cibles-là. Les autres n’ont pas fait de travail assez fin », explique-t-elle.

Pour l’experte en réseaux sociaux, la recette d’une campagne réussie dépend de quatre facteurs : une bonne définition des thématiques, la qualité du contenu (photos, vidéos…), les audiences et le budget média. « Si l’un des 4 piliers n’est pas optimal, cela peut impacter toute la communication. » Au Vlaams Belang, on a été beaucoup plus loin dans la stratégie réseaux sociaux : « ils ont fait un plan marketing comme on ferait pour une entreprise. »

Réseaux sociaux:
© Capture d’écran Facebook via Maha Karim

Est-ce que ce succès peut aussi s’expliquer par les thématiques abordées par les posts sponsorisés ? L’immigration, par exemple, est un thème qui fait souvent réagir sur les réseaux sociaux. « Cela fait partie de leur stratégie de contenu, analyser ce qui fait réagir. Les contenus font plus réagir leur communauté que des sujets classiques, qui ont plus été abordés du côté francophone », nous répond-elle. Le Vlaams Belang a également pris soin, parfois à coup de gros budget, de décrédibiliser la N-VA sur des thèmes fondamentaux.

Deux choses importantes encore distinguent le Vlaams Belang. Premièrement, il s’est hissé comme « intérêt » sur Facebook, ce qui est le cas quand une page dépasse les 200.000 abonnés. Un statut qui classe la page au-delà d’une simple page Facebook. Ce n’est pas le cas pour les autres partis. « C’est une stratégie, car ils ont beaucoup axé pour agrandir leur communauté Facebook avant de communiquer sur la page via leurs idées. » La communauté Vlaams Belang sur Facebook est la plus large communauté politique de Belgique (plus de 400.000 fans).

Réseaux sociaux:
© Capture d’écran Facebook via Maha Karim

Deuxièmement, ils ont alloué 400.000 euros à leur campagne de parti sur les réseaux sociaux, mais aussi 200.000 euros rien que pour leur président Tom Van Grieken. C’est quelque chose que les autres partis n’ont pas fait.

Les partis traditionnels à la traîne

« Les partis traditionnels restent aussi traditionnels dans leur communication sur les réseaux sociaux », dit Maha Karim. La communication du MR, par exemple, n’avait pas de réelle structure. De nombreux efforts pour peu de visibilité, car peu de budget était alloué derrière chaque publication. Ils ont également fait des publications ciblées sur les 13-17 ans : « Ça me donne le sentiment de quelque chose de décousu, pas réfléchi. » Le parti se défend d’être davantage présent sur ce terrain « mais il ne faut pas oublier qu’en Belgique, on passe 1h31 par jour sur les réseaux sociaux. Il ne faut pas négliger cette audience-là ».

Les partis traditionnels, notamment francophones, sont-ils en mesure de se rattraper ? « Difficile à dire, on ne sait pas si dans cinq ans les réseaux sociaux fonctionneront comme maintenant. Avoir compris comment ça fonctionne au moment même et avoir profité de l’opportunité, le Vlaams Belang l’a bien fait. Les partis traditionnels pourraient le faire aussi mais en s’y prenant plus à l’avance », juge Maha Karim. Elle trouve dommage de se priver d’un tel outil quand on peut atteindre les gens facilement et sur une même plateforme.

« J’ai également été surprise par la communication d’Ecolo, qui a surfé sur la vague des manifestations pour le climat. Ils ont communiqué de manière très familière, en tutoyant leur cible (ndlr : les 18-24 ans). Ils ont aussi adopté une position très contestataire par rapport au système politique actuel », analyse-t-elle. Quant au PS, elle le juge comme bon élève francophone : de nombreux thèmes, une communication structurée et des sujets abordés uniquement par eux (ex : la légalisation du cannabis et les transports en commun).

Réseaux sociaux:
© Capture d’écran Facebook via Maha Karim

Une différence Nord-Sud

Chez les néerlandophones, on est de nature plus présent sur les réseaux sociaux. On le voit dans la différence de budget. Le montant maximum dépensé par un parti francophone (48.000 € par le PP) flirte avec le minimum dépensé par un parti néerlandophone du pays (42.000 € par le CD&V), note l’étude. Ensemble, les partis flamands ont dépensé 6,5 fois plus que les partis francophones.

Les communications n’ont pas du tout été coordonnées entre les partis frères. Cela se voir aussi dans les sujets abordés. Seuls le cdH et le CD&V se sont coordonnés. On peut également noter une série de thèmes qui font apparition dans la campagne au Nord, mais absents au Sud, comme l’euthanasie, la criminalité ou l’éducation.

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