Francois Fillon en visite chez Deezer. © reuters

« Rends l’argent! », la ‘révolte’ des employés de Deezer face à Fillon est-elle punissable?

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Lors d’une visite de François Fillon, candidat de la droite à la présidentielle française, dans les bureaux de la société de streaming musical Deezer à Paris, des salariés se sont montrés taquins en diffusant le message « Rends l’argent » sur leurs fonds d’écran. Un employeur peut-il condamner ce genre d’actions?

François Fillon s’est vu contraint ce mercredi d’annuler son déplacement à l’Ecole 42, le centre de formation de Xavier Niel, fondateur de Free, pour « raison de sécurité ». Les étudiants menaçaient en effet de remplacer le message affichés sur les portiques de sécurité de l’établissement en « Rends l’argent » ou encore de changer l’habituel « Bonjour » par le prix des costumes Arnys, autre source présumée de mensonges du candidat de la droite à la présidence de la République.

Ce dernier a préféré se rendre, en compagnie d’Alain Juppé, dans les locaux de la société de streaming musical Deezer où des salariés se sont aussi montrés taquins en diffusant le message « Rends l’argent » sur leurs fonds d’écran. Ce genre de pratique est-elle permise en entreprise ? On fait le point avec l’avocat Frédéric Henry, spécialisé en droit du travail individuel et collectif, au sein du cabinet Claeys & Engels.

Les employés ont-ils le droit de faire connaître leur opinion de la sorte au sein de la sphère professionnelle ?

Si la loi n’interdit pas de s’exprimer dans la sphère professionnelle, les travailleurs doivent faire usage de leur liberté d’expression de manière prudente. Cette dernière est en effet notamment encadrée par l’obligation mutuelle de respect, d’assurer et d’observer le respect des convenances et des bonnes moeurs pendant l’exécution du contrat de travail (1). L’employeur pourrait également considérer que l’employé qui s’exprime publiquement porte atteinte à son image et lui cause donc un préjudice (2). Enfin, les propos des travailleurs pourraient aussi engendrer une menace sur la sécurité de l’employeur : imaginons qu’une manifestation pro-Fillon ait éclaté au siège de Deezer à la suite de l’action des travailleurs : cela pourrait engendrer une menace pour la sécurité de l’entreprise. Or, les travailleurs sont tenus de s’abstenir de tout ce qui pourrait nuire, soit à leur propre sécurité, soit à celle de leurs compagnons, de l’employeur ou de tiers (3).

Les employés pourraient-ils quand même être sanctionnés pour leur action ?

Certes, l’employé est en principe libre de s’exprimer. Il ne pourra toutefois pas abuser de sa liberté d’expression qui est à tout le moins encadrée par les trois limites exposées ci-avant. Dans certains règlements de travail, il est d’ailleurs expressément stipulé que l’employé ne peut pas nuire à la réputation de son entreprise. En cas de violation de cette obligation, le travailleur commet une faute susceptible d’être sanctionnée.

Par exemple, commettrait une faute, un employé d’une société américaine qui se profilerait publiquement comme anti-américain : cela causerait un préjudice à la société et pourrait notamment lui faire perdre des clients.

Son attitude pourrait alors être considérée comme fautive, ce qui pourrait entrainer une sanction de la part de l’employeur.

Le fait que ce soit une action collective y change-t-il quelque chose?

L’employé ne sera pas plus protégé parce qu’il a participé à une action collective avec ses autres collègues. En caricaturant le principe, un cambriolage qui serait commis par dix personnes ne serait en effet pas moins grave qu’un cambriolage perpétré par une seule personne. Le nombre de travailleurs n’est pas une condition exonératoire de responsabilité du travailleur.

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