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Relations troubles diamantaires – politiques

Depuis dix ans, le lobby diamantaire profite de ses relais politiques pour modifier la législation en sa faveur. Objectifs ? Atténuer les effets des affaires de fraude et contrer la concurrence fiscale internationale.

Les affaires de fraudes fiscales et de blanchiment de diamants sales se sont multipliées, de l’affaire Monstrey à Omega Diamonds jusqu’aux derniers soubresauts de SwissLeaks avec ces comptes secrets découverts chez HSBC à Genève: sur 3002 Belges recensés sur ces listings, 916 sont des diamantaires. Le tout a jeté un coup de projecteur sur la face sombre de ce secteur stratégique, qui représente 5 % des exportations belges. Mais a également mis en évidence les relations troubles entre le lobby diamantaire et le monde politique. Un roman noir fait d’intrigues, de réalités sordides et de fantasmes idéologiques.

A l’été 2008, une proposition de loi fait son apparition à l’initiative du député CD&V Servais Verherstraeten. « C’était soi-disant un texte écrit par des professeurs d’université que l’on me demandait de cosigner, se souvient Stefaan Van Hecke, député Groen. Nous avons pris le temps de l’étudier et nous avons refusé. Cette proposition était en réalité rédigée sur mesure pour le secteur diamantaire anversois, précisément afin d’éviter que les juges d’instruction ne puissent saisir des diamants en guise de garantie dans des affaires de fraude. » Plusieurs députés, et non des moindres, n’ont pas les mêmes scrupules: le texte est signé par Bart De Wever (N-VA, alors en cartel avec le CD&V pour quelques mois encore), Ludo Van Campenhout (alors encore Open VLD, avant son transfert à la N-VA), Renaat Landuyt (SP.A), Melchior Wathelet (CDH) et Marie-Christine Marghem (actuelle ministre MR de l’Energie). Dans la majorité fédérale, seul le PS s’abstient alors de souscrire à ce texte.

Après un tollé de la magistrature, qui voit d’un très mauvais oeil les pouvoirs du juge d’instruction réduits de la sorte, et un avis très critique du Conseil d’Etat, la proposition est finalement abandonnée le 6 avril 2010. « Heureusement », soupire Stefaan Van Hecke.

Mais le 20 décembre 2010, un e-mail est envoyé à tous les parlementaires pour les inviter à devenir membre d’un club du diamant, groupement purement informel. Le courrier est signé par le président du club, Jan Jambon, député N-VA et actuel vice-Premier ministre, ainsi que par les vice-présidents Servais Verherstraeten (CD&V) et Willem-Frederik Schiltz (Open VLD), dont le père Hugo Schiltz, ancien patron de la Volksunie, était déjà très proche des milieux diamantaires.

Invité par Le Vif/ L’Express à s’expliquer sur cette intense activité parlementaire au service du secteur, Servais Verherstraeten, aujourd’hui chef de groupe CD&V à la Chambre, s’est refusé à tout commentaire. Contacté, Jan Jambon n’a pas répondu, lui non plus. Quant à Willem-Frederik Schiltz, il a subitement annulé le rendez-vous qu’il nous avait fixé, précisant que « ce forum n’est plus actif depuis quelque temps ». S’il ne s’exprime plus en tant que tel, le club du diamant continue pourtant à faire parler de lui. Le 15 février dernier, John Crombez, ancien secrétaire d’Etat SP.A à la Fraude, a stigmatisé le « club du diamant autour de De Wever » pour dénoncer le manque de fermeté de l’actuelle secrétaire d’Etat, Elke Sleurs (N-VA).

L’enquête, dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

  • La transaction pénale, une victoire du lobby diamantaire
  • La « taxe-carat », le cadeau de la suédoise au Diamantclub ?
  • Dave Sinardet : « Il y a de quoi se poser des questions »
  • Le fantôme HSBC
  • Après le traumatisme de la Shoah, la protection des socialistes
  • Le dialogue pragmatique avec la N-VA

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