Thierry Denoël

Réforme du code pénal, mon oeil !

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Deux experts, dont le juge Damien Vandermeersch, ont claqué la porte de la Commission de réforme pénale instituée par le ministre Geens. La réforme annoncée n’aura pas lieu. Cela sent le gâchis…

Il avait vraiment pris sa mission d’expert à coeur, depuis trois ans. Il ne s’en cachait pas, mais restait plutôt discret, espérant enfin arriver à une réforme du code pénal digne de ce nom. Et voilà qu’à la fin du parcours, Damien Vandermeersch s’est résigné à démissionner de la Commission de réforme du code pénal, mise en place par le ministre de la Justice. Koen Geens (CD&V) s’était pourtant vanté, à l’époque, de faire appel à de véritables et éminents professionnels du droit plutôt apolitiques. C’est ainsi qu’il avait engagé l’avocat-général de la Cour de cassation et professeur de droit pénal bien connu de l’UCL et de Saint-Louis.

Mais Damien Vandermeersch vient de mettre un terme à sa mission, ainsi que Joëlle Rozie, professeure à l’Université d’Anvers, parce que la parole donnée par le ministre, et derrière lui le gouvernement, n’a pas été respectée. La commission de réforme avait, en effet, travaillé à la rédaction de nouveaux livres du code pénal, dont le principe général consistait à diversifier les peines pour que la prison devienne la solution ultime, comme le préconisent d’ailleurs, la main sur le coeur, les différents ministres de la Justice depuis des années.

Les peines alternatives (probation, bracelet, travail d’intérêt général…) existent déjà, mais pour qu’elles deviennent de réelles alternatives, plus efficaces que la prison, il faut qu’elles soient autonomes et donc les seules infligées pour un certain type d’infractions, les moins graves. Ce qui n’était pas le cas jusqu’ici : au lieu de se substituer aux peines de prison, les peines alternatives s’y sont ajoutées, élargissant ainsi le filet pénal et ne réglant rien en termes de surpopulation carcérale.

Cette fois, la Commission de réforme du code pénal semblait être parvenue à établir de véritables peines de substitution en inscrivant les alternatives dans le code. C’était sans compter la logique et les calculs politiques. En fin de parcours, après les discussions en intercabinets, le gouvernement Michel a introduit des modifications au projet des experts, en contradiction avec les principes de base établis par eux. En clair, ils replacent la prison comme « figure centrale » du code pénal. C’est en tout cas ce qu’ont dénoncé Damien Vandermeersch et Joëlle Rozie dans le communiqué annonçant leur départ. Vandermeersch n’est pourtant pas homme à baisser les bras rapidement. Il est capable d’avaler des couleuvres, si c’est pour parvenir à un résultat humaniste appréciable. Ici, il a dû ronger son frein avant de claquer la porte du cabinet Geens, avec le sentiment d’avoir été trahi…

On ne peut que le regretter. Car cet épisode montre, une fois de plus, qu’en matière pénale et carcérale, les gouvernements successifs ne parviennent pas à faire preuve d’imagination ni surtout de courage par rapport à un électorat qui se prononcera en mai prochain et pour la majorité duquel la prison est univers lointain et improbable. De gauche comme de droite, nos gouvernants préfèrent ramer à contre-courant de ce que préconisent depuis des décennies la recherche criminologique. Cette fois, il semblait qu’il y avait un mince espoir de voir les choses enfin changer. Mais c’était sans doute être naïf… Le jet de gant de Vandermeersch tend à démontrer que ce gouvernement n’est guère différent en la matière.

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