Olivier Mouton

Recherche d’urgence homme d’Etat au PS

Olivier Mouton Journaliste

Exaspéré par les discussions improductives avec la N-VA, Paul Magnette menace de se retirer du jeu. Avec des accents populistes dangereux pour l’avenir du pays.

Le PS a des principes. Pas question de négocier des heures durant – parfois jusqu’à une heure du matin, vous imaginez ? – avec un parti nationaliste flamand dont il ne partage aucun élément de programme et qui ne serait prêt à aucune concession. C’est ce qu’il dit haut et fort ce matin au Soir et à LN24, visiblement au bord de la crise de nerfs : « cela devient un vrai supplice ». Lundi, en bureau de parti, les socialistes francophones devraient siffler la fin de la récréation : plus question de participer à cette mascarade.

Tant pis s’ils portent le chapeau, visiblement. Koen Geens et le palais royal savent désormais à quoi s’en tenir. A moins que l’acharnement thérapeutique ne se poursuive : c’est en effet la énième fois que le PS réaffirme son refus de gouverner avec la N-VA. Précision utile : Paul Magnette ne ferme toutefois pas définitivement la porte à cette alliance contre-nature, il pourrait la soumettre à un congrès du parti si des élections sont la seule alternative.

Nous sommes d’accord avec le président du PS : dans ce jeu de dupes, Ecolo a le beau rôle en ne venant même pas à la table. Mais si le président du PS campe sur ses positions, n’est-ce pas parce qu’il est convaincu que son parti restera le refuge providentiel de francophones apeurés, alors que tant Ecolo que le PTB n’ont pas réussi à concrétiseur leur victoire électotale?

Le PS a des principes forts, donc, et opte définitivement pour l’ancrage dans ses Régions, le regard fixé vers des élections anticipées qui deviennent de plus en plus probables. D’ailleurs, en se drapant de vertu et en défiant le PTB sur son terrain, il ne devrait pas trop les craindre. Le parti de Paul Magnette a su adopter un populisme protecteur, rassurant, avec la défense de la sécurité sociale pour axe majeur. Cela lui a permis de rester le premier parti de Bruxelles et de Wallonie jusqu’ici, contrairement à la plupart des partis socialistes qui dévissent en Europe. Et tant pis si l’on ne dit pas toujours la vérité aux gens, notamment au sujet de la situation préoccupante de la Wallonie ou des efforts à fournir pour rétablir les finances publiques.

Franchement, peut-on se permettre cette séquence marquée par le déni des réalités et un repli autocentré ? Alors que le déficit budgétaire s’envole, que des mesures socio-économiques ou climatiques sont vivement nécessaires, voilà ce à quoi nous assistons. On recherche d’urgence des hommes d’Etat, singulièrement dans les rangs socialistes. Oh, le PS n’est pas le seul responsable, c’est vrai. Il existe une alternative sous la forme d’une coalition sans la N-VA, qu’elle s’appelle Vivaldi ou autre. Mais pour cela, encore faudrait-il convaincre le CD&V et l’Open VLD (en pleine campagne électorale interne) de changer leur fusil d’épaule : nous verrons lundi si la stratégie du PS permet d’agir en ce sens, mais l’attitude moralisatrice de son président ne risque guère de convaincre.

Cela dit, et Paul Magnette ne l’esquive même pas dans ses interviews, il existe une autre alternative : une majorité… sans le PS. Elle allierait la N-VA avec le CD&V, l’Open VLD, le SP.A, le MR et le CDH. Improbable, disposant d’une majorité très courte, cet attelage serait-il un dernier recours ? Le président du PS prend-il le risque de revivre la situation de 2014, quand la suédoise avait pris tout le monde de court après la décision du PS – déjà… de se replier sur ses Régions ? Les réactions du MR Georges-Louis Bouchez (« pourquoi remettre sa tête sur une affiche si on est pas capable de prendre ses responsabilités et de conclure des accords ? ») et du CDH Maxime Prévot (« menacer d’un retour aux urnes sur l’air de ‘retenez-moi ou je fais un malheur’ n’est pas responsable) valent plus qu’un long discours.

En fuyant ses responsabilités, parce que c’est de cela dont il s’agirait, le PS laisserait tomber une population qu’il prétend défendre. Il fermerait les yeux sur le paysage électoral dessiné par les électeurs en mai 2019 – qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas. Et il prendrait le risque – visiblement calculé – de mettre l’existence même de la Belgique au centre d’une campagne électorale âpre et violente dont on devine trop qu’elle ressemblerait à celle du Brexit, avec les extrémistes pour principaux bénéficiaires.

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