Daniel Salvatore Schiffer

Quand le JT de la RTBF promeut un livre caniveau

A l’heure où les émissions culturelles et autres débats littéraires se font hélas de plus en plus rares au sein du PAF (paysage audio-visuel), quelle stupide mouche a donc piqué les rédacteurs en chef du Journal Télévisé de la Radio Télévision Belge Francophone (RTBF) en décidant d’interviewer, sur le plateau de son édition du 13h de ce jeudi 3 juillet 2014, l’un des cinq crétins à avoir écrit ces jours derniers, en « picolant » a-t-il eu le bon goût de préciser (on imagine aisément la beuverie), un livre, publié sur internet, au titre particulièrement édifiant : « Comment pourrir la vie de son patron » ?

A l’heure où les émissions culturelles et autres débats littéraires se font hélas de plus en plus rares au sein du PAF (paysage audio-visuel), quelle stupide mouche a donc piqué les rédacteurs en chef du Journal Télévisé de la Radio Télévision Belge Francophone (RTBF) en décidant d’interviewer, sur le plateau de son édition du 13h de ce jeudi 3 juillet 2014, l’un des cinq crétins à avoir écrit ces jours derniers, en « picolant » a-t-il eu le bon goût de préciser (on imagine aisément la beuverie), un livre, publié sur internet, au titre particulièrement édifiant : « Comment pourrir la vie de son patron » ?

Le goût du dégoût

Car c’est apparemment là une avalanche de « gags », non seulement de la plus basse intelligence (du style insérer des crevettes pourries dans les trous des murs d’un bureau afin de rendre l’atmosphère particulièrement agréable à respirer), mais surtout, de manière bien plus grave, de la plus grande immoralité (du style téléphoner anonymement à son patron en se faisant passer pour un agent de police et lui dire que son enfant a été kidnappé, puis raccrocher aussitôt en laissant ce père de famille dans la plus vive inquiétude, sinon angoisse). Le mauvais goût à de nauséabonds relents, là, de dégoût !

Certes suis-je pour une totale liberté de pensée et de parole, c’est-à-dire d’expression, y compris pour des sujets réputés « sensibles », pour employer un jargon bien à la mode, scabreux ou même tabous, en dehors du conformisme ambiant comme de tout manichéisme étriqué. Loin de moi donc, cette prémisse étant claire et nette, la volonté de verser malencontreusement en une quelconque tentation de censure médiatique. Mais tout de même : une émission aussi importante que le JT national de la première chaîne publique d’un pays (la RTBF en l’occurrence) n’a-t-elle donc rien de mieux à faire, alors même qu’il y a des centaines d’écrivains talentueux et autres artistes géniaux qui mériteraient d’être enfin reconnus à leur juste valeur, que d’inviter à parler pendant près de cinq minutes, sur le plateau même, un abruti donnant d’aussi bons conseils, devant des millions de téléspectateurs probablement médusés, à une flopée d’ignares n’attendant que ce genre d’idées brillantes pour sévir à leur tour sur leur lieu de travail, sinon, plus généralement, au sein d’une société plus que jamais en manque de valeurs culturelles, de repères intellectuels et de sens moral ?

La journaliste qui présentait cette consternante édition du JT, Nathalie Maleux, visiblement mal à l’aise de devoir se prêter d’aussi bonne grâce à ce genre d’exercice, a d’ailleurs posé ouvertement la question, n’écoutant là très légitimement que sa conscience, à son invité : « Quel est l’intérêt de publier ce genre de livre ? », lui a-t-elle courageusement demandé. Soit : on remerciera certes ici ladite journaliste pour la clairvoyance, en la circonstance, de son esprit, tout en fustigeant, par la même occasion, son invité, qui ne savait manifestement pas de quoi il parlait ni pourquoi il était là, pour l’indigence de sa réponse.

Trash et audimat

Mais la véritable et bonne question, d’autant plus urgente à l’heure où toute émission littéraire digne de ce nom a donc pratiquement disparu de nos écrans au profit d’insipides et navrantes téléréalités, se pose, toutefois, bien en amont encore : « Quel est l’intérêt, pour une télévision sérieuse, soucieuse d’élever le débat au niveau culturel, de parler, en en faisant donc inévitablement la promotion, de ce genre de navet ? Et de surcroît, ce livre de caniveau, aussi sociologiquement dangereux, s’il tombe dans les mains de potentiels délinquants, que pénalement répréhensible ? »

La RTBF, dont on sait qu’elle se veut volontiers donneuse de leçons de morale à ses ennemis politico-idéologiques, s’est-elle rendue compte, en cette triste et pénible circonstance, qu’elle ne faisait là, elle aussi, que sombrer lamentablement, tout en encourageant indirectement une violence endémique dans nos sociétés souvent déboussolées, dans le plus vulgaire des pièges de notre pseudo-modernité: l’audimat à tout prix et le « buzz » coûte que coûte, quitte pour cela à favoriser le « trash », sinon la plus plate bêtise, contre le véritable débat d’idées, si ce n’est la raison elle-même, vertu sans laquelle il n’est point d’intelligence qui vaille, ni d’humanisme qui compte.

La culture au rabais

Conclusion ? Cet indigne JT de la RTBF : un pitoyable, et surtout très regrettable, signe des temps ! Pis : la culture au rabais et une insulte au simple mais nécessaire bon sens ! A quand donc, en cet obscurantisme culturel, le retour des Lumières ?

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire