César Botero González

PS : Labille et Bodson ont mille fois raison au sujet de Di Rupo

César Botero González Militant du PS - Licencié en sciences politiques et science des religions

À la fin du congrès du PS à Liège, le 26 novembre, bon nombre de militants commençaient à se décourager sur l’avenir du parti, mais voilà qu’une lueur d’espoir commence à s’installer après avoir lu les déclarations de Jean-Pascal Labille et Thierry Bodson.

Suite à un message en interne, envoyé à quelques militants dans lequel je critiquais le congrès du PS, un vieux militant, soutien fervent d’Elio Di Rupo, me demande, un tantinet sarcastique : « Mais que fais-tu encore, cher Botero, dans ce parti pourri aux mains d’un vieux barbon autocrate ? »

Et je lui répondis : « Tout le parti n’est pas pourri. Une partie seulement. J’attends, cher camarade, que Di Rupo et quelques autres partent pour que les choses changent. Il faut toujours garder l’espoir. » Et en effet, il y a un espoir, mince, mais… on ne sait jamais.

Bien que Di Rupo ne soit pas un pourri, il doit abandonner la présidence pour les raisons exposées par Labille et Bodson. Ces raisons sont partagées par de nombreux militants.

Pour ces mêmes raisons, depuis le 30 janvier 2017, j’ai demandé dans plusieurs articles, ici même, la démission d’Elio Di Rupo, mais je suis loin d’avoir le poids du Secrétaire général de Solidaris et du Secrétaire général de la FGTB wallonne, d’où ma satisfaction de les voir se manifester avec la clarté et le sens des responsabilités dont nous avons besoin.

Dans le message en interne, envoyé le 8 décembre à quelques militants, je leur faisais part de mes conclusions sur le congrès (je le transcris tel quel) :

1. Absence de démocratie interne. Unanimité écrasante, stalinienne. Pas une voix critique n’a pu s’exprimer. Aucun bilan contradictoire. On me dira, mais il y a eu un débat dans les USC et dans les fédérations. Je n’ai pas le temps de m’attarder là-dessus. Je suis déjà à la page quatre.

2. Trop de compliments entre les Grands Propriétaires du parti. Des héliotropes qui disaient : « Merci président » en signe d’allégeance. Elio qui disait aux héliotropes : « Grâce au travail remarquable de… en signe d’adoubement ».

3. Aucun syndicaliste parmi les orateurs du parti des travailleurs. Personne de Solidaris. D’ailleurs, ils étaient absents en signe de protestation.

4. L’égalité homme-femme piétinée. La seule oratrice, Laurette Onkelinx, s’en va pour de bon à moins qu’elle ne décide de siéger au parlement européen. Le cimetière des éléphants.

5. Les 170 propositions sont bonnes. Mais ce n’est pas le plus important. Avoir des idées c’est facile. La preuve, ces « salauds » du CDH ont plus de 400 propositions dans leur programme. Ce qui compte est le facteur humain, les qualités des politiques qui vont se battre pour faire de ces propositions une réalité.

6. Si la Charte de Quaregnon n’inspire plus le PS depuis longtemps, rien ne me dit que dorénavant il va s’inspirer en plus du Manifeste. S’inspirer de deux manifestes au lieu d’un… pas facile.

7. Un parti qui se dit en ordre de marche pour la conquête ou la reconquête de pouvoir doit se débarrasser de quelques dirigeants, vous savez lesquels.

8. Un parti qui protège Alain Mathot, le principal inculpé de l’affaire Intradel, n’aide pas à rétablir la confiance entre les politiques et les citoyens. Et pire encore, EDR a dit au JT de la RTBF du 07/12/2017 qu’il était à l’aise sur ce dossier qu’il ne connaissait pas ! Il est à l’aise sur des dossiers qu’il ne connaît pas, mais qu’il devrait connaître. Un dossier vieux de dix ans. Rien d’étonnant.

9. Nous devons nous améliorer en matière de bonne gouvernance, démocratie interne et efficacité.

La seule réaction connue jusqu’à présent d’un dirigeant du PS est celle d’André Flahaut : « Quand on change d’architecte en cours de travaux, c’est le bordel ». C’est bien connu, pour Flahaut, Di Rupo est le parti et le parti est Di Rupo. Donc, ce n’est plus le capitaine à la barre du bateau qui tangue, mais l’architecte de la mise en ordre de marche. Certains lui diront que continuer avec le même architecte pourrait être pire.

André Flahaut fait semblant d’ignorer que :

• C’est déjà le bordel, pour utiliser son langage fleuri ou flétri, depuis un certain temps, en particulier depuis décembre 2016. Bordel ! Est-il inspiré par Pascal Smet ?

• Le cas Alain Mathot continue de surprendre les militants, les citoyens et les médias.

• Il faut revoir le fonctionnement du parti en vue d’une meilleure gouvernance, plus d’efficacité et plus de démocratie interne. Les partis ne sont plus adaptés aux réalités et aux exigences d’aujourd’hui. Il faut changer de fond en comble leur manière de faire la politique, mais les vieux de la vieille ne peuvent pas comprendre cette évidence.

• Il ne suffit pas de rhabiller la Charte de Quaregnon en Manifeste de Liège ni les 170 propositions.

• Seule une nouvelle équipe peut incarner le renouveau du parti et faire face aux prochains défis. Comme en football, pour sauver une équipe qui perd, il faut remplacer l’entraineur et quelques joueurs et rétablir le contact avec les supporters.

• Le parti n’est pas encore en ordre de marche puisque deux dirigeants importants tirent la sonnette, à bon escient. Cacher les divisions internes ne les efface pas.

Ceux qui parlent courageusement, « en off », accusent Labille d’opportuniste et d’ingrat.

Pourquoi ? Ils mettent en évidence leur conception de la démocratie interne. L’opportunisme et l’ingratitude seraient-ils les seules motivations pour critiquer le président ? Il serait plus opportuniste de ne pas l’attaquer. Ingrat ? Parce qu’il a bénéficié de quelques nominations, est-il en dette d’une éternelle reconnaissance vis-à-vis de Elio Di Rupo ? Ce genre de reconnaissance est le vice qui alimente, le clientélisme, le copinage et l’entre soi. Ces accusations sont aussi valables que celles qui accuseraient tous les fidèles à Elio Di Rupo d’opportunistes et des serviles. Ils ne le sont pas tous.

Pourquoi ne pas admettre que les déclarations de Jean-Pascal Labille obéissent au seul intérêt de promouvoir un débat qu’il juge utile et nécessaire pour le bien du PS ? Il déclare au journal « Le Soir » qu’à 57 ans il ne cherche pas à être candidat à la présidence du PS. En revanche, il plaide pour plus de quadragénaires et soutient la candidature de Paul Magnette.

Quant à Thierry Bodson, il ne serait pas pertinent de l’accuser d’opportuniste et d’ingrat puisque son parcours syndical ne dépend pas d’Elio Di Rupo, à moins que je ne me trompe. C’est pareil pour Robert Vertenueil Secrétaire général de la FGTB.

Que faire donc pour que les déclarations de Labille trouvent écho parmi ceux qui font le vent et la pluie au PS ?

Bien que cette lueur d’espoir suscitée par Labille et Bodson réchauffe le coeur, il est à craindre que le débat sur la direction du PS et son fonctionnement ne voie pas le jour avant la fin du mandat d’EDR. Il ne faut pas être expert en dynamique des groupes pour comprendre le pourquoi. C’est la peur. Une peur compréhensible. Tout le monde n’a pas la même liberté de parole au sein d’un parti. La carrière politique des uns et des autres dépend en grande partie de leur attitude et de leur positionnement à l’égard du président. Pour se lancer dans ce genre de batailles, les combattants veulent être sûrs de l’emporter s’ils ne veulent pas changer de métier. Une stratégie vieille comme l’homme nous apprend qu’on déclare la guerre si on est fort ou on signe la paix si on est faible. Si celui qui assure ta place est en danger, soutiens-le.

Bien entendu, la peur et l’opportunisme ne sont pas forcément les seules motivations de ceux qui refusent le débat proposé par Labille et Bodson.

Le peu de démocratie interne ne permet pas d’ouvrir un débat sur la convenance d’un autre président et d’une autre équipe.

Mais le principal obstacle est Elio Di Rupo lui-même. Il a atteint le point Fillon, celui au-delà duquel n’importe quelle critique est jugée injuste et malveillante et, mieux encore, indolore. Les critiques fondées ne sont pas très graves et n’affectent pas son bilan. Plus les critiques s’intensifiaient, plus Fillon voulait se battre pour gagner, persuadé que cette obstination ferait de lui une victime susceptible d’attirer la sympathie et un héros face à l’adversité capable de galvaniser ses troupes et de les conduire à la victoire. C’était sa lutte finale à lui. La dernière… jusqu’au moment où il a vu les résultats sur les écrans de télévision. Di Rupo Fillon, même combat ? Même stratégie ?

Il reste à savoir si Paul Magnette veut se trouver à la tête du PS dans les circonstances actuelles. Et avant les élections de 2019.

Une des solutions est donc que Labille et Bodson continuent leur combat et que d’autres, avec la même liberté de parole et persuadés de l’urgence d’un changement, les rejoignent. Mais il ne faut pas traîner. Ils méritent d’être suivis sans calcul ni crainte.

Je salue leur démarche et leur projet.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire