Pinchas Goldschmidt

Protéger la liberté religieuse en Europe (carte blanche)

Pinchas Goldschmidt Grand rabbin, président de la Conférence des rabbins européens.

Les lois antireligieuses interdisant l’abattage rituel ou criminalisant la circoncision menacent aussi sûrement l’avenir des Juifs d’Europe que le terrorisme islamiste, affirme le président de la Conférence des rabbins européens, Pinchas Goldschmidt.

En 1891, la Suisse, inquiète de l’afflux migratoire de Juifs fuyant l’est de l’Europe, adopte une mesure radicale: interdire l’abattage rituel. Cela rend de facto difficile le maintien d’une vie juive sur son territoire. Cent trente ans plus tard, on voit cette tentation ressurgir sur tout le continent européen, avec des effets délétères.

Partout en Europe, les libertés religieuses reculent. Des rites millénaires comme la circoncision ou l’abattage rituel sont régulièrement remis en cause. La Cour de justice de l’Union européenne vient ainsi de confirmer une décision de justice rendue en Belgique. Elle indique que l’étourdissement préalable de l’animal peut être imposé dans l’Union européenne, menaçant plus gravement que jamais la shehita, l’abattage traditionnel. On peut également citer le projet de loi déposé en 2018 au Parlement islandais, qui souhaitait criminaliser la circoncision pratiquée sans raison médicale, au motif qu’elle porterait atteinte à l’intégrité physique des mineurs.

Des lois exigent l’abandon de pratiques religieuses qui ne contreviennent pourtant ni aux valeurs ni aux modes de vie europu0026#xE9;ens.

Un recul rendu possible par des mécaniques politiques

Alors que l’immense majorité des Juifs d’Europe pratiquent la circoncision, et qu’un très grand nombre d’entre eux mangent strictement cacher au moins quelques fois dans l’année, ces restrictions grèvent notre avenir. Je le dis simplement: ces lois et jurisprudences liberticides menacent aussi sûrement l’avenir des Juifs d’Europe que le terrorisme islamiste.

Aujourd’hui, ces restrictions s’opèrent essentiellement par des lois. Des lois qui exigent l’abandon de pratiques qui ne contreviennent pourtant ni aux valeurs ni aux modes de vie européens. Si l’on veut préserver l’avenir des Juifs, et plus largement celui des libertés religieuses en Europe, il est donc urgent de réaffirmer l’attachement des Européens aux libertés fondamentales.

Cela passe tout d’abord par la dénonciation des mécaniques politiques qui rendent ces reculs possibles. On observe ainsi des coalitions baroques entre associations de défense des droits des animaux ou associations pour les droits de l’enfance et mouvements d’extrême droite. J’écris « baroques », car ces structures ne partagent souvent rien en termes de valeurs, mais se retrouvent ponctuellement sous un même projet d’affaiblissement des droits pour une partie de leurs concitoyens. C’est ce qui s’est passé en Suède en 2018 lorsque le parti d’extrême droite des Démocrates de Suède a réclamé l’interdiction de la circoncision aux côtés de l’Association suédoise pour l’enfance.

Les lois sont ce qui nous menace, mais elles sont aussi ce qui pourrait nous protéger

Surtout, il faut mettre fin à l’insécurité juridique par des lois nationales et des textes fondamentaux qui réaffirment l’attachement des Européens aux libertés religieuses. En Allemagne comme en Autriche, la liberté religieuse bénéficie depuis 2012 d’une protection constitutionnelle. A quand en Belgique? A quand au niveau européen?

Les Juifs sont particulièrement attachés à l’Europe: ils savent que les valeurs européennes de liberté de conscience sont leur meilleure protection. Le recul des libertés fondamentales signale un affaiblissement certain de ces valeurs, face auquel une réponse résolue s’impose désormais. Il n’y a pas d’avenir pour l’Europe sans liberté religieuse.

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