Jan Nolf, ancien avocat et juge de paix, fait l'éloge du doute. © Florian Van Eenoo/Photo News

Procès Wesphael : « le juré est le représentant du peuple »

Pour le chroniqueur judiciaire Jan Nolf, auteur de la postface d’Assassin, écrit par Bernard Wesphael, à paraître après le procès, la justice est souvent prisonnière de ses premiers actes.

Jan Nolf, ancien juge de paix de Roulers et chroniqueur judiciaire des sites knack.be et levif.be, n’est pas n’importe qui dans l’affaire Wesphael. Sans se prononcer sur le fond, il s’est longtemps attaché à dénoncer les anomalies du dossier. Avec l’ami Jean Thiel (Ecolo Seraing), Jan Nolf était la silhouette en trench clair escortant l’inculpé à sa sortie de prison. Même accompagnement sur papier. Si Jean Thiel préface le livre de Bernard Wesphael, Assassin, à paraître chez Laurent Minguet (NowFuture), Jan Nolf en a écrit la postface, une réflexion sur la justice qui annonce son prochain livre, La Force du Juste.

Quels sont les écueils à éviter au procès Wesphael ?

Une erreur, pour la défense, serait de chercher à prouver l’innocence. C’est au parquet qu’incombe la charge de la preuve. Le doute doit profiter à l’accusé. Le procès peut partir dans tous les sens s’il est considéré comme une procédure visant à remédier à une erreur judiciaire. Je plaiderais pour une très grande qualité dans la discussion, qu’on prenne le temps, à tout moment, de s’arrêter sur chaque point, pour éviter de s’enfermer dans ce qu’on appelle en néerlandais une tunnelvisie, en anglais, une belief perseverance, bref, un entêtement à conserver la même voie, malgré les éléments contraires qui surviennent, sur la base d’une impression initiale. On sait combien de temps il a fallu, dans ce dossier, pour que la justice abandonne la thèse de la préméditation. C’était un aveu d’échec. La psychologie de l’enquêteur est tournée vers la culpabilité. Idéalement, dans les équipes, il faudrait que certains enquêteurs travaillent systématiquement à décharge.

L’acte d’accusation vous paraît-il solide ?

Ce n’est qu’une pièce au dossier. Le parquet n’est pas neutre. Il représente le résultat d’une enquête vu sous un certain angle. Fondamentalement, il est très difficile de lui demander de désavouer une enquête. Ce qui explique, selon moi, le temps qu’il a fallu pour lever la détention préventive de Bernard Wesphael.

Quel rôle le jury populaire doit-il jouer dans ce procès ?

L’intime conviction du juré n’est pas si personnelle… Le membre du jury populaire ne représente pas que lui-même. Il est le représentant du peuple.En son for intérieur, il doit se demander si sa position serait partagée par d’autres que lui, disposant des mêmes informations, avec un bon raisonnement. Il ne peut pas se permettre d’être dans le camp des « believers » ou des « non believers ». Il doit seulement apprécier s’il y a suffisamment de preuves pour condamner et s’abstenir en cas de doute. En tant que membre du jury, il a une vue d’ensemble du dossier. On peut avoir l’intime conviction que quelqu’un est coupable mais rester juste, parce que l’acte de juger implique des conditions très précises.Dans un procès, il faut aussi « laisser du temps au temps », éviter de brûler des étapes d’information et de réflexion. Le juge doit constamment se remettre en question, donc, le jury aussi.

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