Pierre Havaux

Prêtre collabo et souverain du Congo dans le même sac

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Le point désormais commun entre un prêtre flamand à la botte des nazis et le deuxième roi des Belges : ils ne sont plus les bienvenus à Courtrai, qui a décidé de les bannir du plan de ville. Plus de Cyriel Verschaevestraat et plus de Leopold II-laan : ainsi a tranché le conseil communal le 19 novembre.

A la réflexion, on se dit que le prêtre flamingant l’a bien cherché, lui qui avait pris fait et cause pour le régime hitlérien jusqu’à se faire le défenseur de l’extermination des Juifs. Verdict en 1946 : condamnation à mort par contumace de ce nazi convaincu, qui finit ses jours dans son exil autrichien en 1949. Sauf que ce CV n’avait pas empêché l’homme d’Eglise doublé d’un vrai poète d’avoir droit à une rue à son nom çà et là en Flandre, et notamment à Courtrai à la fin des années 1960. Hommage strictement rendu à ses talents littéraires et non à son amour immodéré pour la croix gammée. Mais voilà que ce même CV rend aujourd’hui cette visibilité en rue inconvenante, a jugé le pouvoir communal courtraisien. Non sans mal.

Les nationalistes flamands ont ainsi obtenu le scalp du deuxiu0026#xE8;me roi des Belges, lui aussi privu0026#xE9; de son avenue.

Car la N-VA, partie prenante de la majorité, a exigé un tribut au sacrifice. Les nationalistes flamands ont mis une tête couronnée dans la balance et ont ainsi obtenu le scalp du deuxième roi des Belges, lui aussi privé de son avenue. Axel Ronse, échevin de la culture N-VA, a visiblement su trouver les mots justes :  » Si l’on conçoit un nom de rue comme un hommage à refuser à un collaborateur, alors on doit aussi le refuser au meurtrier de masse que fut Léopold II.  » Rapport à la réputation de génocidaire au Congo que traîne de façon insistante le roi à la barbe fleurie.

Au fait, pourquoi ce subit ravalement de façade ? Parce que la Flandre se souvient qu’elle fut aussi résistante sous l’occupation nazie. La série télévisée que la chaîne Canvas vient de consacrer aux enfants de la Résistance, après avoir donné la parole aux rejetons de la collaboration, remue les consciences. A défaut de faciliter le passage à l’acte. Le nom à graver en lieu et place du collabo éjecté était tout trouvé : Evarist De Geyter, héros de la Résistance durant la Première Guerre mondiale. Mais pour le coup, c’est la N-VA qui a fait de la résistance et obtenu l’encommissionnement du dossier.

Aujourd’hui, la collaboration flamande garde quelques restes au hasard d’une ville ou d’un village de Flandre. Cyriel Verschaeve s’affiche encore dans quatre localités, dont Puers-Saint-Amand où se situe Breendonk, camp de concentration de sinistre mémoire. Un autre grand nom de la collaboration flamande a, lui, pignon sur rue au coeur de la métropole anversoise : bienvenue à la Bormshuis. A son propos, le site Internet de la ville d’Anvers répertorie l’endroit comme musée et centre de documentation consacré à l’histoire du Mouvement flamand, ainsi baptisé en mémoire d' » August Borms (1878 – 1946), chef de file nationaliste flamand « . Sans note explicative sur la cause exacte du décès : passage devant le peloton d’exécution pour collaboration avec l’occupant nazi, avec pour circonstance aggravante un état de récidive lié à une première condamnation à mort en vertu du même motif durant la Première Guerre mondiale.

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