Carte blanche

Pourquoi les réunions en non-mixité choisie sont nécessaires et doivent rester un moyen d’action légitime (carte blanche)

Vous admettrez que nous évoluons dans une société où s’exprimer et être entendue en tant que femme n’est pas une démarche simple (#NotAllMen #Mansplaining #Manterrupting) – c’est un euphémisme.

L’actualité montre à nouveau que les réunions entre femmes ou membres issus des minorités posent problème : ce vendredi 3 septembre a eu lieu une balade en non mixité choise à laquelle était inviteé Sarah Schlitz, secrétaire d’Etat à l’Egalité. Sa présence suscite depuis plusieurs jours la polémique : cette marche serait « discriminante ».

Je m’interroge. Comment est-il encore possible, en 2021, que des hommes (privilégiés, Cis.) fassent mine de découvrir la roue et en viennent, encore et encore, à nous donner des leçons de féminisme et sur la façon dont nous devrions nous organiser ? Non, messieurs, la non-mixité – que vous employez pourtant allègrement dans vos innombrables boys clubs – ne relève pas de la discrimination- ; elle permet, au contraire, la mise en commun et le partage de paroles et d’expériences de femmes et/ou minorités de genre. La non-mixité représente un moyen de (re)construction de soi à travers la prise de parole et l’échange.

Cette réaction a néanmoins le mérite de mettre en évidence le message politique fort que représentent les réunions en non-mixité et les personnes qui y prennent part. Car ce qui vous révolte, ce ne sont pas le sexisme, le racisme, la grossophobie, l’homophobie, la transphobie, et j’en passe, dont notre société est empreinte (on aimerait bien, pourtant…). En réalité, ce qui vous écoeure, c’est uniquement le fait de ne pas étre acceptés quelque part ! Comme je doute de la pertinence de la présence d’une personne qui n’aurait aucune dépendance à l’alcool aux AA ou de celle d’une femme blanche lors d’une réunion de femmes racisées ayant subi de la discrimination, je ne vois pas en quoi la participation de mâles dominants aux rassemblements de celleux que vos privilèges oppriment tient la route. Cela va peut-être vous surprendre, mais sachez qu’en réunion en non-mixité, certaines femmes souhaitent témoigner de violences subies et que, malgré leur courage, la présence d’hommes pourrait les en empêcher ou rendre la démarche plus difficile encore. Certains diront qu’il faut que les hommes sachent ce qu’elles vivent, justement. Bien sûr, et cela se fait régulièrement, en réunions mixtes (où vous ne vous rendez presque jamais…), dans lesquelles les femmes auront préalablement choisi de s’exprimer en leur présence.

En société, beaucoup de femmes n’osent pas prendre la parole, car cette dernière est souvent écrasée par celle des hommes qui la leur coupent ou contestent les propos exprimés par les participantes. Dans une assemblée non mixte, les femmes apprennent à se réapproprier leur espace, à se concentrer sur leurs idées, à se sentir légitimes, mais aussi à avoir plus d’assurance en mixité en s’émancipant du regard masculin et de la valeur décorative que beaucoup leur accolent (on en a déjà eu la preuve à de multiples reprises chez des politiciens, d’ailleurs).

Je suis une femme racisée et membre de la communauté LGBTQIA+, et aujourd’hui je suis fatiguée de devoir me justifier sur les pratiques militantes des minorités.Vous, hommes blancs CIS, baignant tellement dans vos privilèges que vous n’êtes même plus conscients d’avoir ! Vous aussi, chers hommes, vous assistez à des réunions en non-mixité et cela ne semble ne poser aucun problème : Aucune polémique médiatique sur des politiciens (nul besoin d’en citer) à des réunions qui sont, de manière assumée, réservées aux hommes.

Alors aujourd’hui je dis STOP ! Je soutiens Sarah Schlitz, notre secrétaire d’Etat à l ‘égalité qui lutte quotidiennement et avec force contre toutes les inégalités et contre les discriminations de toutes sortes. J’étais à cette marche en non-mixité choisie le 3 septembre et je continuerai à soutenir ces rassemblements non mixtes.

La non-mixité est un moyen de lutte et non une fin en soi que nous continueron sà pratiquer tant que notre société ne sera pas devenue équitable.

Par Siham Cheurfi, féministe, professeure en philosophie et citoyenneté

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